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Blinking Lights (and other revelations)

8 mai 2024

# 205 / 221

 

 

 

Made in USA est un album de Sonic Youth qui est sorti en 1995, mais qui a été enregistré bien plus tôt, en 1986, juste avant Evol avec qui il partage le titre « Secret Girl ». C’est un album particulier puisqu’il s’agit de la bande son d’un obscur film, et qu’il ne contient qu’une seule véritable chanson, assez rock, « Tuck N Dar » (le prénom des deux protagonistes du film). Le reste est composé d’instrumentaux pour la plupart très courts, nous mettant dans une ambiance de tension sournoise, comme dans un western ou un road movie. Guitare slidée, harmoniques, roulement de cymbales nous plongent dans un paysage écrasé par le soleil, où règne une attente qui semble infinie (sentiment renforcé par le thème principal qui revient inlassablement tout au long du disque), uniquement interrompue par de brefs déchaînement de violence (un piano martelé, des bruits de machine ou de coups) ou quelques rares moments de mystère (le thème de « Secret Girl » évoquant un peu celui de l’exorciste) ou d’apaisement (petit instru country « Pocketful of sen-sen »). Disque mineur mais assez bien foutu qui illustre les recherches expérimentales d’un groupe sur le point de devenir un acteur majeur de la scène indé américaine.

 

SONIC YOUTH - Thought Bubbles

 

 

 

Warren Zevon est semble-t-il un artiste culte, dans le premier sens du terme. En parcourant sa page wikipedia on a l’impression qu’il est peu connu ou vendeur (1) mais qu’au fil des décennies il a obtenu le respect d’un grand nombre de pontes de la musique rock, mais aussi de la littérature ou du cinéma. En tout cas je n’en avais jamais entendu parler avant cette année 2003 (et je n’en ai d’ailleurs jamais ré-entendu parler après), et la sortie de the Wind, accompagné par de nombreux articles hagiographiques qui me décidèrent à l’emprunter à la médiathèque. Pourquoi cette soudaine mise en lumière de la presse musicale française ? Tout simplement parce que the Wind serait le dernier album de l’artiste, Zevon l’ayant enregistré en se sachant condamné par un cancer des poumons (de fait il est sorti très peu de temps avant son décès). Ainsi donc ce n’est pas un hasard si y figure une reprise du « Knockin’ on Heaven’s Door », assez emblématique du classicisme de l’ensemble (on est là sur un classique au carré, dans le choix du morceau comme dans son interprétation). S’enchainent country, rock n roll, blues (« Rub me Raw » et son riff rebattu), folk délicat Dylannien, et rock mid tempo mélodique validant sa collaboration passée avec les membres de REM (« the Rest of the Night »). Tout ceci est évidemment parfaitement maitrisé, la voix fatiguée de Zevon accompagnant des compositions sans surprise mais qu’il me semble impossible à détester (parfois un peu plan-plan ou surchargées en slide guitare mais agréables le plus souvent). Warren Zevon nous quitte sur la ballade (forcément émouvante) « Keep me in your Heart », et si je n’ai pas vraiment suivi cette prière, n’étant pas amateur d’un rock aussi classique, c’est surement le cas d’un tas de gens, à commencer par les multiples stars ayant tenu à figurer sur le chant du cygne du songwritter américain (entre autres Don Henley, Tom Petty, Emmylou Harris, Bruce Springsteen, Billy Bob Thornton…)

 

(1) c’est un feeling, si ça se trouve c’est une star aux USA…

 

Warren ZEVON - Prison Grove

 

 

Vous vous en souvenez peut être, j’avais été emballé par la réécoute de l’album In Our Gun de Gomez en épisode # 201, et j’attendais donc avec impatience de redécouvrir un autre de leurs disques. Ce sera Liquid Skin, le prédécesseur (2eme album donc), et…un peu décevant. Le chant ressemble plus que jamais à celui d’Eddie Vedder et l’album est à haute teneur acoustique, guitare folk et batterie sonnant très percussion, pour des ballades indé pas désagréables mais qui s’enchaînent sans beaucoup de variations. L’apparition ponctuelle de piano, sitar, cordes, chant robotique ou passages plus swing n’empêchent pas l’impression que Liquid Skin manque un peu de relief pour enthousiasmer. Beaucoup de chansons sont très longues, avec certaines tentatives de déconstructions, mais sans vraiment convaincre. Restent une poignée de titres plus marquants (un début d’album plus direct, un « We haven't turned around » plus intense) et  quelques très belles mélodies de guitare (« Rhythm and blues alibi »). On verra très prochainement ce que Gomez nous a concocté pour sa dernière apparition chez Hut Recordings.

 

GOMEZ - We haven't turned around

 

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27 avril 2024

BIRDS IN ROW + IT IT ANITA - Vendredi 26 Avril 2024 - L'Epicerie Moderne - LYON

 

Il y a quelques années, les enfants regardaient un (très amusant) dessin animé appelé les As de la Jungle. Dans l’équipe de héros figurait un gorille prénommé Miguel clamant sur un ton aussi enthousiaste que stupide son leitmotiv « taper taper taper ! ». Fait peu connu, ce personnage fut inspiré par Bryan Hayart, bûcheron de renom et batteur de It It Anita à ses heures perdues. A mi-chemin entre le culturisme et la musique (cf une baguette pétée en deux au 5eme morceau seulement), son matraquage de batterie et ses mimiques bourrines exagérées font une bonne partie du charisme du groupe. Il faut dire que Elliot Stassen (basse) et Michael Goffard (guitare), s’ils ne ménagent pas leur peine - en témoignent ruissellement de sueur et essoufflement non feint- se partagent le chant dans un face à face assez excluant pour le public. Le concert débute un peu timidement à mon gout, et je commence à me demander si le passage en trio après l’abandon du guitariste Damien Aresta il y a deux ans n’a pas été nuisible à la puissance des noisy Belges. « Cripping Guilt » amorce un démenti rapide à ma première impression, le concert ne faisant que s’intensifier au fil des titres, pour une grosse moitié extraits de leur très bon dernier album en date, le reste étant pioché dans une discographie qui commence à être bien étoffée. Après deux tubes assez irrésistibles (« More » extrait de Sauvé et « Don’t Bend (my Friend) » de Mouche), « Ode to William Blake » et sa longue hémistiche instrumentale tendue à l’extrême constitue selon moi le meilleur moment du concert. La suite tient sacrément la route, entre le chant slammé / hurlé de « Psychorigid », l’unique extrait de leur inégalable Laurent (mais quel extrait, « 11 » !), et l’impressionnante conclusion « Giving:Taking ». Aussi sympathiques et simples dans leurs interventions que concentrés et impliqué dans leur interprétation, les membres d’It It Anita auront donné un concert manquant par moment d’un peu de subtilité ou d’accroche mais vraiment bon, bien que moins marquant que la baffe flanquée lorsque je les découvrais sur la scène de la Paloma au Tinals 2019.

 

 

Par la suite, il y eut débat. Si je suis habituellement d’accord avec Juliet pour préférer la sueur et la hargne à la technique, j’ai trouvé ce soir que l’écart était trop grand. J’avais été surpris au départ par l’ordre des groupes, j’ai compris dès les premiers titres balancés par le trio Lavallois. Birds in Row flotte bien au-dessus de It It Anita, réussissant à être à la fois plus fins et plus intenses, batteur sur piédestal donnant une véritable leçon (impressionnante maîtrise de caisse claire, notamment sur le solo entre « Noah » et « Cathedrals »), bassiste bondissant et guitariste chanteur écorché, aussi éloignés sur la scène que les Belges étaient proches. Un avis fortement contesté par Bastien, qui les a trouvé brouillons. Sans doute que sa grande sensibilité à la qualité du son a pesé dans son jugement : en effet, le chant très sous mixé et saturé était globalement inaudible, la guitare (une Rickenbacker) plutôt  étonnante pour ce style de musique, et le bassiste jouait très souvent en nappes saturées à la manière d’un guitariste rythmique. Pour ma part, excepté le chant auquel j’ai mis un petit moment à m’habituer, je pense que cela faisait aussi partie de l’originalité du groupe. Au-delà de la qualité technique et du dynamisme de Birds in Row, je trouve que leur musique a beaucoup de relief et des variations d’ambiance, parfois surprenantes, qui m’ont captivé du début à la fin. De leurs trois albums en date, je ne connaissais que le dernier, un Gris Klein très apprécié à sa sortie mais que je n’avais pas écouté depuis quelque temps. Aussi n’ai-je reconnu absolument aucun morceau, à l’inverse d’une partie de la fosse acclamant les démarrages et gueulant pour certains quelques refrains, mais cela ne m’empêcha pas de trouver le concert excellent de bout en bout.

 

 

Enfin, c’est parce que j’ai mentalement occulté les interventions du leader qui, lors d’une ou deux pauses bien méritées, se fendit de discours très gênants qui alimentèrent pas mal de nos conversations à la sortie de l’Epicerie. Digne de Florent Brunel (1), son impro bancale à base de « c’est pour ça que je vous le dis même si j’y risque ma vie il y a des génocides ailleurs mais nous quand même nos ministres sont très très méchants » auront détruit en quelques minutes la crédibilité acquise à coup de décibels auprès de mes potes, Arnaud en quittant même la salle de dépit. Heureusement pour notre guitariste rebelle, la palme du ridicule lui sera soufflée par un spectateur assez idiot pour imaginer qu’avec ses 100 kgs et une densité de fosse de 1 personne par m² il pourrait faire un slam. Non seulement il a récidivé son pitoyable bond mais en plus il s’est fait gronder par la brigade des cons le deuxième coup. Emaillé de passages plus post punk ou mélodiques, le déluge noise se poursuit jusqu’à une pause solo du leader, sorte de blues dissonant extrait d’un premier album datant de plus de 10 ans, avant que ses comparses ne reviennent pour conclure par un plus traditionnel hardcore bien décapant.

 

Petit tour au mechandising où j’achète le magnifique vinyle de Gris Klein, puis au bar pour choper une bière et débriefer avec les copain(e)s. On vérifie quand même l’âge de notre Lavallois en chef pour en avoir le cœur net, on discute tatouage avec Denis, Juliet et Constance qui n’a pas été emballée par les concerts, elle mise plutôt sur une date au Périscope avec un gars d’Oiseaux Tempête. J’en serais probablement pas mais pas grave, par la suite notre petit groupe enchaînera une belle série de concerts en commun, à commencer par la release party du nouvel album de nos chouchous Johnnie Carwash au Marché Gare. Une soirée bien fun en perspective.

 

(1) Autre débat entre Denis et Claire : Les Inconnus comptent-ils parmi les meilleurs groupes que la France ait compté ? Pour moi la réponse est assez évidente…

 

 

Setlist IT IT ANITA : Sermonizer – Disgrace - Crippling Guilt - 25 (From Floor to Ceiling) - More - Don't Bend (My Friend) - Ode To William Blake - Psychorigid - 11 - Kinda The Same - Dixon Kentucky - Giving:Taking

 

Setlist BIRDS IN ROW : Water Wings – Daltonians – Confettis – Noah / Cathedrals – Nympheas - 15-38 – Fossils - We vs. Us – Grisaille - Trompe l'œil – Rodin - Last Last Chance - I Don't Dance

 

 

IT IT ANITA - Giving:Taking - Live 2024

 

BIRDS IN ROW - Daltonians - Confettis - Live 2024

 

11 avril 2024

# 207 / 221

 

 

Nous retrouvons le Bordelais Petit Vodo, découvert en première partie de Dionysos (voir épisode # 204) qui en cette année 2004 sortait justement un nouvel album, A little big pig with a pink lonely heart. Comme précédemment c’est du Lo Fi à tendance bluesy façon Beck, avec quelques touches de punk ou de grunge (« Sugar Sugar »). L’ensemble est survolté, épileptique, hystérique et… un brin fatiguant. On en accueille le folk blues « Sweet as a nut », doté de quelque mélodie, avec soulagement.

 

PETIT VODO - Soul Singer

 

 

Jamais deux sans trois, cette fois je peux plus le nier : j’aime the Cure. Et là on est plus dans la sainte trilogie, Disintegration en 1989, c’est beaucoup plus tard ! Alors sur la première moitié de l’enregistrement, j’en ai moyennement profité parce que c’est l’une des rares fois où ma cassette était daubée. Tout sursaturé, potards dans le rouge, c’est bien simple les deux premiers titres (très bons au demeurant) on aurait dit du My Bloody Valentine. D’ailleurs est-ce un hasard ? (rappelons que Isn’t Anything est sorti l’année d’avant). Serait-ce un cas typique de groupe s’inspirant d’un groupe qu’il a fortement influencé ? Bref the Cure est toujours partagé entre longs titres ambient qui s’étirent comme une brume de claviers et de basse et morceaux plus pop, dynamiques et… ah non, ils sont tout aussi longs ici. Du coup c’est moins pertinent d’une manière générale (« Lullaby » et ses faux airs de «China Girl »). Parfois ça fonctionne bien quand même, comme sur « Disintegration », mais le mieux c’est quand même la lenteur sombre d’un « Prayers for rain », d’autant que c’est à ce moment-là que la bande est redevenue normale et que j’ai pu profiter des mélodies de guitares pas dégueux de Porl Thompson. On sent aussi qu’un certain Billy Corgan, qui fondait à peu près à ce moment-là ses Smashing Pumpkins, a énormément écouté ce disque. Bref, va falloir sérieusement que je me penche sur la discographie de ces bougres de corbeaux anglais (oui je sais je l’ai déjà dit la dernière fois).

 

the CURE - Prayers for Rain

 

 

Guided By Voices est un pilier de Matador à l’époque, et pas moins de quatre de ses titres figurent sur mes deux chères compilations du label dont j’ai parlé maintes fois sur ce blog. Il est à noter qu’aucun de ces titres ne m’a cependant vraiment marqué, et c’est sans doute la raison pour laquelle je ne me suis pas précipité sur leurs albums à la médiathèque, attendant je ne sais quelle occasion pour sauter le pas – probablement une chronique lue sur l’album Earthquake Glue sorti en 2003, date de cette cassette. C’est l’album précédent Universal Truths and Cycles (2002) que je trouvais alors, et que j’enregistrais en grande partie. Je ne m’en souvenais plus du tout, mais la réécoute m’a révélé un must en terme de rock alternatif 90’s – le groupe a traversé cette décennie, commençant à la fin des années 80 et perdurant jusqu’à ce déjà 14eme album (1). On y retrouve un condensé des styles de mon adolescence synthétisé dans l’appellation Rock Indépendant, axé en majorité sur la guitare, tantôt Lo Fi, Grungy, power rock, folk, évoquant des touches à tout comme Pearl Jam ou Pavement. Dans les mélodies de chant et des arpèges, dans l’appui explosif de la paire rythmique et dans la mélancolie masquée de certaines chansons, l’album m’a aussi constamment évoqué les Who (c’est flagrant sur des morceaux comme « Storm vibrations » ou « Eureka Signs ») ce qui m’a étonné au début avant que je me rende compte que la référence était assumée, le dernier titre retenu s’appelant « the Ids are Alright ». Universal Truths and Cycles est d’une très grande richesse, et il est compliqué de le résumer à quelques références forcément personnelles, surtout qu’on sent que Guided By Voices a une touche unique au travers de son leader et seul membre permanent Robert Pollard, touche unique que je ne saurais cerner pertinemment vu ma méconnaissance de sa discographie. On pourrait être surpris d’ailleurs que, vu la qualité de cette découverte et son alignement parfait avec mes gouts, je n’ai pas fait de Guided By Voices l’un de mes groupes fétiches. Peut-être que le (seul) hiatus du groupe (2004-2012) intervenant juste au moment de ces cassettes n’a pas aidé, mais c’est surtout sa productivité qui donne le vertige et intimide. 16 albums jusqu’aux hiatus, 40 aujourd’hui (2) - sachant que c’est minimum 15 titres par album, comment appréhender une telle œuvre sans guide ? Typiquement le truc qui me décourageait à l’époque où j’avais du mal à concevoir de ne pas maitriser l’œuvre d’un artiste aimé dans son intégralité. Je me suis un peu soigné aujourd’hui par la force des choses, reste qu’on ne sait par quel bout attaquer un tel monument.

 

GUIDED BY VOICES - Christian Animation Torch Carriers

 

(1) le décompte est peut être imprécis, on m’excusera vu la productivité hallucinante de Robert Pollard.

 

(2) Je me base sur la liste de Wikipedia, qui signale aussi que August by Cake sorti en 2017 serait le 100eme album de Pollard !

 

 

4 avril 2024

# 206 / 221

 

 

Il était évident qu’un jour où l’autre je tombe sur Blonde Redhead. Je pense que nous nous approchons de juillet 2004, date à laquelle le groupe était programmé aux Eurockéennes, et que j’ai emprunté ce disque pour découvrir le trio avant de les voir en live – c’est le tout début de mon accès aux Festivals, un des meilleurs moyens de découverte musicale que je connaisse, dont je profite encore aujourd’hui. J’ai beaucoup aimé La Mia Vita Violenta (enregistré ici intégralement), et lorsqu’on vante leurs derniers albums  j’avais tendance à dire que pour moi, Blonde Redhead c’était ce deuxième album ou rien. Mais ça c’était avant cette réécoute,  où une tenace impression de sous Sonic Youth m’a accompagné tout le long du disque. La Mia Vita Violenta est loin d’être mauvais, mais il est beaucoup moins marquant que dans mon souvenir, si ce n’est par ces voix erratiques (et suraiguë en ce qui concerne celle de Kazu Makino) atypiques mais dures à supporter à la longue. Une entame tendue et alléchante, un long rock psyché agrémenté de sitar qui gagne en puissance au fil des minutes (« Harmony ») font le sel de cet album au titre énigmatique, mais quelques mid tempo un peu fade (« Down Under ») relativisent son aura. On en finit par se dire que si le virage shoegaze / ambient pris sur Misery is a Butterfly (2004) m’a définitivement désintéressé de leur musique (je trouve tout ce qu’ils ont fait à partir de là de plus en plus chiant) il leur aura au moins permis de se distinguer si j’en juge une fanbase très solide et militante depuis lors. De mon point de vue, Blonde Redhead est un des étalons du snobisme (1)… 

 

(1) je ne peux m’empêcher de penser que, comme certains autres, le groupe a bénéficié de son line up original, à savoir des jumeaux d’origine Italienne et une leader d’origine japonaise.

 

BLONDE REDHEAD - Violent Life

 

 

On continue l’exploration de la discographie de Leonard Cohen avec the Future, album suivant mon cher I’m Your Man. Alors il m’avait nettement moins plu, puisque je n’en avais retenu que la moitié, mais ce qui est étonnant c’est que ces trois chansons m’aient accroché (1), et que ce soit d’ailleurs toujours le cas à la réécoute. Car le monde a beau avoir changé de décennie (the Future est sorti en 1992), le son reste obstinément 80’s, synthés tout en avant et chœurs sirupeux en sus. Honnêtement, « the Future » sans le chant c’est du Dire Straits. Serait-ce ce chant grave, rauque et assuré, inimitable qui me rend ces longs morceaux fascinants ? Ou peut-être les paroles, mais je dois bien avouer que je n’y comprends que dalle, c’est un mélange obscur de vapeurs d’alcool, d’apocalypse, de sexe et de politique, dont le sens ultime m’échappe. Sans doute est cela, la poésie, qui parle à l’âme sans passer par le cerveau…

 

 (1) on met de côté « Tacoma Trailer », instrumental dispensable sonnant comme une BO de film américain de l'époque

 

Leonard COHEN - the Future

 

28 mars 2024

# 204 / 221

 

 

Cela peut paraître étonnant, mais c’est la première fois que Leonard Cohen apparaît en cette rubrique. En réalité, je possédais à l’époque depuis un moment un coffret regroupant trois de ses albums en CD, acheté parce qu’il coûtait pas cher (les fameux lots de Noel) mais surtout parce qu’il présentait le combo parfait : Songs from a Room avec « the Partisan » reprise par Sixteen Horsepower, Various Positions avec « Hallelujah » reprise par qui vous savez et I’m Your Man avec « I Can’t Forget » reprise par les Pixies. I’m your Man sur lequel je flasherais d’ailleurs immédiatement, ce qui constitue une véritable incongruité, d’abord parce que ses sonorités et sa production sont normalement tout ce que je déteste, mais qu’en plus j’ai une aversion pour les poètes qui viennent envahir nos platines. On va dire pour aller vite que globalement, la littérature ça m’emmerde, et que je suis plus sensible à la poésie des Sex Pistols que celle de Nick Drake. Mais Leonard Cohen est devenu l’exception, le seul songwritter dont j’admire plus les mots que les notes. Cela dit, cela ne marche pas à tous les coups et cette première tentative d’exploration du restant de sa discographie par emprunt médiathétique se solda par un cuisant échec. Entre nous, il est pas un peu ridicule ce Death of A Ladies’ Man ? Son vieillot, saxophone insupportable, le tout nappé d’une énorme couche de chœurs systématiques concoctée par le diabolique Phil Spector, il y a même une chanson festive, pour un peu on ferait tourner les serviettes ! Leonard nous avait habitués à tellement plus de classe et de subtilité… on va dire qu’il était mal accompagné (je parle de la prod, hein, pas des musiciens…), ce qui sera malheureusement loin d’être l’unique fois dans la carrière du Canadien.

 

Leonard COHEN - Don't Go Home with your Hard-On

 

 

Nostromo est un groupe de metal grindcore Suisse, et bien que je ne me rappelais plus du tout avoir écouté un jour cet album cela me suffit à identifier la personne qui me l’avait prêtée : Sébastien, l’un de mes potes de Belfort lorsque j’y habitais la semaine pour des raisons professionnelles, futur parrain de Malo, avec qui je discute encore régulièrement de découvertes musicales. Abonné à Noise Magazine, Seb a des goûts éclectiques mais surtout portés sur les gros sons de guitare, sans forcément aller jusqu’à la violence du grindcore. Mais il fut séduit par ce Proteron (1) - et moi aussi, puisque je l’enregistrais en intégralité - à savoir un enregistrement en live acoustique. Un concept bien casse-gueule pour un groupe de ce style, qui venait mettre une conclusion à presque 10 ans d’existence et 3 albums studio, dont nous retrouvons donc des extraits retravaillés dans ce live - en grande majorité issus du 3eme, Ecce Lex. N’ayant pas écouté les albums originaux il m’est difficile d’apprécier ce travail d’adaptation, mais Proteron est en tout cas très convaincant. Tout d’abord les quatre membres du groupe sont des virtuoses : pour le bassiste on l’entendra surtout sur quelques passages particuliers (« Rude Awakening »), le batteur lui a dû considérablement alléger son jeu mais il n’en perd pas pour autant son feeling sur des rythmes souvent assez complexes, flirtant avec le prog par moment, quant au chanteur il dose remarquablement sa voix, entre chuchotements et chant guttural propre au style mais ne hurlant vraiment qu’à quelques endroits bien choisis, souvent en fin de morceaux. Mais c’est le guitariste qui impressionne le plus, travaillant avec des boucles pour interpréter à la fois une rythmique soutenue à la place d’un batteur la plupart du temps contraint à la sourdine par l’exercice, ce qui apporte un coté quasi flamenco à pas mal d’endroits, et des solo d’une grande inventivité technique et mélodique (« Selfish Blues », qui avec sa structure et ses sonorités est représentative de ce que peut être du Heavy Metal acoustique réussi). Le son est très maîtrisé, et Proteron est l’archétype du disque pouvant clouer le bec aux détracteurs ne voyant dans la musique rock extrême qu’un vulgaire bruit accessible à n’importe quel bourrin doté d’un gros ampli saturé (les arpèges de « Sunset Motel » ne sont pas sans rappeler ceux de « Paranoid Android »). « Turned Black », avec sa mise en tension instrumentale progressive et un final explosif où batterie et chant s’autorisent un son plus appuyé synthétise bien les différentes ambiances développées sur Proteron et apporte une parfaite conclusion à l’album. Ce sera aussi les dernières notes avant un long hiatus, Nostromo s’étant par la suite reformé et ayant sorti un album en 2022.

 

(1) L’album est composé d’un DVD nommé Hysteron (film, certainement un reportage, et extraits de live) que je n’ai pas vu, et donc de ce CD live acoustique nommé Proteron.

 

NOSTROMO - Sunset Motel

 

 

A l’époque de l’enregistrement de cette cassette, le revival garage rock bat son plein, et des « Next Big Groupe en The » débarquent par charrettes entières chaque mois dans la presse spécialisée, Rock N Folk en tête. The Raveonettes furent l’un de ces Buzz relativement éphémères. Esthétique très travaillée, avec ces looks et artwork façon films 60’s, le duo mixte en noir blanc rouge (tiens, ça me rappelle quelque chose…) avait en plus l’originalité d’être Danois, ça ne se refuse pas… Côté musique sur ce premier album Chain Gang of Love, du garage rock nonchalant au son bien crade lorgnant de manière un peu trop systématique et évidente vers les  Jesus & Mary Chain, avec un petit côté rock n’roll à l’ancienne supplémentaire parfois (« Let’s Rave on »). Bref sympathique mais mineur, et si le groupe a continué à sortir régulièrement des albums jusqu’à maintenant, on n’en a plus vraiment entendu parler depuis 3eme opus Lust Lust Lust (2007) ce qui n’est pas vraiment une surprise.

 

the RAVEONETTES - New York was Great

 

 

En Novembre 2000, je suis étudiant à Metz et je me démerde pour aller voir Dionysos en concert au Terminal Export à Nancy, petite salle qui les accueille pour une tournée semi acoustique dont ils ont le secret et dont on peut avoir un bref aperçu sur l’excellente compilation Old School Recordings. En première partie, Petit Vodo, un one man band. En effet Sébastien Chevallier chante et joue en même temps de la batterie, de la guitare et de l’harmonica, avec l’aide d’une loop pedal et d’open tuning adapté. Puisant à la source du blues et du rock n’ roll, mais le recrachant dans un délire très inspiré par le Beck des 90’s, Petit Vodo est une ouverture parfaite pour le Dionysos d’alors et un showman très convaincant, faisant rapidement oublier l’inévitable coté Rémy Bricka de son spectacle par un univers torride et très second degré. Assez confidentiel, il n’était pas évident de trouver ses disques à la médiathèque mais j’avais visiblement fini par réussir à le faire 3 ans après, enregistrant pour une grosse moitié son deuxième album, Sixty Nine Stereovox. Sans surprise cela marche beaucoup moins bien sur disque qu’en live, le coté très répétitif et ultra saturé du chant et des compositions, trop longues à mon gout, étant vite lassant malgré de bonnes idées et un amour palpable de cette musique des origines. Cela m’a quand même rappelé cet excellent concert qui a perduré dans ma mémoire depuis près de 25 ans, ce qui est loin d’être le cas de la majorité d’entre eux, à fortiori pour une première partie.

 

PETIT VODO - pas d'extrait de l'album mais un live représentatif de ce que j'avais vu à l'époque

 

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21 mars 2024

# 203 / 221

 

 

L’unique raison pour laquelle j’ai emprunté cette BO du film the Grinch (ou plutôt  Dr. Seuss' How The Grinch Stole Christmas de son vrai titre) est bien sûr la chasse à l’inédit de Eels, qui vient placer ici une petite folk song de sa spécialité (groovy dans la musique et tristoune dans les paroles), « Christmas is going to the dogs » sympathique mais mineure. La BO était séparée en deux, d’abord les chansons et ensuite la musique de film composée. Je n’avais retenu que trois chansons, dont l’excellent « Christmas of Love » d’ouverture, boogie avec piano, chœurs et trompette qui met bien la pêche, mais beaucoup plus largement la musique de James Horner, ce que je ne comprends pas vraiment d’ailleurs aujourd’hui. Si au début quelques grelots et (insupportables) chants d’enfants nous rappellent le thème du film, par la suite c’est de l’orchestration classique avec ses passages dynamiques, tristes ou tendus suivant les scènes illustrées. Cela n’a pas un intérêt démentiel, d’autant plus que je n’ai jamais vu le film en question (avec l’une des plus grandes stars de l’époque, Jim Carrey). Quant à la chasse à l’inédit de Eels, elle a été rendue caduque par la sortie de la compilation Useless Trinkets regroupant 50 titres soit l’exhaustivité des B-sides sorties pendant les 10 années où le groupe fut vraiment indispensable (1996-2006).

 

LITTLE ISIDOR and the INQUISITORS - Christmas of Love

 

 

 

Après avoir découvert Ed Harcourt sur le très beau From Every Sphere, son deuxième album (voir épisode #189), j’avais emprunté Maplewood, premier EP du Londonien sorti en 2000. J’en avais retenu 4 titres sur les 6 qu’il contient, ce qui est un peu court pour bien se mettre dans l’ambiance mais suffisant pour en reconnaitre la qualité. L’ensemble est cohérent mais assez varié, pop guillerette avec des cloches, blues folk feutré avec du banjo, titre entrainant avec trompette rappelant furieusement Calexico ou ballade piano et cuivres. Le tout est arrangé avec classe, ajoutant des instruments au besoin sans trop en faire. Etonnant qu’après cela je n’ai pas emprunté le véritable premier album d’Ed Harcourt et sans doute son plus connu, Here be Monsters. Sans doute ne l’avais-je pas trouvé, et du coup je ne l’ai jamais écouté…

 

Ed HARCOURT - He's Buiding a Swamp

 

 

 

Nous sommes donc en 2003 et ça tombe bien puisque c’est cette année-là que Spiritualized donne une suite à son Let it Come Down, apprécié en épisode #163. Amazing Grace marche sur les traces de son prédécesseur, en insistant cependant plus sur le pastiche Stooges qui occupe une bonne moitié des 8 titres retenus : guitare aussi simple que saturée, piano martelé et chant bien agressif entament les hostilités, on a même un riff de guitare quasiment plagié sur « Never Goin’ Back ». Bien sûr Jason Pierce alterne comme à son habitude avec un égal talent ces sonorités garage avec des ballades blues/gospel déchirantes et à l’intensification graduelle. La plus réussie, aux accents vaguement celtiques, s’appelle « Lord Let it Rain on Me » et est clairement la plus représentative du combo British. Si Spiritualized reste en terrain assez connu et ne s’arrache pas vraiment au niveau de la composition, on lui pardonne aisément tant Amazing Grace est efficace et réussi. Partant de ce constat j’aurais dû suivre avec attention le groupe, mais je l’oubliais inexplicablement pendant les 5 ans qui s’écoulèrent jusqu’à la sortie de Songs In A&E, ne raccrochant un peu par hasard qu’en 2018 avec And Nothing Hurt immédiatement adoré. J’en profitais alors pour racheter en CD cet Amazing Grace, dernier rendez-vous avec Spiritualized en cette rubrique.

 

SPIRITUALIZED - Never Goin' Back

 

14 mars 2024

# 201 / 221

 

 

 

Après Holy Wood dont nous avions vu en épisode #172 qu’il était une habile resucée de ses grands disques précédents, Marilyn Manson revient en 2003 avec the Golden Age of Grotesque, que nous empruntions donc dans la foulée à la médiathèque, cette fois ci en ne le retenant que pour moitié. Si le grand méchant artiste garde son indéniable savoir-faire, sa technique du démarrage en slam sur un gros son indus explosé par une bonne massue saturée (ou parfois l’inverse) tourne à la formule systématique. Il en résulte un album toujours puissant mais manquant singulièrement de relief, ce qui est quand même le comble pour un groupe dont les débuts étaient des montagnes russes d’obscénité et de créativité. Quelques titres bien efficaces dans le genre (par exemple ce « the Bright Young Things »), ou restes du groove infernal d’origine (« Doll-dagga-buzz-buzz ziggety-zag ») mais the Golden Age of Grotesque, malgré sa pochette, semble bien inoffensif, à l’image d’une reprise de « Tainted Love » à peine plus malsaine que l’originale, et à mille lieux de la revisite du « Sweet Dreams » qui avait fait le succès de Manson. Je le laisserais donc tomber, n’écoutant sur les 6 albums parus depuis que the Pale Emperor, qui avait eu plutôt bonne presse en 2014. Pas sûr qu’on entende parler de sitôt d’un successeur à We Are Chaos (2020) puisque le monde semble s’être rendu compte récemment, aussi étrange que cela puisse paraître, que Brian Warner était quelqu’un de particulièrement tordu. Pour ma part, il ne me manquera pas trop.

 

MARILYN MANSON - the Bright Young Things

 

 

 

Nous sommes donc en 2003, et Placebo sort son 4eme album Sleeping with Ghosts. Bon vous allez me dire quel rapport avec le schmilblik, mais je l’avais acheté dès sa sortie en édition limitée accompagné d’un deuxième CD de reprises, dont celle de « Bigmouth Strikes Again » des Smiths que j’avais beaucoup aimé. Ce qui m’avait enfin décidé à emprunter un album de ce groupe apparaissant systématiquement dans les plus importants que le rock ait compté, et quitte à découvrir une compilation comme the World won’t Listen ferait bien l’affaire. Il faut ici avouer que les Smiths ont toujours eu un effet repoussoir sur moi : des Anglais, les années 80, des looks d’intello de merde et un chanteur à belle gueule pseudo romantique, tout pour me faire fuir, et je n’ai jamais réussi à dépasser cet à priori. « Bigmouth Strikes Again » c’est un peu la chanson favorite des Smiths pour ceux qui n’aiment pas les Smiths, et je m’attendais à ce que ce soit l’arbre qui cache la forêt, mais en fait bien qu’étant de loin ma favorite elle est assez représentative de la sélection que j’ai réécouté sur cette cassette ; D’abord le niveau technique des gars est impressionnant, je ne m’y attendais pas : chant irréprochable, basse énorme volant régulièrement la vedette aux autres instruments, guitare en retrait mais tendue à souhait sans en faire trop et batterie qui sait autant se faire oublier que se rappeler soudainement au bon souvenir de l’auditeur par quelques roulements de caisse claire ultra maitrisés. L’ensemble est beaucoup plus dynamique que dans mon vague souvenir du groupe qui convoquait plutôt des mid-tempo mollassons, d’ailleurs le titre d’ouverture, le bien nommé « London », est quasi punk. Y a de la ballade au piano, de la country rock emballante, de la valse instrumentale et même des bouts de funk, ça passe bien malgré un son qui arrache parfois un petit frisson d’horreur. On va pas revoir notre avis sur le groupe sur la base d’une demi compilation mais la réécoute remet quand même certaines idées en place.

 

the SMITHS - Bigmouth Strikes Again 

 

 

 

Gomez est un groupe de rock indé que j’avais du découvrir sur une compilation des 10 ans de Hut Recordings (1991-2001), sous label de Virgin qui avait notamment signé Smashing Pumpkins et Placebo, deux de mes groupes favoris d’alors. J’avais donc emprunté le dernier album sorti en date, leur 3eme intitulé In Our Gun. Je n’avais plus aucun souvenir du groupe en lançant la lecture, je m’attendais à un groupe de rock indé un peu fade mais j’ai été séché par le premier titre, « In Our Gun », contrebasse et rythmique très Calexico avec des chœurs splendides, une merveille soudainement prolongée par un final electro assez curieux. De fait à la réécoute plusieurs mélodies me sont subitement revenues en mémoire, ce qui est quand même bon signe (et puis le disque avait été enregistré quasi intégralement). La teneur de In Our Gun est plutôt acoustique, que ce soit pour les titres pêchus ou les ballades, avec de fréquents reflets grunge façon Pearl Jam, à qui on pense fortement sur « Miles End » ou « 1000 Times ». Le quintet anglais ne reste pourtant pas figé dans une délicatesse monochrome, et propose de fréquents écarts sur des pistes plus dansantes, un peu de saxo par ci, un peu d’électro par-là (le bien nommé « Army Dub »), et une conclusion bien rock’n roll avec l’ultra cool « Ballad of Nice & Easy »  (il flotte aussi parfois un petit peu de la nonchalance des Dandy Warhols sur cet album). Je ne pensais vraiment pas, arrivé à ce niveau du challenge cassette, redécouvrir un disque avec autant d’enthousiasme. J’ai en tout cas maintenant hâte d’arriver aux prochains épisodes figurant Gomez.

 

GOMEZ - In Our Gun

 

7 mars 2024

DIONYSOS + Troy Von BALTHAZAR - Mercredi 06 Mars 2024 - Le Transbordeur - LYON

 

 

La frustration de Mathias Malzieu est palpable. Autour de lui ses vieux potes se déchaînent sur « Wet » dans une version noise rock incroyable, il y a même Troy Von Balthazar en renfort au micro. Ce dernier nous avait offert une première partie en solo d’une délicatesse infinie, touchant à plusieurs reprises à la beauté fragile d’un Mark Linkous, avant de s’éclipser bien trop vite avec une humilité et une gentillesse que Malzieu louera en le présentant, insistant sur l’influence que son groupe Chokebore a eu sur Dionysos au même titre que Nirvana, Sonic Youth et tant d’autres gloires du rock indé 90’s. C’est d’ailleurs une des principales raisons qui m’avait fait flasher sur les Valentinois à leurs débuts, cette association de poésie enfantine et de fond musical alternatif qui, s’il s’est étiolé au fur et à mesure des sorties d’album, demeure toujours vivace en live. C’est donc gros sons saturés et rythme d’enfer depuis plusieurs minutes, et notre Mathias qui est là, assis, à nous demander de l’imaginer sauter dans la foule comme il aurait dû le faire, à mimer un slam, à essayer d’en retrouver la sensation malgré sa jambe dans le non-plâtre. Après deux ans de travail pour mettre en place la tournée, il s’est vautré à la première minute de la première chanson de la première date en grimpant sur un retour mal fixé : fracture du tibia et du péroné. A cinquante balais d’autres auraient laissé tomber, mais pas Dionysos : après tout ce n’est pas une première pour Malzieu, il avait déjà fait toute une tournée à chanter du haut d’une chaise d’arbitre de tennis pour les mêmes raisons. Cette fois, les équipes techniques se sont surpassées pour lui confectionner un fauteuil roulant doté d’une immense et magnifique sculpture de Giant Jack dans le dos, avec des grands yeux lumineux qu’on vit lentement se déplacer dans le noir lors de l’introductif « Ombrologie » avant que le concert ne débute vraiment sur l’explosif « Giant Jack ».

 

 

 

Dionysos vient défendre son dernier album, L’Extraordinarium, revisite des titres les plus importants de l’histoire du groupe avec l’aide de multiples invités assortis de quelques inédits, le tout pour fêter leurs 30 ans d’existence (1). 30 ans ou presque que je les suis, d’abord avec passion puis avec intérêt (jusqu’à la Mécanique du Cœur en 2007), ensuite relancé par la curiosité de mes enfants (surtout sur l’émouvant album Vampire en Pyjama de 2016), enfin de très loin pour les dernières sorties. Leur passage au Transbordeur était une belle occasion de passer une bonne soirée avec Soline et Malo : plus qu’un concert, Dionysos propose une nouvelle fois un spectacle féérique et participatif, avec des projections d’animations et de photos, un mur étoilé du plus bel effet et un jeu de lumières très travaillé, ainsi que des anecdotes et des interprétations théâtrales qui dessinent un large sourire sur les visages au fil des chansons et des passages réservés à un public plutôt efficace niveau chant. A ce titre, si celui de Babeth est toujours difficilement supportable sur disque, il est plutôt délectable dans ce contexte et la complicité qu’elle affiche avec Mathias fait partie de la réussite du show.

 

 

 

 

Difficile de savoir exactement le ressenti de Soline, son apparente absence de réaction étant d’expérience plutôt de la fascination, à laquelle il faut ajouter un peu de frustration de ne pas comprendre à 100% tout ce qui se passait/disait sur scène et un peu de fatigue au fur et à mesure que la soirée avançait (pour elle je pense que ca a vraiment été dommage que Mathias Malzieu ne puisse être le zébulon déchainé habituel). Malo était quant à lui à fond, surtout sur les morceaux les plus rocks tels que « Mc Enroe’s Poetry » ou l’inusable « Coccinelle » qui m’arrache un frisson de plaisir. Dionysos passe décidément en revue tout ce qui a fait sa réputation au cours de son histoire puisqu’ils ménagent après un début de set très électrique une partie acoustique où le leader tiendra la vieille guitare folk de ses débuts entouré par ses camarades aux chœurs et au soutien musical discret (violon, glockenspiel, tambourin, sons electros). C’est l’occasion de revisiter les plus émouvants titres de leur répertoire, comme les classiques « Vampire en Pyjama » et « Neige » qui renvoient à des épisodes personnels douloureux de Mathias Malzieu. La suite du concert est très variée et propose deux inédits assez savoureux (réveiller ses voisins en faisant du paddle en peignoir Gryffondor et révéler le secret de Jésus marchant sur les eaux), des rythmes sud-américains, du slam, du rock bluesy, du ukulele, pas forcément mon Dionysos préféré sur disque mais encore une fois en live c’est redoutablement efficace et joyeux. L’homme qui ne voulait pas vieillir trépigne sur son fauteuil, essaye de le manœuvrer du mieux qu’il peut, sans oublier de remercier les techniciens qui entre chaque chanson viennent lui apporter et installer le matériel à domicile - il se lèvera même à quelques reprises difficilement sous les applaudissements d’un public d’habitués.

 

 

 

 

Premier salut après un « Mc Enroe's Poetry » défoulatoire, le retour sur scène se fait assez timidement mais Dionysos garde son Jedi pour la fin : une version assez sobre tout d’abord, mais évidemment suffisante pour enflammer le Transbordeur, suivi d’un Medley à la mise en place redoutable, alternant deux mesures de Jedi et deux mesures d’autres titre, dont « Smells Like Teen Spirit », avant un final sur un « Cloudman » à la basse groovy en diable qui s’étire pour que Malzieu puisse faire son gigantesque slam habituel. Evidemment c’est impossible ce soir pour le lutin à casquette rouge, qui va déléguer cette traversée de fosse à deux jeunes spectateur-ices du premier rang (2) tout en leur donnant des instructions depuis son fauteuil. Ils termineront assis sur la scène, entourés du groupe, à chanter en acoustique complet les derniers refrains de « Song for Jedi » avec l’ensemble du public. Ainsi se termine un concert assez exceptionnel dans sa mise en scène et sa construction, faite pour séduire petits et grands, fans de la première ou la dernière heure, avec une setlist best of mais une réorchestration de la plupart des morceaux et une bonne humeur générale remarquable. Unis comme les cinq doigts de la main (3), les copains de Dionysos en ont traversé des joies et des galères, et c’est ce qu’ils sont venus partager avec les Lyonnais en ce mercredi soir. Pour ma part c’est la dixième fois que je les voyais et j’ai vraiment passé un bon moment, je pense que peu de groupes seront capables de m’enchanter ainsi pendant 30 ans comme Dionysos en scène.

 

(1) Là encore, beaucoup se seraient contenté d’un Best Of classique, mais ce qualificatif n’existe pas chez Dionysos.

 

(2) On en est au tout début de la tournée, mais je suis prêt à parier qu’avant la fin de celle-ci Malzieu aura craqué et aura fait quelques stage diving au mépris de toute considération médicale.

 

(3) Seul bémol, cette présentation de Stéphano comme étant celui qui a appris le son de basse au groupe, taquet sans doute involontaire à son prédécesseur Guillaume Garidel dont je n’ai pour ma part toujours pas fait le deuil.

 

Photos: Deadly Sexy Carl

 

Setlist : Ombrologie - Giant Jack - Coccinelle - Don Diego 2000 - La métamorphose de Mister Chat - Wet - Tokyo Montana - Vampire en pyjama - Neige - Tuto pour marcher sur l’eau - I Love You - Poudlard de rien - Une sirène à Paris - Mc Enroe's Poetry // La naissance de Jack - Le jour le plus froid du monde - Flamme à lunettes - Song for Jedi – Medley (Song for Jedi / Giant Jack / Coccinelle / McEnroe's Poetry / Smells Like Teen Spirit / Cloudman / Song for Jedi)

 

 

 

 

à voir (spécialement à partir de la 12 mn pour avoir la banane) : DIONYSOS Final du concert

 

à voir (rien trouvé en solo, plus représentatif de cette première partie): Troy Von BALTHAZAR

 

la chute (dommage pour les Nîmois): Mathias MALZIEU

 

29 février 2024

2024 Sélection #01: SPRINTS, Bill RYDER JONES, Ryan ADAMS, the SMILE, WARM EXIT + CAN

Première sélection de 5 albums de 2024, classés par ordre de préférence.

 

SPRINTS - Letter to Self

 

Le succès d’Idles a profondément bouleversé un paysage rock assez moribond ces dernières années, engendrant une myriade de rejetons plus ou moins inspirés, l’un des plus doué et émancipé - Fontaines DC - ayant déplacé le curser de Bristol à Dublin. Ainsi en voyant débarquer Sprints en début d’année s’attendait-on à un énième clone mais le jeune quatuor n’a pas grand-chose à voir avec ses compatriotes menés par Grian Chatten, mis à part d’avoir d’emblée placé un tube aussi entrainant qu’irrésistible sur leur premier album (« Literary Mind » vs « Too Real »). Car loin des désormais poètes maudits, le groupe menée par Karla Chubb fait avant tout preuve de rage primaire, et si l’on trouve trace de post punk (voire même de hard rock sur certaines guitares rythmiques) sur Letter to Self, c’est bien au grunge qu’on pense le plus souvent, avec cette désormais classique mais toujours jouissive alternance de couplets tristounes et de refrains explosifs. Adeptes de la mise en tension, d’ailleurs extrêmement oppressante en début d’album (1), Sprints s’en décharge avec vigueur comme pour mieux exprimer la libération d’un joug trop longtemps contenu, les textes évoquant la nécessité comme la difficulté de s’affranchir d’un carcan social universel (2), quoique bien plus pesant pour les femmes. Ainsi Karla Chubb est surtout l’une des réincarnations les plus réussies de Courtney Love, et des titres comme « Adore Adore Adore » ou plus encore « Letter to Self » ne peuvent que faire penser au meilleur de Hole. Autant dire que pour moi cet album est une véritable tuerie qui écrase d’emblée la concurrence sur ce terrain en 2024, plaçant outre « Literary Mind » un deuxième titre dans ma liste des favoris de l’année, un « Shadow of the Doubt » alternatif dotés de guitares fabuleuses, comme au vieux temps où le monde voulait que je sois un autre et que la musique était ma seule échappatoire.

 

(1) Pour l’allergique que je suis à cette astuce de composition, l’octuple modulation aux deux tiers de « Heavy » est un véritable cauchemar

 

(2) Splendide conclusion à cette Lettre à Moi-Même, la dernière diatribe se terminant par le rageur « maybe my life don’t look like yours maybe i don’t wanna look like you » ne pouvait que résonner fortement chez moi

 

à écouter: SPRINTS - Shadow of the Doubt

 

 

Bill RYDER JONES - lechyd Da

 

En 2018, Bill Ryder Jones sortait avec Yawn un des disques les plus émouvants de sa décennie. Son successeur s’est fait attendre, mais il est à la hauteur de mes espérances. Toujours basé sur des chansons au tempo plutôt lent, mais jamais mollassonnes, et la voix mélancolique et légèrement rauque du songwritter, lechyd Da commence tranquillement avec un titre pop à la Velvet Underground avant de s’intensifier au fil des pistes, piano et guitare folk laissant une place progressive à des arrangements lyriques flirtant avec le sirupeux sans jamais s’y vautrer. Les montées de cuivres, qu’on trouve par exemple sur « I Hold Something in my Hand », rappelleront non sans émotion aux fans les chefs d’œuvres passés de Eels, tandis que « this can’t go on » parait être le titre que Mercury Rev n’arrive plus à écrire depuis 20 ans. Encore un cran au-dessus dans l’orchestration, avec chorale et rythmique percutante, « Nothing to be done », atterrissant direct dans la playlist des meilleurs titres de l’année, convoque la folie contagieuse de Spiritualized. Par la suite les envolées se calment un peu, Bill Ryder Jones se concentrant sur des ballades dont le point d’orgue, « Thankfully for Anthony », aussi lent que poignant, clôture en beauté le disque. Avec de tels albums, notre songwritter anglais n’a pas besoin d’être plus productif, tant l’on sent que lechyd Da, tel son prédecesseur, pourra squatter la platine sans lasser pendant de nombreuses années.

 

à écouter: Bill RYDER JONES - Nothing to be done

 

 

Ryan ADAMS - 1985

 

Ce bougre de Ryan Adams nous en a encore fait une bien bonne en sortant 4 albums inédits le 1er janvier. Difficile de tout absorber aussi vite (1) mais j’avais envie de parler de 1985 qui m’a assez enthousiasmé. Ryan s’est mis au punk, et c’est vachement réussi : 29 titres, 1 mn chacun en moyenne, ca dépote et c’est tout sauf ridicule, notamment au niveau de la maitrise technique (je ne sais pas si c’est lui qui joue basse et batterie mais ça assure…). Démarrant par un titre de 30 s pour nous mettre direct dans l’ambiance, notre ultra prolifique Carolinien amène un son plus 80’s dès « Waste of Time », doté d’un petit riff Van Halen, comme pour brouiller les pistes. En réalité le concept semble d’encadrer des salves de morceaux pur punk aux titres aussi parlants et jouissifs que « No Flags », « Rat Face », « You are the Enemy », « What the Fuck » ou le terrible « Punch ‘em in the Nuts » par quelques passages aux reflets différents, rock indé 80’s en milieu d’album (« Lucy », « How to Belong ») voire petite ballade acoustique incongrue par la suite (« Down the Drain »). Ryan craque un peu sur la fin, avec des expérimentations désordonnées et deux titres finaux qui, sans être mauvais, reviennent dans le giron classique du songwritter. Cela fait sans doute partie de ce concept album (sur l’année 1985 donc), et n’empêche pas 1985 d’être un disque très réussi dans un genre inattendu que j’ai toujours beaucoup apprécié. 

 

(1) En premières écoutes il me semble que Heatwave et Star Sign sont dans le haut du panier de sa production récente, peut être les meilleurs de sa rafale des 20’s, tandis que Sword & Stone est passable.

 

à écouter: Ryan ADAMS -  I don’t want to know

 

The SMILE - Wall of Eyes

 

2eme album en 2 ans pour the Smile qui semble être devenu, malheureusement, le projet principal de Thom Yorke et Johnny Greenwood au dépend de Radiohead. Malheureusement car ce Wall of Eyes n’emballe guère plus que son prédécesseur, à une exception près. Allons droit au but, « Bending Heretic » est un splendide titre, étalant sur 8 longues minutes son ambiance étrangement irréelle et apaisée, avec le chant exceptionnel et toujours poignant de Yorke (pour qui l’apprécie) en élément principal, avant d’exploser en orage électrique et solo distordu. Pour le reste, si le groupe est toujours impressionnant, ses compostions alternent entre titres vaporeux en percussions et arrangements orchestraux vaguement soporifiques et chansons démonstratives où la technique (notamment les rythmiques bizarroïdes) s’entend trop et empêche tout accès à l’émotion. C’est par exemple flagrant sur une première partie de « Under our Pillows » particulièrement insupportable, avant que le titre ne mute vers de plus sympathiques contrées Krautrock. Wall of Eyes mélange ainsi bons moments et passages irritants, ballades au piano lorgnant vers un Radiohead aseptisé et rock progressif, sans parvenir à marquer durablement les esprits.

 

à écouter:  The SMILE - Read the Room

 

 

WARM EXIT - Ultra Violence

 

Ultra Violence est un bon album de post punk, section rythmique bien en avant et carrée comme il faut, guitare tendue à l’extrême, chant scandé et gueulard, tous les standards y sont. En 8 titres et 32 mn, la Belgique entre dans le game, mais si tard… On parlait de l’overdose des groupes du genre s’étant engouffré dans la brèche ouverte par Idles, et Warm Exit en est l’exemple parfait. Qu’amènent-ils qu’on n’ait déjà entendu en mieux l’année dernière chez the Murder Capital (pour l’ambiance sombre et les sonorités métalliques) ou Italia 90 (pour l’énergie brute) ? Voire chez les Français de Frustration depuis 15 ans, sur des classiques du style aussi efficaces que « TV ». Un groupe à voir en Live mais dont l’album est à réserver aux fanatiques du genre.

 

à écouter:  WARM EXIT - TV

 

 

BONUS

CAN - Live In Paris 1973

 

Déçu que les sorties du projet d’officialisation des bootlegs de Can soient consacrées aux années instrumentales ambient jazz, j’avais cessé de m’y intéresser jusqu’à l’annonce du 4eme disque de la série au programme alléchant : le concert de 1973 à Paris, soit la dernière année où le groupe comptait dans ses rangs l’immense chanteur Damo Suzuki, recruté dans la rue en 1970 en remplacement de Malcolm Mooney. Triste ironie, Damo Suzuki est décédé juste avant la sortie de ce disque, qui prend dès lors des allures d’hommage (auquel je voulais modestement contribuer par cette chronique). Hommage car le chanteur y est particulièrement brillant, que ce soit dans les réinterprétations de morceaux connus ou dans les pures improvisations.  Sur « Paris 73 Vier » (aka « Stars and Lines »), ses incantations mantra font merveille et montrent bien ce qu’il a apporté à la musique de Can, l’amenant à un certain succès populaire notamment avec l’album Ege Bamyasi, le plus accessible de la période faste ici représenté par trois extraits de choix. Le groovy « One More Night », le tube « Spoon » et le plus aérien « Vitamine C » sont prolongés dans des développements hypnotiques et répétitifs dont les allemands s’étaient fait les spécialistes, avec maintes accélérations et changements de cap, toujours menés de main de maîtres par une paire rythmique inimitable (Jaki Liebezeit à la batterie, Holger Czukay à la basse).

 

Paris 1973 est ainsi parfaitement équilibré entre terrain relativement connu et démonstration technique improvisée, les 35 minutes de « Paris 73 Eins » (aka « Whole People Queueing ») proposant toutes les ambiances habituellement développées par Can, entre rythmes métronomiques, accélérations, passages plus bluesy et autres moments quasi reggae/funk, le tout enchainé pratiquement sans flottement par l’impeccable machine. On ne peut que regretter la fin abrupte du disque (les bandes ont été récupérées auprès de fans bootlegers), nous privant d’une autre improvisation et d’un extrait du Future Days en gestation (« Spray ») si j’en crois le contributeur du site setlist.fr. Une fin aussi inattendue que celle de Damo Suzuki, homme à la vie complexe et étrange, tant foisonnante que désertique par moments, qui laisse le seul Irmin Schmidt en mémoire vivante du groupe. On espère vivement que ce dernier aura prévu d’autre parutions aussi bonnes que ce Paris 1973 pour la suite, avec un maximum de Damo dedans.

 

à écouter:  CAN - Paris 73 Drei (Spoon)

 

 

22 février 2024

# 202 / 221

202 

 

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Nous sommes en 2003 et « Seven Nation Army » écrase tout sur son passage, un hymne rock comme il n’en sort que tous les 20 ans, et encore est ce sans doute le seul du millénaire à avoir atteint ce statut de classique universel, dont le riff résonne dans tous les magasins de guitare (et même les stades de foot) du monde entier à l’instar de ceux de Nirvana ou Deep Purple. Certes les White Stripes ne sont pas des perdreaux de l’année, Elephant est déjà leur 4eme album et leur rock primaire est encensé (au moins aux USA) depuis leurs débuts en 1997. Mais ce titre les révèle à un public bien plus large, dont je fais partie. A vrai dire, j’ai des sentiments ambivalents envers le duo, aux qualités indéniables (preuve en est l’enregistrement intégral de l’album sur cette cassette) mais aussi aux cotés irritants plus ou moins avouables, comme si le folklore et l’aura l’entourant empêchait d’avoir le cœur net sur le songwritting de Jack White. Sa passion érudite du blues et du garage rock à papa, avec ses marottes d’analogique et d’enregistrement à l’ancienne, donnait toute sa patine à des albums dont l’authenticité transpirait à chaque minute, mais qui furent instantanément récupérés par la fange la plus passéiste des amateurs de guitare, Jack White étant sans doute le seul artiste moderne à avoir sa photo à côté des Page et autres Clapton dans les albums des ayatollah du « vrai rock ». Je ne suis certes pas irréprochable de ce côté-là, mais ces gens sont indéniablement énervants, et je m’en tiens éloigné le plus possible. Autre perturbateur, le fantasme des journalistes et de la foule sur les relations entre Jack et Meg (fratrie, couple ??) dont le groupe fit un habile et jouissif fonds de commerce (« Well it's true that we love one another », hilarante moquerie sur le sujet doublé d’une parfaite comptine folk qui clôture Elephant). Reste que le rock en page people (cf Pete Doherty) m’a toujours été assez repoussoir. Et puis il y a le jeu de batterie de Meg White, mais nous en reparlerons. Tout ça pour dire que pour ces raisons qui ont quand même un bon parfum de snobisme, je ne creusais pas beaucoup plus loin que cet album (le seul que je possède) et que je ne cherchais jamais à voir le duo culte en concert, ce qui est sans doute fort dommage pour moi qui eut la chance d’être leur contemporain (fin du groupe en 2010). Ces considérations à part, que reste-il ? Tout d’abord un condensé blues rock garage en hommage aux 60’s dont aucune chanson n’est mauvaise. Et puis quelques perles aux ambiances variées, ballades simples  (« I want to be the boy to warm your mother's heart ») ou tubes bien épicés (« The air near my fingers »). De quoi inscrire pour l’éternité Elephant dans les 100 disques à écouter avant de mourir selon Rock N Folk.

 

 

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On remonte le temps jusqu’en 2000 et ce deuxième album des White Stripes, De Stijl, lui aussi très largement retenu sur cette cassette. On reste évidemment dans le même registre, mais avec un son plus brut et des influences encore plus marquées. J’y ai beaucoup entendu Led Zeppelin, que ce soit celui des tout premiers disques (blues explosif « Little Bird ») ou celui plus country folk du III (« I'm bound to pack it up »). Il est probable qu’en réalité Jack White soit directement allé à la source dont s’abreuvait allègrement le légendaire quatuor anglais, source que je connais assez mal mais qu’on entend particulièrement sur certains extraits, comme le rock n roll des origines « Jumble, Jumble ». Rien à ajouter, De Stijl est un autre très bon album du genre qui ne souffre d’aucun temps mort.

 

 

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On l’a compris, si je les apprécie globalement je ne suis pas un grand fan des White Stripes. J’avoue que j’ai cru pendant longtemps que l’une des causes de ce relatif désintérêt a été le jeu de batterie très minimaliste de Meg White. S’agissant d’un groupe qui maitrisait très bien son image, jusque dans le dress code et l’artwork tricolore (rouge noir blanc), j’ai moi-même donné dans les soupçons d’un recrutement purement marketing basé plutôt sur des formes généreuses qu’une maitrise des fûts. Difficile aujourd’hui de ne pas y voir une part de sexisme, dans la mesure où personne n’a jamais contesté le jeu de Jack White pourtant loin d’être un guitar héro, mais ce n’est certainement pas le facteur déterminant (1) : en réalité si Cat Power m’avait depuis longtemps fait relativiser l’importance de la technique à la guitare, il m’a fallu beaucoup plus de temps pour que je comprenne qu’un bon batteur est avant tout celui qui se met au service de la chanson, et qu’importe si cela implique de ne faire que des rythmes basiques et des frappes simplissimes. Ainsi Meg White, par ses limites techniques et en parfait complément de son ex-mari (sur l’espace musical autant que médiatique), fut à la base du son unique des White Stripes et donc du succès du groupe. On peut légitimement se demander si un(e) autre batteur(se) plus technique, en occupant plus d’espace, n’aurait pas empêché le duo de se hisser dans les groupes  qui ont le plus compté dans l’histoire du rock. Pour Jack White, et pour beaucoup d’autres grands musiciens rock, la question ne se pose même pas, rien n’aurait été possible sans Meg. En conclusion, ce n’est pas Meg White qui a freiné mon amour des White Stripes mais plutôt l’inverse : n’étant pas extrêmement sensible à leur univers - en bon fils des 90’s et non des 60’s ou 70’s - je n’ai pas su capter la pertinence de son jeu (et ce d’autant plus que, je le répète, je ne les ai jamais vu en live). 

(1) j’étais à l’époque grand fan par exemple de Patty Schemel et D Plakas

 

Pour finir sur le sujet, un joli article mesuré, ne versant ni dans la critique ignare ni dans l’éloge exagérée : https://www.hartzine.com/requiem-pour-meg-white/

 

 

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