Mes Disques de la Décennie (Part 1/3)
Après avoir, pour une fois, gardé la primeur de ces publications pour Facebook sous forme d'un best off croissant jour après jour, voici sous une présentation différente mes disques favoris de la décennie 2010 - 2019. Il sont aux nombre de 39, que je vais exposer en trois articles.
3 Disques Post Punk 10's
Idles – Brutalism – 2017
En réussissant l’improbable fusion de la colère punk et de la bienveillance hipster, Idles a parfaitement synthétisé l’humeur contemporaine. Nonobstant certains membres de l’AF Gang (leur incroyable communauté de fans) les voyant en prophètes ou leader révolutionnaires, les Idles portent plutôt leurs imperfections en étendard et se servent de leur musique comme catharsis, électrisant les foules du monde entier lors de concerts épiques. Même leurs détracteurs ne peuvent s’empêcher de les citer à chaque commentaire sur un des nombreux groupes du style s’étant engouffré dans la brèche, achevant de consacrer Idles comme le groupe de référence ayant émergé cette décennie.
Protomartyr – Under Color Of Official Right – 2014
Protomartyr a occupé cette décennie sans faillir, avec une succession de trois disques de haut vol, constance rare dans un style où les groupes ont souvent tendance à tout donner sur leur premier album. J’ai sélectionné Under Color Of Official Right simplement parce qu’il est plus immédiat que ses successeurs, et que j’ai découvert Protomartyr avec lui. Quoiqu’il en soit, il y a une trouvaille intéressante sur chaque morceau, balancée par l’un des musiciens ou par la caution charismatique du quatuor, Joe Casey, unique chanteur capable de m’émouvoir tout en me crachant à la gueule.
Fontaines DC – Dogrel – 2019
On ne sait pas encore si les Fontaines DC seront capables de donner un digne successeur à Dogrel, mais ils auront au moins fait date en combinant un redoutable instinct pour la chanson tubesque et la plus belle collection de têtes de cons depuis les frères Gallagher.
3 Anciens qui assurent encore
Calexico – Edge of the Sun – 2015
Quel groupe sort son meilleur disque après 20 ans d’existence et déjà 7 très bons albums au compteur ? Après le splendide Algiers, Calexico récidive avec Edge of the Sun, chef d’œuvre dont chaque titre nous semble meilleur que le précédent et nous laisse ébahi. Si l’on additionne la qualité exceptionnelle d’écriture de Joey Burns, qui s’affine année après année, au fait qu’il s’agisse d’un de mes chanteurs favoris, tout comme John Convertino est l’un de mes batteurs fétiches, Calexico demeure une valeur sure des platines comme des salles de concert.
Radiohead – A Moon Shaped Pool – 2016
La grande réussite du dernier album de Radiohead est d’associer paradoxalement un dépouillement bienvenu au retour d’un groupe qu’on croyait enterré par son omnipotent leader (cf le barbant King Of Limbs). Avec des arrangements controversés, mais qui selon moi assurent la cohérence et renforcent superbement son côté onirique, et le retour de vraies chansons à la beauté immédiate, A Moon Shaped Pool me donne l’impression de retrouvailles avec de vieux amis perdus de vue et s’invite inlassablement sur ma platine depuis sa sortie.
Mogwai – Hardcore Will Never Die, But you will. – 2011
Se renouveler sans perdre son identité, voilà le défi auquel est confronté Mogwai après 15 ans de règne sur le post rock primitif. Hardcore Will Never Die, But you will. inaugure de belle manière cette recherche musicale, et si par la suite le résultat sera plus inégal, Mogwai continue de sortir des disques de bonne qualité ce dont peu de groupes de son époque peuvent se vanter.
3 Disques Nocturnes
L’Effondras – Les Flavescences – 2017
Le renouveau du post rock originel porte le nom d’un hameau bressan. Le trio ravive la flamme par quelque procédé mystérieux, et la magie opère du début à la fin. Espérons que la greffe avec Raoul Vignal ait pris, et que Les Flavescences connaissent une suite aussi lumineuse.
Les Marquises – A Night Full of Collapses – 2017
Tel un peintre musical, Jean-Sébastien Nouveau compose un tableau de pénombre et de mystères. A Night Full of Collapses, maitrisé de bout en bout, nous happe pour un voyage sauvage et fantastique dont on ressort difficilement, comme d’un rêve particulièrement marquant.
Leonard Cohen – You Want it Darker – 2016
On ne pouvait rêver mieux comme testament de cet immense artiste que cet album crépusculaire (jusque dans son titre) qui retrouve enfin l’alliance d’un songwritter à son sommet et des arrangements plus sobres dignes de sa voix si particulière et prenante. On savourera une dernière fois cette plume qui en quelques lignes décrivent avec une égale acuité les chambardements d’une époque ou d’un amour.
3 Disques Fous
Cheveu – Bum – 2014
Avec Mille, Cheveu s’était déjà imposé comme l’un des groupes français les plus originaux et solides de la scène indé, mais, trop abrasif, restait au portes de ma discothèque. Les voilà entrés de plein pied avec Bum, plus accessible tout en conservant la personnalité forte du trio. Pop, noise, punk, arrangements et chœurs classieux, histoires débiles ou émouvantes, Cheveu mérite plus que jamais le qualificatif d’inclassable (et que dire de leur Dakhla Sahara session en collaboration avec les touaregs de Group Doueh, autre grand disque de la décennie). On a hâte de voir quelle surprise ils nous réservent pour la suite.
Ryley Walker – Deafman Glance – 2018
Ryley Walker est certainement le compositeur folk le plus intéressant à avoir émergé cette décennie, expérimentant à tout va là où la plupart de ses collègues gratouillent leur classic rock pépère entre deux fulgurances. Deafman Glance, plus difficile d’accès que ses prédécesseurs - j’avais d’ailleurs été assez déçu aux premières écoutes ! - mélange avec bonheur folk, jazz et rock progressif et se révèle d’une grande richesse, Ryley Walker nous emmenant souvent par des chemins détournés hors de notre zone de confort. Pour compléter le tableau, c’est un artiste que je conseille sans réserve de voir live, les deux concerts auxquels j’ai assisté ayant été aussi différents que superbes.
Ezra Furman – Twelve Nudes – 2019
Album de rock indé foutraque et nerveux comme on les aime, Twelve Nudes est honnêtement un peu récent pour juger s’il passera bien le cap des années. Doté de compositions directes et variées dont quelques-unes sont des tubes immédiats (ainsi que d’un artwork marquant), ne souffrant d’aucun temps mort, on l’imagine quand même s’imposer d’autant qu’Ezra Furman a une personnalité attachante et explosive, et qu’il pourrait donc nous gratifier de quelques autres sorties du même acabit prochainement. Voire, avec un peu de chance, d’une date de concert Lyonnaise…
2 Concepts Albums
King Gizzard & the Lizard Wizard – Flying Microtonal Banana – 2017
King Gizzard & the Lizard Wizard est l’un des rares groupes à ne pas avoir fait rimer ultra-productivité avec déchets. Auteur d’une quinzaine de disques cette décennie dont il est l’un des plus solide représentant, le groupe se lance des défis de toute sorte mais jamais au détriment des compositions. Pour Flying Microtonal Banana, c’est l’utilisation de tonalités en micro-intervalles (qu’on peut bien percevoir sur l’intro du morceau en exemple) et de zurna (sorte de hautbois turc) qui colore le rock psychédélique des australiens d’accents orientaux savoureux.
Public Service Broadcasting – the Race for Space – 2015
Quand le duo anglais met en musique la bataille entre les Etats Unis et l’URSS pour la conquête spatiale dans les années 60, il fignole les moindres détails : choix des évènements historiques à illustrer, utilisation de samples d’archives radiophoniques, et artwork magnifique. Résultat, the Race for Space est l’un des meilleurs concepts albums jamais sorti, en plus d’être pour moi le disque d’une amitié.