Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blinking Lights (and other revelations)
20 octobre 2022

Laetitia SHERIFF - Samedi 15 Octobre 2022 - La Presqu'Ile - ANNONAY

01

 

Laetitia Sheriff est une de mes artistes françaises favorites. Que ce soit sur ses albums solo ou sur des projets collaboratifs (souvent à la basse, comme pour l’excellent album de Trunks), la qualité de son écriture et de son interprétation me rend admiratif. Et puis on sent dans ses rares publications sur les réseaux, dans les quelques interviews qu’elle accorde, une artiste sincère à l’histoire personnelle riche, constamment en recherche, capable de toucher autant dans le registre intimiste que dans un rock flirtant parfois avec le punk. Dans ce dernier style, j’ai vu certaines videos de la tournée du très bon Stillness en power trio dans des bars survoltés qui me font regretter que la mini tournée annoncée soit en solo, mais l’artiste chtimi aujourd’hui établie à Rennes vient si rarement dans la moitié sud de la France que je n’hésitais pas une seconde à prendre ma place, malgré un lieu de concert éloigné (et assez étonnant). Une heure de route pour se rendre à Annonay pouvait sembler un surcroit de fatigue dans un week end très chargé, avec notamment l’accueil quelques heures auparavant des 8 copains copines de ma fille pour un anniversaire sur le thème des pirates assez mouvementé, mais j’étais en réalité bien content au moment de partir : depuis que j’ai changé de boulot je ne prends plus du tout la voiture, et j’avoue que ce temps solitaire à conduire en écoutant de la musique me manque beaucoup. Après hésitation, j’en profite pour réviser le Stillness que je n’ai pas écouté depuis quelque temps tout en décompressant et en imaginant la salle vers laquelle je me dirige : un bar, une chapelle, une MJC avec une petite scène et des chaises en plastique ? Béni soit le GPS qui m’emmène au travers d’improbables ruelles dans un quartier haut perché d’Annonay où il est impossible de se garer mais que je n’aurais jamais trouvé sans son aide. D’ailleurs je le réutilise pour regagner la salle à pied une fois garé plus loin en centre-ville, non sans avoir tourné en rond pendant quelque temps. Aussi la première partie vient-elle d’attaquer son set quand je parviens à La Presqu’Ile, qui est en fait une très jolie salle de concert, un peu similaire à celle de l’ancien Marché Gare en un peu plus petit.

 

00

 

Julie Bally interprète en solo des chansons musicalement assez simples mais intenses, agrémentant son jeu de guitare répétitif de boucles de claviers et de boite à rythme aux sonorités indus. Même si cela sonne un peu cheap sur quelques morceaux, le set est plutôt captivant grâce à la qualité générale des compositions et surtout le chant assuré de la Grenobloise, évoquant PJ Harvey dans des envolées aigues maitrisées. Dommage qu’elle en fasse des tonnes sur son unique plantage qui eut pu passer inaperçu avec un peu plus de métier, cassant la solide image qu’elle renvoyait jusque-là. On ne lui en voudra pas d’avoir avoué être morte de trac, on sait combien c’est difficile d’assurer seule sur scène surtout dans une proximité si immédiate avec le public, dont quelques éléments qui ne se gênent pas pour entamer des discussions un peu lourdes entre les chansons (d’ailleurs Laetitia Sheriff elle-même n’en mènera pas large un peu plus tard). Quoiqu’il en soit cette entrée en matière était convaincante et tout à fait raccord avec la tête d’affiche.

 

02

 

Je file me chercher une binouze et reviens me placer au premier rang, ce qui n’est pas bien dur, une cinquantaine de personnes simplement ayant poussé la porte de la Presqu’Ile, dont certainement très peu de bons connaisseurs de l’œuvre de Laetitia Sheriff. Celle-ci se pointe timidement sur scène et entame son concert par un titre dépouillé que je ne connais pas. Si Julie Bally avait précédemment rendu hommage à Sylvia Plath, c’est William Butler Yeats qui est ici mis à l’honneur par Laetitia Sheriff, ayant commencé sa carrière en mettant en musique ses poèmes et qui réédite l’expérience en cette soirée. Expérience, voilà le maitre mot de ces concerts en solo dont l’artiste nous expliquera la démarche au travers d’interventions très intéressantes de plus en plus longues au fil de l’avancée de la soirée. Pour l’instant c’est le trac et la concentration qui dominent dans une ambiance studieuse et un peu étrange, tandis que Laetitia Sheriff revisite une bonne partie de Stillness dans des versions sobres où la guitare électrique s’agrémente de différentes couleurs selon les effets appliqués grâce à une bonne série de pédales savamment déclenchées, notamment une loop station permettant un jeu à plusieurs pistes et dont je sais la difficile maitrise sur scène. Les compositions sont excellentes, même si les versions proposées sont un peu moins marquantes que leur pendant studio (par exemple, l’inhabituel optimisme de « Deal with This » transporte moins dans ce dépouillement monacal). La relecture de « Go to Big Sur » est particulièrement touchante, avant que le concert prenne un tournant plus bruitiste, d’abord avec le bien rock « Outside », exécuté pied au plancher et les dents serrées par une Laetitia Sheriff sur le fil, puis par un enchainement « Hullabaloo » / « Stupid March » dont les boucles saturées approchent de la radicalité de Swan, musique à l’unisson de textes dénonçant le fanatisme guerrier des hommes. A ce moment la Rennaise d’adoption a pleinement investi les lieux et explique calmement l’objectif de ces concerts particuliers, entre mise en danger, expérience scénique, recherche d’inspiration et envie de rencontres. C’est tout l’avantage de ce format atypique de pouvoir recueillir ces confidences, même si comme on le verra je ne pourrais en profiter pleinement. Après un nouveau poème de Yeats mis en valeur par une partie de guitare assez tendue, l’un des meilleurs extraits du set de la soirée (s’agit-il de « Big Black Hope » ou « God Left », inscrits sur la setlist mais dont un seul aura été joué ?), Laetitia Sheriff s’épargne le faux rappel et enchaine avec un extrait d’un EP confidentiel sorti en 2015 que je ne connaissais pas.

 

Nouveau monologue, la songwritteuse nous explique sa conception d’une vie d'artiste, qui loin d’être l’ermite volontairement coupé du monde pour se concentrer sur son art, puise son inspiration dans la vie quotidienne, participant à la société et écoutant les nouvelles comme tout le monde. Grande fan de Low, elle aura appris avec tristesse l’annulation de la tournée du groupe à cause de la maladie de Mimi Parker, l’une de ses chanteuses favorites, à laquelle elle a tenu à rendre hommage en travaillant une reprise ; On ne pouvait imaginer meilleure conclusion à ce concert que ce « Words », absolument magnifique, qui nous conforte dans notre décision d’avoir parcouru tant de km pour avoir le privilège de l’entendre. Laetitia Sheriff pose tranquillement sa guitare et nous donne rendez-vous au bar pour discuter, notamment de la diaspora Lilloise en Ardèche qui semble ne pas évoquer grand-chose aux personnes du public. C’est l’occasion rêvée pour lui faire part de mon admiration, jouer au fan de service, lui demander de venir à Lyon en trio, lui parler de Low et de Trunks (à quand un prochain album ?), mais je dois avouer ne pas être très sur d’être à l’aise en ce bar inconnu. Cela implique aussi de boire quelques bières, et il est déjà 23h30 : après quelques hésitations et regrets, je décide de reprendre la route sans plus attendre. Vu comment les yeux me piquaient en arrivant à Lyon, je pense que c’était plus effectivement plus sage. 

 

Setlist : A Lonely Ghost - People Rise Up - A Stirring World - Deal With This - Go to Big Sur – Outside - Hullabaloo (My T.V. Ratings) - Stupid March - Big Black Hope ou God Left - A Thousand Miles – Words 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
J'avais bien aimé le dernier album, le reste aussi mais je ne connais pas très bien, faudrait que je me replonge dedans... super sympa d'avoir pu discuter avec elle !
Répondre
Publicité
Derniers commentaires
Publicité