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Blinking Lights (and other revelations)
12 juillet 2015

SWANS - Mercredi 27 Mars 2013 - Epicerie Moderne - FEYZIN

 

J’ai découvert Swans il y a peu de temps, lors de la sortie de the Seer l’année dernière, avec en tête les critiques lues sur My Father will Guide me up a Rope to the Sky, disque de reformation acclamé partout (à juste titre) lors de sa parution en 2010, soit 14 ans après son prédécesseur.  Il faudra que je jette une oreille à Soundtracks of the Blind, pour évaluer la continuité entre le Swans décédé en 1996 et sa résurrection dans un line up totalement remanié, mais il est probable que Swans reste pour moi un groupe né cette décennie (d’autant que mes incursions dans la période Jarboe du groupe ne m’ont pas vraiment plu). Ce n’est évidemment pas le cas de la plupart des gens venus à l’Epicerie Moderne ce soir, et je mesure avec étonnement le culte entourant le groupe de Michael Gira devant la masse de spectateurs venus de toute la région pour assister au spectacle ahurissant qui nous attend : je crois n’avoir jamais vu autant de public dans cette salle que je visite pourtant très régulièrement. Même si j’avais anticipé une performance scénique intéressante  à l’écoute des disques et pris ma place sans hésiter malgré ma faible connaissance du groupe, rien ne me préparait au concert que j’allais voir (et je comprendrai alors bien mieux l’affluence record de cette soirée).

 

xiuxiu

Pour l’heure nous savourons notre bière habituelle avec Damien et La Buze, mais pas trop longtemps car l’heure du concert a été avancée, Swans ayant l’habitude de digresser longuement avec pour résultat une durée de concert… aléatoire. Juste le temps d’apercevoir un T Shirt hallucinant (1) floqué Xiu Xiu, première partie que je vais découvrir. Assis au centre de la scène, une guitare sur ses jambes croisées, Jamie Xiu Xiu arbore un look désuet, costard cravate et coupe années 40. Je n’ai pas trop compris le concept, mais il joue derrière une bande son très bruyante d’ambiance de jungle. Il faut se concentrer pour capter son gospel folk maladif, mais l’attitude du bonhomme ne me donne aucune envie de faire l’effort d’écouter derrière les cris de singes et de perroquets des chansons qu’on imagine pourtant potentiellement intéressantes. Jamie se gargarise longuement d’une gorgée de thé entre chaque titre qu’il interprète d’un air constipé, avant d’étudier la mine sérieuse le pupitre disposé devant lui : horripilant. Il prononcera ses premiers mots en saluant brièvement le public au moment où l’appel du bar commençait à vaincre ma persévérance.

 

Quelques minutes de pause et les six membres de Swans sont déjà sur scène. Avant toutes choses, laissez-moi-vous présenter ces psychopathes et leur Seigneur.

 

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Michael Gira, alias General G.

Fondateur et tête pensante de Swans, General G. semble de prime abord le plus sain d’esprit de la bande, mis à part une curieuse propension à se prendre pour un oiseau quand il chante. Il est en fait fou à lier, surveille ses troupes comme le lait sur le feu, les encourageant dans leurs déviances jusqu’aux bouts de leurs possibilités, les punissant sévèrement en cas d’écart, les manipulant mentalement jusqu’à obtenir la chanson qu’il désire, maltraitant plus ses musiciens que sa vieille compagne, une noire guitare branchée sur son âme.

 

 

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Norman Westberg, alias Zombie Sniper.

Zombie Sniper est depuis si longtemps sous la coupe de General G. qu’il en a perdu tout libre arbitre. Sa grande silhouette décharnée attend le regard vide que son maitre lui fasse un signe du menton. Il reprend alors vie et répète en boucle un unique accord sur sa guitare, suivant le rythme que General G. lui ordonne. D’apparence inoffensif, il a en fait une force de frappe incroyable puisque le General, confiant dans son obéissance, lui a confié le plus gros ampli d’une scène qui n’en manque pas.

 

 

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Christoph Hahn, alias Doc

Un petit vieux d’apparence classique, n’eut été un regard vicieux qui en dit long sur son passé. Doc est un ancien tortionnaire qui s’est volontairement engagé dans la troupe du General, allant parfois au-delà des désirs de son chef dans l’outrance bruitiste. Le simple fait qu’il ait pu transformer d’innocentes pedal steel en instruments de guerre auditive approchant la fraise de dentiste suffit à cerner la dangerosité du Doc.

 

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Phil Puleo, alias La Cogne

Lorsque La Cogne entre en action sur sa batterie, les copeaux de bois volent autour de lui. Comme ses toms ne suffisaient pas, il leur a adjoint une très grosse caisse qu’il n’a pas encore réussi à briser malgré tout ses efforts. Détenteur du rythme et donc d’un certain pouvoir sur les chansons, La Cogne est à ce titre particulièrement épié par General G. qui s’en méfie et ne loupe pas une occasion de lui rappeler qui commande sur scène.

 

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Chris Pravdica, alias Bucheron

Bucheron est le plus jeune de la bande, et il est encore en phase de dressage. General G. ne le quitte que rarement du regard et le pousse à avoiner jusqu’aux bouts de ses forces une basse faisant quasiment office d’appareil de musculation. Glissandos monstrueux, accords improbables, son jeu non conventionnel entre pour une bonne part dans le son particulier des Swans. Bucheron en chie tellement qu’il cherche régulièrement un soutien moral auprès de La Cogne, quand celui-ci a un peu de répit, et qu’il osera même en toute fin de scène se rebeller timidement contre les ordres du General.

 

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Thor Harris, alias La Bête

La Bête a le look d’un homme de cro magon, et il en a la finesse. General G. a peu d’emprise sur lui, et l’a enfermé dans une cage, entre son Dulcimer (2) et la très grosse caisse de La Cogne, avec plein de jouets de percussion. La Bête est là pour taper, sur des cymbales surtout, mais aussi sur un xylophone, ou tout ce qui lui tombe sous la main. Parfois il souffle (trombone, clarinette), mais le résultat est le même…

 

 

08

Voici donc la troupe lâchée. Pour le moment, c’est assez statique. La Cogne, Bucheron et Zombie Sniper attendrons immobiles dix minutes avant de jouer leur première note. Puis c’est de grands accords lancés par General G., ses sbires frappant ou grattant à l’unisson. J’attends que la pulsation de ses coups de boutoir hachés monte en sauce, mais le morceau se termine. Je suis un peu déçu par cette mise en oreille dont je cerne mal l’intérêt sur le coup, mais le but de la fin de « To be Kind » est clair : General G. vérifie à grandes enjambées que tout le monde est bien à sa botte, que l’équipe est prête à réagir au moindre de ses geste : une longue introduction pour asseoir son autorité. C’est aussi un avertissement au public sur le volume sonore qu’il aura à supporter, un truc ahurissant que même le mur d’amplis qui lui fait face ne pouvait laisser présager. Je me dois ici de remercier Cédric, ingé son de l’Epicerie au pupitre ce soir,  et la bonne fortune qui l’a mis sur mon chemin samedi dernier. Apprenant que je serai au concert de Swans, il me conseilla fortement de porter des bouchons d’oreille. Moi qui n’en mets jamais, je suis content d’avoir suivi ce conseil puisque malgré cela j’ai eu quelques acouphènes, chose qui m’arrive rarement. Je plains les malheureux qui n’eurent cet avertissement, ils doivent probablement être en train de consulter internet à la recherche de prothèses auditives au meilleur prix. J’insiste sur le sujet, mais chaque spectateur interrogé sur un concert de Swans commencera immanquablement par évoquer ses oreilles…

 

02

 

Heureusement, les autres titres interprétés ce soir seront beaucoup plus intéressants, à commencer par un « Mother of the World » dont je reconnais immédiatement l’accord introductif répété à outrance. Les longs passages bruitistes et les accumulations de couches larsenées débouchent à l’improviste sur des moments rythmés à la limite du Krautrock, en beaucoup plus appuyé. Les morceaux s’étirent, mutent au gré des indications du General G., scruté par ses sbires prompts à accélérer ou ralentir la cadence au moindre geste de la main. On croit reconnaitre certains passages, mais l’ensemble est un conglomérat fondu d’anciens riffs, de nouveaux morceaux, et surtout d’improvisation. On devine que si la trame est commune, aucun concert de Swans n’est vraiment semblable à un autre. Mis à part un court instrumental (très semblable à la fin de « To be Kind ») en forme de remobilisation des troupes, tous les titres sont évidements d’une longueur inhabituelle, mais le record absolu restera un final monstrueux de quasiment une heure.

Déclenché par une intro de Cymbaly que La Bête a endossé tel un marchand de chouchous velu, « the Seer» enflera dans des circonvolutions insaisissables jusqu’à une improvisation au sujet de Toussaint Louverture dont on comprendra plus par les gestes que par les gueulantes franco espagnoles du General qu’il connu une fin violente (les premiers rangs déjà noyés de postillons se verront submergés par une virtuelle mare de sang). Lorsque la déferlante cesse et que chaque spectateur ébahi recompte ses dents, 2h20 de concert viennent de s’écouler sans qu’on ai eu la moindre envie de consulter sa montre. Pas de rappel évidemment, mais de longs applaudissement pour le groupe qui a ma grande surprise salue longuement le public en souriant. Le rideau est tombé, les psychopathes sont redevenus humains, la troupe semble presque trop extenuée pour faire les quelques pas nécessaires pour rentrer en coulisse. Chris Pravdica salue mécaniquement de sa main droite levée : au poignet une énorme hématome en guise de témoignage…

 

10

 

Discussions et partage de ressenti de concert habituels, quoiqu’un cran plus fort qu’à l’accoutumée. L’embarras du choix au stand marchandising, entre superbe vinyles, T Shirt séduisants et discographie complète des Swans – sur la table, un mot de Michael Gira signalant qu’il viendra avec plaisir faire quelques dédicaces. Raisonnable, je n’achète que My Father will Guide me up a Rope to the Sky et son pendant live, We Rose From Your Bed With the Sun in Our Head. General G., après avoir sans doute mis en cage ses psychopathes, a définitivement fait place à Michael Gira. Tout sourire, coiffé d’un chapeau de cow boy gris, il discute avec ses fans, signe les disques tendus et prend la pose avec des dames de son âge. Intimidé, je lui tends sans un mot mon exemplaire de We Rose From Your Bed. A l’écoute, c’est un excellent live qui rend relativement bien compte du concert extraordinaire que l’on vient de vivre, à mi chemin entre musique, séance sportive et génie civil….

 

Setlist:

1 - To Be Kind (17 mn)
2 - Mother of the World / Screen Shot (17 mn)
3 - Coward (11 mn)
4 - She Loves Us (22 mn)
court instru
5 - Nathalie (18 mn)
6 - The Seer / Toussaint Louverture Song / Oxygen (60 mn)

 

Tient, j'y pense, un regret quand meme, n'avoir pas eu droit au terrible « Lunacy» (sans doute la meilleure chanson de 2012) ou, à défaut, « Avatar»...

 

(1)   dont la photo est malheureusement introuvable sur le web

 (2)   instrument constitué d’une accumulation de tubes métalliques suspendus sur un cadre frappés avec des marteaux de bois, et qui produit ce son de cloche si spécifique qu’on entend sur certains titres des derniers disques de Swans. Il sera malheureusement bien trop peu utilisé…

 

 

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