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Blinking Lights (and other revelations)
1 juillet 2006

Yann TIERSEN - C'était Ici

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Comme le prouve encore l'excellent album Dust Lane sorti récemment sur lequel nous reviendrons d'ici peu, Yann Tiersen a toujours su faire évoluer sa carrière tout en conservant son style reconnaissable entre mille. Les divers enregistrements de ses tournées ont ainsi des tons très différents mais une base de morceaux commune, et sont l'occasion pour le breton d'embarquer dans ses valises l'ensemble des collaborateurs avec lesquels il travaille sur ses albums. Les live de Yann Tiersen sont tous passionnants, et auraient chacun pu faire l'objet d'un article de cette rubrique. En 1999, sa première Black Session est construite sur le principe d'une alternance de compositions de Tiersen et de reprises de ses invités, parmi lesquels bon nombre des pionniers de la nouvelle scène francaise, Tetes Raides et Dominique A en tete. On y entend notamment une superbe reprise du « Life On Mars » de Bowie avec Neil Hannon, une belle version de « A ton Etoile » avec Bertrand Cantat ou une sélection de titres de l'EP Tout est Calme sorti cette année là en collaboration avec les Married Monk, EP qui reste l'un de mes disques favoris de Tiersen. En 2006, il sort le disque On Tour, bon reflet d'une tournée particulièrement rock, auquel on préférera cependant la Black Session de la meme année, beaucoup plus complète et faisant l'impasse sur la reprise démago de « Ma France à moi » avec Diam's. Un concert là encore très participatif, dont on retiendra entre autres le puissant « la Rade », inédit interprété avec Katel, et les expérimentations sonores avec Marc Sens. Avec cette tournée électrique (il y joue essenciellement de la guitare) et déroutante, Yann Tiersen voulait sans aucun doute tourner définitivement la page Amélie Poulain, quitte à perdre une bonne partie du public qui le suivait en masse depuis l'immense succès du film (ce qui ne manqua pas d'arriver, plus d'un bobo ou d'une mamie étant sortie en « State of Shock » d'un concert de l'époque). Car entre ces deux excellentes Black Sessions,Tiersen, déjà bien connu depuis son mythique album Le Phare, a acquis une notoriété immense grace au film de Jean Pierre Jeunet, et sa carrière un sommet dont le live C'était Ici qui nous occupe en est le plus flamboyant témoignage. Enregistré pour la tournée qui suivit la sortie de L'Absente (soit un mois seulement après la BO d'Amélie Poulain), C'était Ici voit la participation rien moins que d'un orchestre symphonique, d'un quatuor à cordes, d'un groupe de rock et de nombreux featuring classieux au chant. Le tout devant des salles (ou amphitéatre, puisque j'ai pour ma part assisté à ce concert aux Nuits de Fourvière) archi combles, du fan d'origine (comme ma chère épouse) au papi amoureux d'Audrey Tautou.


La première chose qui ma frappée en réécoutant ce double CD, c'est la proportion de morceaux instrumentaux, environ les 2/3. Hé oui, preuve que Tiersen a réussit son pari, il m'a fait oublier qu'à l'époque, ses disques contenaient très peu de chansons. Ce n'est qu'à partir de Tout est Calme, puis de L'Absente, que les titres chantés vont prendre de plus en plus d'importance. Des premiers albums, ce live présente les grands classiques « Rue des Cascades » (toujours portée par la voix magnifique de Claire Pichet, et ici augmentée d'une belle introduction au piano) et « les Bras de Mer » et « Monochrome » marqués du sceau impérial de Dominique A. Autres chansons émouvantes, Lisa Germano vient élégament interpréter « La Parade » et l'omniprésent Christian Quermalet se charge des « Jours Tristes », toutes deux extraites de l'Absente. Tiersen ne chante que sur deux morceaux, un reprise très réussie de Gainsbourg (« La Noyée ») et l'une de ses plus belles compositions, « La Terrasse », avec en contrepoint de la magnifique mélodie de piano les plaintes de la guitare électrique de Marc Sens et des ondes Martenot de Christine Ott. Sur « Bagatelle », c'est l'orchestre qui viendra appuyer le chant lugubre de Dominique A, pour amener progressivement ce titre à un niveau de puissance incroyable, d'autant que batterie et guitare électrique entrent en jeu aussi. L'orchestre viendra ainsi ponctuellement sublimer les morceaux qui s'y pretent, comme à la fin de la mini symphonie « L'homme aux bras ballants », sur les montées de violons de « La Rupture » ou sur le morceau plus lyrique « C'était Ici ». Le danger des concerts avec orchestre symphonique, c'est que l'artiste se sente obligé de l'utiliser à tort et à travers. Tiersen évite facilement cet écueil, et l'utilise au besoin comme n'importe quel acteur du spectacle. Malgré le nombre de personnes sur scène, il n'hésite pas à jouer certains titres tout seul, au piano (« L'absente », « Le Moulin ») ou au violon, sur l'inimitable « Sur le Fil », symbolique de la palette d'émotions qu'un artiste peut évoquer à l'aide de son instrument, aussi bien sinon mieux qu'avec des mots. Outre violon, piano et accordéon qui occupe encore une place de choix, chaque instrument est à l'honneur à un moment où l'autre, ajoutant encore à la diversité des ambiances portées par cette trentaine de morceaux. Cuivres et clarinette viennent ainsi illuminer deux superbes titres nostalgiques « le jour d'avant » et « la Noyée II », tandis qu'un biniou donnera toute sa saveur bretonne au très entrainant « Le Fromveur ». C'était Ici peut donc aussi faire office de formidable best of, tant les compositions gardent la marque des albums qu'elles représentent. De l'introduction forcément orchestrée de « La Valse d'Amélie » au final minimaliste « La Valse des Monstres » sur Toy Piano, on navigue avec bonheur entre chacun des six disques que Tiersen avait sorti à l'époque. Un regard vers le passé qui m'a fait remarquer que meme si j'adore ses petites pièces au piano (toujours ému par « Comptine d'un autre été: l'après midi », malgré son matraquage), je n'aurai pas forcément suivi Yann Tiersen bien loin s'il en était resté là. Au contraire, la fin de C'était Ici est une fenetre sur la direction que prendra le compositeur rennais par la suite. Au travers du très rock « La Crise », encore un de mes morceaux fétiche qui exprime si bien par sa tension le mot qu'il représente, ainsi que de la longue improvisation intitulée « Février », 12 minutes alternant calme et tempete, et dans lequel on peut pourquoi pas repérer les prémices de ce fameux Dust Lane qui tourne en boucle à la maison.

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