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Blinking Lights (and other revelations)
2 avril 2006

Sgt PEPPER'S LONELY HEARTS CLUB BAND

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Cette fois, on y est. La clé de voute de la musique moderne. Le classique des classique, tellement classique que c’est le seul disque des Fab Four (avec le double blanc), que je connaissais bien avant d’attaquer le challenge. Mais abordé sous l’éclairage de ma découverte récente du véritable chef d’œuvre des Beatles : Revolver. Replaçons nous dans le contexte (parce que ca fait un bail) : 1965 - Rubber Soul, les Beatles finissent leur mutation et enterrent le passé. 1966 – Revolver, ils usent de leur liberté totale et expérimentent à fond. 1967 - ils arrêtent les concerts pour se consacrer entièrement à l’enregistrement du Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.

 

Ainsi donc, les Beatles ont toutes les cartes en main : technique instrumentale, moyens matériels et technique d’enregistrement, et la dernière carte qu’il leur manquait, le temps. Ils vont donc pouvoir laisser libre court à leur savoir faire et leur imagination pour aboutir au résultat exact qu’ils escomptent. Et ce résultat est impressionnant. Le déluge de trouvailles sonores, d’inventions musicales osées, d’instruments différents utilisés, de détails peaufinés aptes à capter l’auditeur chaque seconde, ce déluge est tel qu’il faudrait un bouquin pour le décrire (et il en existe certainement beaucoup). Notons qu’une fois de plus, la pochette est à l’image du contenu du disque : très fouillée, maitrisée, riche de multiples détails, colorée voire psychédélique, et surtout reprise des dizaines de fois dans le futur par des groupes admiratifs, comme l’ensemble des innovations du Sgt. Pepper. J’avoue, malgré un recul musical de 50 ans, que j’ai été bluffé par certains effets, j’imagine sans peine le choc que cet album a pu être pour les chanceux le découvrant au moment de sa sortie.

 

Evoquons d’abord le travail sur le mixage des pistes, particulièrement les audacieuses transitions : entre deux morceaux - « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » vue comme introduction de « With a Little help From my Friends » puis sa reprise comme celle de « A Day in the Life », avec cet effet de rappel utilisé des milliers de fois par la suite (1), mais aussi au sein des morceaux eux même - les plus connues étant celles entre les trois parties de « A day in the Life », mais signalons aussi par exemple les transitions assez incroyables entre la musique de cirque et les pickings quasi classique de « Being for the Benefit of Mr. Kite ! ».

Déjà expérimentée sur les albums précédents, l’utilisation d’instruments exotiques  (c'est-à-dire hors des traditionnels guitare/basse/batterie/piano) explose sur Sgt. Pepper : brass band, percussions, claviers divers, très joli trio de clarinette sur « When i’m Sixty Four » et surtout orchestre arrangé par le producteur George Martin qui mériterait presque sur ce disque l’appellation de premier Beatles (plutôt que celle de cinquième Beatles sous laquelle il est connu). A ceci s’ajoute les différents effets d’enregistrement (doublage des pistes, inversions, découpes) et ajouts comme le faux public applaudissant sur le premier titre. Ce qui est impressionnant c’est que tout ceci n’est jamais vain (à l’exception peut être de l’expérimentation « Good Morning Good Morning »)  l’émulation entre les interprètes et les ingés son amène chaque titre à l’ambiance voulue par son compositeur. Le meilleur exemple en est « Lucy in the Sky with Diamonds » dont l’enregistrement moelleux nous transporte immédiatement dans le rêve décrit par John Lennon. La maitrise du groupe est totale, et il est absolument indéniable qu’avec Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, le rock hausse son niveau de plusieurs crans, les Beatles laissant à des années lumière leurs éventuels concurrents au titre du groupe le plus marquant du 20eme siècle.

 

Mais ce serait une erreur à mon sens d’en rester là. Car la première partie de mon article est quasiment exclusivement consacrée au génie inventif des Beatles, et à tout ce qu’ils amènent de nouveau avec le Sgt. Pepper. Et c’est normal, puisque c’est ce qui saute aux oreilles aux premières écoutes. Derrière tout ces arrangements, on en oublierait presque de parler des compositions en elles même. C’est l’objet de cette deuxième partie d’article, qui, autant le dire tout de suite, sera beaucoup moins dithyrambique. La première raison en est plutôt personnelle, et tient dans l’orientation musicale voulue par les Beatles eux même. Désirant faire table rase du passé avec ce nouveau disque (2) (et pour cela on ne peut que s’incliner devant la prise de risque et la réussite totale de cet objectif), les Fab Four préfigurent la Pop, un courant musical largement moins à mon gout que le rock. Le Rock, très largement majoritaire sur le Revolver que j’ai tant apprécié, est ici, quand il est encore présent, comme noyé dans l’habillage sonore du disque. La maitrise totale du groupe dont les qualités  ont été décrites plus haut, a aussi cet effet pervers d’une certaine perte de fraicheur, d’enthousiasme encore un peu naïf aboutissant certes à de rares plantages, absents ici (ah, « Yellow Submarine »), mais me rendant globalement le disque précédent plus évident, plus accrocheur. Alors quid du tube, du riff qui tue, du morceau imparable sur Sgt. Pepper ?

Qu’on se rassure, je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. Le début de l’album est particulièrement bon : derrière les fioritures, « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » se révèle un rock terrible avec une guitare solo bien abrasive (on s’en rend encore mieux compte sur la reprise), et « With a Little help From my Friends » expose sans démonstration excessive le talent de chaque Beatles, avec mention spéciale à la basse de Paul Mc Cartney et au chant idéal de Ringo Starr. C’est après « Lucy in the Sky with Diamonds » (qu’on ne présente plus), que les doutes surviennent. Malgré de bonnes parties de guitare, « Getting Better » et « Fixing a Hole » sont trop plan-plan pour être convaincantes. Quant à « She’s leaving Home », elle est assez symbolique de ce que j’essaye de décrire : Harpe, violons, les arrangements sont superbes, mais son coté classique et propre se révèle finalement plus ennuyeux qu’émouvant, malgré un thème porteur. Radiohead fera plus tard sur le sujet un « Exit Music » bien plus brut et marquant. « When i’m Sixty-Four » souffre du même syndrome, déjà rencontré précédemment sur « My Michelle » (3).  « Within you Without You » est plus difficile à juger, car c’est intrinsèquement un excellent titre, une invitation au voyage agréable sauf que… ce n’est pas du Beatles : c’est un morceau de George Harrisson accompagné d’un orchestre indien. D’une longueur inhabituelle, il s’intègre assez mal à l’ambiance du Sgt.Pepper et finalement est en cela moins bon que « Love you to » sur Revolver. La meilleure preuve que Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band m’endort progressivement dans son lyrisme, c’est le bonheur avec lequel je retombe sur « Lovely Rita » à chaque écoute. Surement pas la composition la plus exceptionnelle des anglais, mais en revenant à leurs fondamentaux ils accouchent d’une ritournelle entrainante dont on a envie de chantonner le refrain en permanence. Du Beatles, quoi….

 

On le sait, les Beatles sont doués pour conclure leurs albums, et s’agissant de celui-ci qu’ils ont particulièrement peaufiné, on pouvait s’attendre à du bon. Je me demande si le statut de meilleur disque qu’on attribue au Sgt. Pepper, et qui comme on l’a vu est assez contestable, n’est pas en très grande partie du au seul « Day in the life », dont la citation au titre de meilleure chanson de tout les temps semble à l'inverse assez évidente. Quand bien même j’ai écouté des dizaines de fois ce morceau, son introduction provoque toujours chez moi l’arrivée d’une émotion intense (4), encore accentuée par le fade out sur les applaudissements du titre précédent, évoquant la solitude que l’on a tous connu après une fête ou un  excellent moment, lorsque les derniers amis sont partis. Qui ne peut être admiratif devant l’association complètement artificielle de ces trois parties - l’une triste, la seconde joyeuse, la troisième reprenant le thème triste de la première en l’associant au rythme guilleret de la seconde – à l’aide de ces bouts d’enregistrement d’orchestre complètement fous, dont cette montée chromatique/dramatique ? Nul autre que le club des cinq n’aurait pu faire fonctionner un truc pareil. C’est le genre de morceau magistral qu’on peut écouter plusieurs fois de suite en se focalisant sur un des éléments : les chants tournants ou le grand piano bien sur, mais aussi la batterie qui révèle un Ringo Starr exceptionnel. Les Beatles achèvent leur chef d’œuvre sur une ultime trouvaille, ce fameux final piano E chord prolongé à l’extrême, point final d’un disque qui changera la face du monde musical. Mais qui ne finira pas sur le podium de mes albums préférés des Beatles….

 

 (1)   Notamment dans les concepts albums. Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band est d’ailleurs souvent faussement catalogué comme un concept album à cause de cette trouvaille.

(2)   A tel point qu’ils inventent un groupe de substitution, dont le nom donne son titre à l’album, qu’ils mettent en scène sur la pochette avec leurs déguisement à coté des vrais Beatles, réduits au rang de spectateurs parmi les dizaines de personnalités du collage.

(3)   Ces deux morceaux bien gentils avaient d’ailleurs été ceux choisis comme sujet d’étude par ma prof de 3eme d’anglais, sans doute l’un des personnages les plus insupportables de ma scolarité.

(4)   L’occasion de m’apercevoir qu’il m’a fallu attendre le dernier titre du disque pour être vraiment touché, ce qui est là encore assez significatif.

 

Qualifiés d’office: « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band », « with a Little Help from my Friends », « Lucy in the Sky with Diamonds », « Lovely Rita », « A day in the Life »

 Session de rattrapage: c’est le gros paradoxe, une moitié de titre qualifiés d’office (donc un très bon disque) et à coté… rien….

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