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Blinking Lights (and other revelations)
26 juin 2015

BONNIE PRINCE BILLY - Mardi 18 Octobre 2011 - Epicerie Moderne - FEYZIN

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La journée avait été longue. Fatigué et le moral miné par le nouveau statut de Sans Local de Répète Fixe de mon groupe, j'avais eu le plus grand mal à produire le minimum syndical au boulot. J'étais donc ravi de pouvoir me changer les idées en faisant ma rentrée des concerts à l'indispensable Epicerie Moderne, d'autant plus que, fait rarissime, les trois membres d'Hello Darkness seraient réunis, l'occasion de se serrer les coudes dans l'adversité et d'affirmer notre volonté de continuer malgré ce coup du sort injuste. Damien et Yosemite n'auraient raté pour rien au monde la venue de Bonnie Prince Billy, chacun le comptant parmi ses artistes favoris. Il était donc inévitable que je porte une oreille sur la discographie pléthorique du bonhomme qui compte tant pour mes potes, ce que je fis en 2008 en empruntant à la médiathèque the Letting Go (1), qui reste aujourd'hui mon album favori et dont j'espérai grandement que quelques titres figurent au menu de ce concert. Depuis, j'avais écouté bon nombres des disques de Palace ou Bonnie Prince Billy, ne trouvant finalement qu'un album à la hauteur de mes espérances dans sa discographie passée (mais quel chef d'œuvre que ce I See Darkness !), et rien de transcendant dans les multiples disques sortis depuis the Letting Go. Vraiment trop productif, Will Oldham disperse de superbes compositions parmi un flot de chansons la plupart du temps plaisantes mais beaucoup trop similaires pour marquer durablement l'auditeur. Le dernier album, Wolfroy goes to Town, que je bachotais deux jours avant le concert pour être un peu à la page (2), ne déroge d'ailleurs pas à la règle. Très porté sur le chant, il propose une litanie  de chansons belles et monotones, dont quelques-unes, comme « Quail and Dumplings », sortent un peu plus du lot. C'est donc avec de grosses lacunes mais autant d'occasions d'être surpris que j'abordais ce concert, que je ne voulais pas manquer non plus, d'abord parce que la soirée avait toutes les chances d'être très sympa, et en plus parce que Bonnie Prince Billy tournant extrêmement rarement en province je n'aurais probablement pas d'autres occasions de voir ce qu'il donne sur scène.

 

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Damien et moi arrivons à l'heure pile (20h30) pour constater que la rénovation de l'esplanade devant l'Epicerie Moderne a supprimé bon nombre de places. Heureusement il me reste l'emplacement de réserve entre les poubelles et le platane que personne n'ose squatter de peur de rayer sa bagnole. Je m'y gare à la Marseillaise, et nous attendons tranquillement le troisième compère en buvant une bière. Après avoir salué La bUze, venu prendre sa dose hebdomadaire de musique live, c'est l'arrivée de Yosemite, sourire jusqu'aux oreilles d'être débarrassé pour quelques heures de ses gosses. En fait, on discutera surtout avec madame, monsieur connaissant la moitié de l'assemblée de par son boulot de vendeur (3).

Nous voilà parti pour la première partie. Le temps de constater que la salle est en configuration maxi debout (grande fosse et juste deux rangées de sièges), et le duo DanQ, inconnu au bataillon, démarre. Il s'agit d'un barbu saxophoniste produisant divers bruits, soufflements, tapotages et autres sifflements avec son instrument, bruits repris par son compère dans son splendide ordinateur Mac et rebalancés avec toutes sortes d'effets. On a l'impression d'une armée de saxos venus nous agresser les oreilles, et quand on connait mon attachement particulier à ce sombre instrument, inutile de dire que je vis l'enfer. Au bout d'un quart d'heure, notre stock de vannes et nos esgourdes épuisés, et constatant que le set va se poursuivre sur cet unique titre expérimental, nous battons en retraite en nous demandant quel mouche a piqué le programmeur. En tout cas ce n'est pas ce genre de prestation qui va me réconcilier avec le saxophone, ni avec Steve Jobs, qui même mort n'a pas finit de nous faire chier. Nous retrouvons la quasi-totalité de l'assemblée au bar, et nous apprêtons à patienter jusqu'à 22h.

 

a

 

Lorsque nous rentrons à nouveau dans la salle, celle-ci s'est considérablement remplie. Un quatuor entame un petit instrumental country en guise d'introduction à Bonnie Prince Billy, qui vient rapidement se placer au centre de la scène sous les applaudissements du public. Probablement horriblement vexé par le dernier article de Daniel qui le présentait dans son look de paysan hirsute que je m'attendais à voir, Will Oldham s'est mis sur son 31 : costard, souliers (où sont les sandales promises !), cheveu ras et même menton rasé de près, ne subsiste qu'une moustache fournie pour contrer l'inattendue élégance du songwritter. Elégance, un adjectif qui siéra d'ailleurs à merveille à l'ensemble du concert. A la droite du chanteur, un jeune guitariste un brin timide derrière ses lunettes rondes, très bon mais pas infaillible, ce qui le rend encore plus sympathique (4). Il est surtout doté d'une voix magnifique, tout comme la très jolie chanteuse à la gauche de Bonnie Prince Billy, la bien prénommée Angel Olsen (pensez bien que j'ai retenu son nom). Tout les trois sont sur la même ligne, et là où j'attendais un leader omniprésent, je trouve un chanteur plutôt humble se plaçant sur un plan d'égalité avec ses camarades et leur laissant à plusieurs reprises le rôle d'interprète principal. Un peu plus en retrait, un contrebassiste et un claviériste discrets complètent le groupe. Hé oui, pas de batterie, nous aurons donc droit à un spectacle calme, d'ambiance totalement country- folk, dans l'esprit du dernier disque. Je suis Damien qui pour mon malheur se place devant la scène coté gauche, c'est-à-dire pile en face d'Angel. Après trois chansons sans décoller le regard de sa magnifique poitrine, je décide de me décaler un peu histoire qu'un spectateur me masque cette partie de la scène et que je puisse enfin me concentrer sur la musique. Celle-ci est comme attendue très belle, la voix de Will Oldham, quel que soit son volume (qui peut être très élevé), est magnifique et toujours juste, l'instrumentation est discrète et idéale, les chœurs fascinants. Seul inconvénient, je ne reconnais absolument aucun morceau, même pas ceux du dernier album que j'ai pourtant révisé. Damien me dira par la suite qu'ils ont été complètement transformés, et que lui-même les a à peine reconnus..

 

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b

Au bout d'une dizaine de morceaux (environ ¾ d'heure), je commence logiquement à me lasser, d'autant que les titres sont tous dans le même esprit, on en vient à attendre les rares solos de guitare pour les petits changements d'ambiance qu'ils apportent. Là où la setlist aurait du se renouveler et relancer la machine, elle ralenti au contraire le tempo et s'embourbe dans des titres rasoirs. Un énorme ventre mou d'une demi heure environ, où je sors complètement du concert et où mon dos me rappelle son existence à grand coups de douleur sourde. Du coup je me redécale un peu histoire de profiter de la vue sur scène, mais bon, rien à faire, je m'emmerde copieusement. La délivrance viendra du premier titre que je connaisse (enfin !), l'un des plus beaux de Will Oldham, « I See a Darkness », même si je dois avouer que je l'ai trouvé moins poignant que sur disque. Je raccroche au concert, d'autant que le groupe propose en titre suivant une superbe histoire (5), que BPB interprète de manière très convaincue, et convaincante. Voilà encore une attitude que j'ai énormément appréciée, cette manière d'être à fond dans ce qu'il chante sans faux semblant, d'être complètement impliqué dans ses interprétations alors qu'entre les morceaux l'ambiance est détendue, comme à la répète, le chanteur balançant quelques traits d'humours à intervalles réguliers (6). En guise de rappel, le groupe entame le morceau country du début (« I send my love to you ») alors que BPB quitte brièvement la scène. Cette formalité du rappel faite, il reviendra très rapidement accompagner le groupe au chant sur ce titre, le seul un brin guilleret du set (d'autant que le guitariste se plantera dans les paroles, à son grand désarroi, à la fois raillé et encouragé par les autres). On se croirait dans un piano bar, le public tape des mains, et l'on regrette amèrement qu'il n'y ait pas eu quelques autres morceaux du genre parsemés dans la setlist. Point trop n'en faut certes, mais quelques joyeusetés country par ci par là auraient diversifié à bon escient la soirée. 

 

c

 

Après ce morceau, on sent la fin de concert proche. Quelques spectateurs frustrés lancent des noms de chansons, un gars qui réclame « Black » depuis le début retente le coup, un autre se lance avec « Master and Everyone », ce à quoi Will Oldham répond qu'il le jouera demain. C'est à ce moment que le miracle intervient, devant l'insistance de certains, le chanteur bredouille dans la barbe qu'il n'a plus à l'adresse de ses musiciens qu'il y aurait le temps de prendre une requête du public. Je propose pile au bon moment « New Partner », sa plus magnifique composition (du temps de Palace), et insiste en voyant le groupe hésiter. Pour mon plus grand bonheur (et celui de mes compères), nous aurons droit à une très belle version de ce morceau, qui justifiait à elle seule le déplacement. Après un ultime titre, Bonnie Prince Billy nous salue chaleureusement et suit son groupe en coulisse, les lumières se rallument sous les félicitations nourries d'un public enthousiasmé par cette fin de set. Mais la scène reste éteinte, et l'ensemble des spectateurs a raison d'insister puisqu'après un bon moment, le groupe revient pour ce qui est cette fois un vrai rappel. BPB cherche dans un cahier débordant de feuilles volantes et de notes quels morceaux ils vont bien pouvoir jouer, et il se lance dans un titre extrêmement délicat, comme pour nous dire au revoir en douceur. Mais ce n'est pas fini, et je suis ravi d'entendre in extremis un extrait de the Letting Go, en l'occurrence un magistral « I Called you Back » où les chanteurs se lâchent complètement, réussissant l'exploit d'hurler à trois voix tout en restant justes et agréables à entendre.

 

g

 

A l'image des disques de Bonnie Prince Billy, le concert aura donc réservé le pire et le meilleur, des moments beaux, d'autres chiants, d'autres encore les deux à la fois. Plus que la musique, je retiendrai particulièrement l'attitude du chanteur et de son groupe, toute portée au service des chansons et du public. Un sentiment mêlé d'authenticité, de sérieux tout en étant détendu, de simplicité mais d'implication. Un vrai rappel, une requête, un dialogue sincère avec le public (sans trop en faire), un groupe visiblement ravi d'être sur scène et qui ne compte pas ses minutes (presque deux heures de set) voilà qui m'a très agréablement surpris. Je retrouve les collègues après mon traditionnel achat de vinyles, sauf Yosemite qui est déjà sur la route avec madame (mais qui nous a téléphoniquement communiqué son enthousiasme). Damien est plutôt conquis, même s'il regrette beaucoup l'absence de batterie, tout comme moi qui eus préféré un peu plus de diversité. La bUze aura pour sa part vécu l'un des concerts les plus ennuyeux de son existence, et n'aura pas tenu jusqu'au bout... Je rentre chez moi sans regrets, avec une furieuse envie de reprendre « New Partner » avec Hello Darkness, quand on aura retrouvé une salle de répète bien sur...

  

(1) et comme à l'époque j'avais déjà ce blog, on peut lire le compte rendu de ma rencontre avec Will Oldham ICI.

(2) N'ayant absolument pas eu l'occasion d'écouter les deux albums précédents, Beware et the Wonder Show of the World.

(3) Je ne l'imaginais pas si sociable. En tout cas on tient notre futur représentant.

(4) En l'occurrence Emmett Kelly, leader du Cairo Gang avec lequel BPB a sorti récemment un album.

(5) Il s'agit de «the Sounds are always Begging» dont j'ai retrouvé le titre grâce aux paroles.

(6)   This song is called « Night Noises », « Bruits de la Nuit ». Is there a song named like this in French ?  no? Once again, America is ahead....

 

En fouillant un peu, notamment sur cette setlist jouée juste avant, j'ai retrouvé une grosse partie des chansons qui ont été jouées (il doit en manquer 4 ou 5):


No Match - Black Captain - Pushkin - New Tibet - Beast for Thee - I Don't Belong to Anyone - Quail and Dumplings - After I Made Love to You - Night Noises - Teach Me to Bear You - Lion Lair - I See a Darkness - The Sounds Are Always Begging - That's What Our Love Is - There is no God -I Send my Love to You - New Partner - I Called you Back

 

 Pour le plaisir, une autre photo de la nouvelle égérie d'Hello Darkness, miss Angel Olsen...

d

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