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Blinking Lights (and other revelations)
2 avril 2006

REVOLVER

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J’avoue m’être lancé dans ce Beatles Beginner’s challenge en grande partie pour  Revolver. Ce n’est pas le seul album des Beatles qualifié d’indispensable et de chef d’œuvre absolu (même s’il revient souvent chez les fans), mais c’est le seul dont je ne connaissais aucun titre (1). Une véritable chance, qu’il me fallait exploiter en découvrant ce disque dans les meilleures conditions, c'est-à-dire en maitrisant l’historique de sa création.

 

Dès les premières secondes de Revolver, on sent que quelque chose a changé. Un décompte désabusé, des sons bizarroïdes, quelqu’un qui tousse, c’est plutôt inhabituel pour débuter un disque, et assez intriguant. Et même si « Taxman »  est une composition assez classique, on est réjouit par un rythme soutenu, un Ringo plus marquant qu’à l’accoutumée derrière ses futs, des solos bien tranchants à la guitare électrique, et de manière générale un son agressif qui sera un des grands atouts de Revolver par rapport à Rubber Soul. Georges Harrison, qui nous explique en gros qu’ils n’auront pas sa liberté de penser, signe là sa composition la plus convaincante pour les Beatles depuis leurs débuts. Mais une fois de plus, il n’a vraiment pas de bol, parce que le morceau suivant l’efface instantanément de la mémoire de l’auditeur. J’avoue avoir rarement autant été chamboulé par un titre que par « Eleanor Rigby ». A la première écoute, on se demande ce qu’il se passe, d’où vient l’émotion qui nous submerge. Ensuite on creusera, on se rendra compte de l’absence totale du classique guitares/basse/batterie au profit des seules cordes, mais pour l’instant on en reste simplement sur le cul, abasourdi. Et l’on ressent l’irrésistible envie de lire les paroles, pour savoir de quoi il retourne, déjà fasciné par ce « Look at all the lonely people » introductif. L’occasion de réaliser que si beaucoup de songwriters ne me touchent pas, c’est par leur incapacité à m’émouvoir par leurs compositions et non par une indifférence générale de ma part aux textes des chansons. Et de me retrouver dans la peau du Beatlemaniaque si souvent raillé dans ces lignes, décortiquant l’histoire de cette femme errant dans une église déserte (2).

 

Evidemment Revolver aurait pu se planter à présenter un tel titre à son début, mais c’est toute la force des Beatles de parvenir à retenir l’attention de l’auditeur sur les morceaux suivants. Une fois de plus, c’est en nous prenant à contre pied émotif qu’ils s’en sortent, enchainant  « Eleanor Rigby » avec un morceau mid tempo nonchalant, « i’m Only Sleeping » (3). Cet improbable hymne à la grasse matinée fonctionne de manière étonnante, sans qu’on sache si cela est du au chant moqueur de John Lennon ou à l’excellente trouvaille sonore des solos de guitare passés à l’envers. Sans doute vexé par le peu de cas fait de son « Taxman », Harrison revient avec son arme secrète, le sitar, pour un mélange très réussi de musique orientale et de rock occidental : les accords de guitare saturée menaçant le solo continu de sitar sont particulièrement bien vus. Et par-dessus cet exotisme original, des paroles et un chant désabusé sur le temps qui passe… Cette fois nul ne viendra voler la vedette de Georges, la composition suivante étant légèrement en deca, malgré un chant très émouvant. Un « Here, there and everywhere » gentillet qui ne déloge pas l’auditeur du petit nuage hors du temps sur lequel il flotte depuis le début du disque. Mais soudain, c’est le drame…

 

Comment on t ils pu faire ca ? Emportés dans leur délire créatif, qui jusqu’ici a fait merveille, et soucieux de respecter la tradition en laissant Ringo Starr tenir le micro le temps d’une chanson, les Beatles balancent « Yellow Submarine » et ruinent l’espoir d’un album parfait. En fait, je connaissais ce titre, mais je n’aurai jamais imaginé qu’il figure sur un disque sérieux du groupe, je le pensais sorti en single ou comme BO d’un dessin animé. De l’entendre à ce moment là me fit un choc aussi brutal que la découverte d’ « Eleanor Rigby », mais avec l’effet opposé : une sortie de rêve immédiate. « Yellow Submarine » est moche (et serait moche même sur un album pour enfants - sur un disque de chansons paillardes de la marine, peut être ?), c’est la tache de vin rouge sur la robe de mariée, la crotte d’oiseau sur le gâteau d’anniversaire, le zob tagué sur le château de Versailles. Nul autre album ne pourrait se relever d’un tel affront, et à vrai dire à la première écoute on n’y est plus du tout. Mais une fois l’infamie intégrée, on peut à nouveau se concentrer sur la suite, et réaliser qu’elle est de haute volée.

 

On retrouve les guitares incisives ainsi qu’un batteur décidément en état de grâce sur « she said she said » (4) ou sur le rapide « And your bird can Sing », doté en plus d’une piste de basse énorme. L’inspiration des Beatles ne faiblit pas, le « Doctor Robert » balance ses petites pilules pour les y aider sur un titre emblématique de la cohésion des quatre musiciens, le riff d’intro d’ « I want to tell you »  enfonce le clou, avant que les cuivres de « Got to get you into my life » ne viennent amener une surprise de plus à ce festival d’idées et de tubes potentiels. Au milieu de ces morceaux rythmés figure un nouveau chef d’œuvre mélancolique de Paul mcCartney, « For no One ». Magnifié par un cor d’harmonie, ce petit titre au piano exprime en deux minutes mieux que n’importe quel autre la fin d’une relation amoureuse. Les paroles, sur lesquelles je me suis une fois de plus rué, sont belles à pleurer (5).  

 

Que faire pour conclure un tel album? Les Beatles ont, encore, la réponse. Elle s’appelle « Tomorrow Never Knows ». Un titre contre lequel même « Yellow Submarine » ne peut rien. Un titre dont il faudrait des pages pour décrire l’inventivité de ses boucles, de sa batterie répétitive, de sa production géniale. Un titre qui contient les trois quart de la production musicale moderne. C’est la conclusion que l’on gardera de Revolver. Jusqu’à présent, je n’avais trouvé dans les disques des Beatles que des références au passé, une digestion talentueuse des artistes les ayant précédés. Affranchis sur Rubber Soul, c’est sur Revolver que leur coté précurseur explose. Je ne compte pas (et ne citerai pas non plus) la quantité de groupes actuels que j’ai entendu tout au long de ces 35 minutes incroyables. Et je peux enfin mêler en connaissance de cause ma voix à toutes celles qui présentent Revolver comme l’un des disques les plus importants de l’histoire du rock.

 

PS : « Si Rubber Soul a été l'album de l'herbe, Revolver est celui de l'acide. » - John Lennon. Parfois, vaut mieux changer de produit que de producteur…

 

(1)   il ne contient en effet pas de tube universel tel que « A hard day’s Night » ou « Help !» et n’est pas représenté sur le double bleu, qui commence avec Sgt Pepper.

 (2)   J’avais compris « Father McKenzie writing the words of a song that no one will hear », en fait c’est “sermon” et non “song” mais cela n’en résonne pas moins chez moi.

(3)   Bon sang, Corgan s’est pas foulé pour écrire « Lily (my one and only) »….

 (4)   Les critiques sur la prétendue faiblesse technique de Ringo Starr semble émaner de gens n’ayant pas capté les changements de rythme délicats de ce titre, par exemple…

 (5)  

And in her eyes you see nothing
No sign of love behind the tears
Cried for no one
A love that should have lasted years!

You want her, you need her
And yet you don't believe her when she said her love is dead
You think she needs you

 

Qualifiés d'office: "Eleanor Rigby", "Love you to", "For no one", "Doctor Robert", "Tomorrow never knows"

Session de rattrapage: "i'm only sleeping", "she said she said", "and your Bird can sing", "Got to get you into my Life"

 

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