Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blinking Lights (and other revelations)
2 mai 2015

TOP OF THE FLOPS OF THE POPS OF THE BLOGS - Dirty prise de tête...

1216837490

Autant le dire tout de suite, je ne déteste pas Sonic Youth. Mais ayant mis un bon moment avant d’accéder à la notoriété, le groupe est devenu une institution intouchable aujourd’hui, de manière d’autant plus suspecte que la musique qu’ils proposent n’est franchement pas à porté d’oreille du Nirvanaphile de base. En clair, Sonic Youth est le groupe qu’il est bon de citer parmi ses favoris dans les cocktails mondains, alors qu’on écoute en fond sonore un Nouvelle Vague ou un Massive Attack qui passe bien, tout comme le petit verre de bordeaux hors de prix qu’on agite vainement de sa main droite pour faire semblant de s’y connaître en vin, autre passe temps favori des bobos amateurs d’art moderne s’extasiant sur les œuvres de pauvres taches combinant mauvais goût et  ridicule et ne devant leur notoriété qu’aux pochettes des albums de nos amis New Yorkais. Après le démasquage réussi du symbole de la génération précédente des snobinards de la sous culture underground*, il était donc indispensable de remettre à leur juste place Sonic Youth, qui certes ont découvert pas mal de nouveaux paysages musicaux plantés de larsens et d’accords disgracieux, mais sont loin d’avoir inventé la musique du futur comme ils en ont la prétention.

Autant le dire tout de suite, je ne déteste pas Dirty. Mais dans la discographie en dents de scie de Sonic Youth, groupe capable d’enchaîner l’excellent (A Thousand Leaves) et le pitoyable (NYC Ghosts & Flowers), il m’a semblé la cible idéal d’un article pour le concours : ni trop bon (critique non crédible) ni trop mauvais (critique trop facile), il fait surtout l’objet d’une vénération complètement surestimée de la part de la secte des indépendantistes musicaux cherchant à tout prix à se démarquer du vulgaire grand public, qui comme chacun sait est tout juste bon à acquérir le dernier Coldplay et n’écoute donc pas Sonic Youth, l’ignare. Et pourtant sur cette multitude d’hypocrites, aux goûts certifiés conformes par les Inrocks, s’étalant en commentaires dithyrambiques sur cet album forcément majeur aux quatre coins de la blogosphère et devant le buffet des vernissages d’artistes en vogue, combien ont préféré à la première écoute Parachutes à Dirty, même si le plus talentueux des Gentils Organisateur de la prison de Guantanamo n’arriverait  à leur arracher cet aveux qu’au prix d’une torture si horrible qu’à coté l’écoute en boucle d’un album de Mickey 3D semblerait un moment divin ?

La réponse est inscrite au dos de l’album, c’est le titre du premier morceau. D’ailleurs Sonic Youth, sympa, averti souvent son public sur la pochette (avec le coup de la machine à laver, par exemple, ben on sait déjà ce qu’on va entendre…). Ici, l’album s’appelle Dirty, petit mot de cinq lettres évoquant la crasse et la puanteur (en français on aurait pu mettre « merde ») qui annonce la couleur (plutôt dans les marrons donc) : le son est sale, très sale, il pollue les oreilles. Ah, il en aura fallu du courage à notre petit grunger désireux de briller en société, pour ne pas se jeter sur son MTV Unplugged  dès les premières notes de « 100 % », morceau qui contient plus de larsens que de notes, et se forcer, écoute après écoute, à apprécier cette bouillie brouillonne dans le seul but de faire partie de l’élite des rockers qui a tout compris, sans se rendre compte qu’il est victime d’une imposture de première. Sans doute aurait il du flairer le coup en se rendant compte du label sur lequel est sorti Dirty : après avoir navigué sur des petits labels, Sonic Youth, pas assez distribué et pas assez rémunéré à son goût, à posé ses valises chez une grande major, Geffen, prouvant par la même que son attitude de résistants emmerdant le fric et le monde commercial n’est que pure façade. Plus grave, musicalement, c’est la même chose, et là encore la preuve n’est pas à chercher bien loin puisqu’elle nous est fournie par l’inévitable réédition double CD farcie à la daube d’instrumentaux divers et aux fonds de tiroirs moisis, réédition mettant à l’honneur les albums dits de légende (d’où cet article) afin notamment de faire les poches aux fans qui rachèteront à coup sur un album qu’ils ont déjà pour de vulgaires inédits jugés à l’époque trop honteux pour être vendus (mais aujourd’hui, l’album est une légende, donc n’importe quel sous produit de jam session avinée associée se doit d’être accueillie comme un joyau). Dans la liste de ces attrape nigauds, une reprise de Alice Cooper et une de New York Dolls, soit les figures maquillées les plus récupérées du glam rock, mouvement pourtant censé être à l’opposé de la philosophie musicale de nos quatre branchouilles. Et là, on voit bien l’imposture, en fait de révolutionner le rock, Sonic Youth s’est contenté d’enfouir sous des tonnes de larsen des bons vieux accords à la David Bowie, de piquer quelques plans aux Stooges, et hop ni vu ni connus on passe pour des génies ! Le fameux « Youth Against Fascism » par exemple, serait passée inaperçue dans la setlist pas toujours recommandable de feu Johnny Thunders, qui une fois débarrassé de ses acolytes en cuir rouge porta dans ses veines une authenticité punk que les quatre talentueux m’as  tu vu qui nous occupent font mine d’endosser le temps d’un vulgaire « Nic Fit ». Autre exemple, « Purr » qui donne aussi dans le classique, mais interprété à la perceuse pour faire moderne.

Reste une interrogation : pourquoi diable parmi les perceurs de tympan de l’époque, l’adolescent découvrant la « vrai musique » après des années de boys band et désireux de jeter à la face du monde son dégoût tout en frimant auprès des copines s’orienta il vers Sonic Youth ? D’abord parce qu’ils sont cités en référence par Nirvana, le seul groupe qu’il connaît. Et surtout, surtout, parce que le groupe possède un atout charme capable de stimuler une imagination propre à s’emballer sous l’effet conjoint d’une inondation de phéromones et de la jupe moulante de la voisine de classe : Kim Gordon. Comme chacun sait, la basse, dans le rock en général, et particulièrement dans le grunge, ne sert à rien. Sonic Youth a eu l’idée géniale et imitée de nombreuses fois par la suite (Pixies, Smashing pumpkins…) de confier cet instrument à une blonde toute en jambes qui n’a pas froid aux yeux, ni au reste d’ailleurs (on citera son groupe Free Kitten, et leur premier album Nice Ass), s’attirant par là l’admiration d’un public essentiellement masculin en manque de rocks stars pourvues de seins et susceptibles de les montrer. Vaine espérance d’ailleurs, puisque le seul à en profiter est son collègue de travail Thurston Moore, dans une alliance peu commune qui est sans doute à l’origine de la formidable productivité du groupe. On les imagine bien composer ensemble à la maison tout en vaquant à leurs taches ménagères, Kim puisant dans sa cuisine quelques idées (« Creme brulée », mais aussi Washing Machine, bien sur !) tandis que son homme travaille ses solos en bricolant dans son garage ou en passant la tondeuse (influence qu’on ressent bien sur « Drunken Butterfly », en plus il avait pas enlevé les pierres de la pelouse ce jour là…). Bon, la recette du succès n’est pas si évidente, et je reconnais que les gars sont d’un haut niveau technique. Quant à la fille, il lui faudra quelques années avant d’arrêter la figuration (l’age venant, peut être…) et de saisir une six cordes, multipliant encore le potentiel de décibels dangereux du groupe. En attendant, bons techniquement ou pas, ils n’ont pas de chanteurs, et cela s’entend sur Dirty. Chacun y va à tour de rôle, et si on suppose que les accordages de guitares bizarroïdes sont savamment étudiés, les voix ne peuvent émettre qu’en fonction de leurs pauvres possibilités. La limite du supportable est largement atteinte sur « Shoot », dont on espère pour la pauvre Kim qu’elle ne fut pas interprétée à jeun (je pense pas, on l’entend vomir, là, vers la troisième minute…).

Rendons à la sonique jeunesse ce qui est à elle, et convenons que Dirty contient d’excellent moments (« Theresa’s sound world », « Sugar Kane », « Chapel Hill »). Mais avec un disque auréolé d’une telle gloire, on serait en droit d’attendre un sans fautes, ce qui est loin d’être le cas. Le morceau « On the Strip » est à lui seul une démonstration de tout les défauts qui plombent l’album. Chant hasardeux et vague, accords lents et répétitifs dont la saturation fait plisser les yeux, longueur indécente, et finalement effet migraineux assuré. Attaqué avec « Orange rolls », la prise de tête se prolonge jusqu’au final de « JC » enregistré sur un aéroport : étonnant qu’un américain, dans la patrie de la décision de justice ridicule, n’ait pas demandé d’indemnisation sous prétexte qu’une aspirine ne soit pas fournie avec Dirty. Pourvu que les filles Moore choisissent la peinture, car elles font deux bassistes potentielles qui, au vue de la longévité parentale, n’auraient pas fini de nous faire mal au crâne.

 

 * excellent passage de l’article de Tom sur le Velvet qui colle tout à fait à Sonic Youth aujourd’hui : « de tout temps il y eut des élitistes prêts à écouter n'importe quoi pour se différencier (à ce propos on rappellera que contrairement à une idée reçue stupide le public qui se procura cet album à sa sortie n'était pas composé de vrais passionnés de musique résistant au rock commercial de l'époque mais de deux cents illuminés new-yorkais dont la plupart travaille aujourd'hui à la bourse ou dans des banques - enfin non : la plupart a claqué d'une overdose depuis longtemps, en fait) »

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité