Blinking Lights (and other revelations)

06 juin 2023

FESTIVAL LEVITATION (part 1) - Samedi 27 Mai 2023 - ANGERS

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Le festival rock de printemps est une tradition qui commence à s’être bien implantée chez moi, d’abord avec le TINALS pendant quelques années avant son regrettable arrêt, puis l’année dernière avec la délicieuse programmation surprise du VYV. C’est peu dire que j’attendais avec impatience l’affiche 2023 du festival Dijonnais, hélas le rock avait fait place à de la daube commerciale, et je m’apprêtais à renoncer à ma respiration annuelle avant le rush de Juin lorsque je tombais sur les groupes prévus au Levitation d’Angers, avec notamment la présence de Cloud Nothings que j’adore et n’ai encore jamais pu voir en live depuis la dizaine d’années que je les connais. Je prenais donc rapidement mes places, espérant pouvoir partager comme la plupart des années précédentes ces bons moments avec quelques amis. Si finalement je serais seul dans mon Airbnb je trouvais de joyeux compagnons de covoiturage grâce à Maxime qui faisait le déplacement avec Alban, Julien, Nicolas et Amandine. Nous étions donc 6 dans la Calexicar en route vers Angers sous un beau soleil, départ à 8h30 puisque Maxime voulait absolument voir le tout premier groupe programmé,  Big Wool, dans lequel un de ses potes jouait. Malgré une durée que j’avais largement sous-estimée lorsque je pris mes places, le trajet passe assez vite, je laisse le volant à Julien après la pause pique-nique et m’improvise responsable blind test pour des passagers dont au moins 3 d’entre eux sont de bons spécialistes, c’est amusant de voir se dessiner assez rapidement les spécialités musicales de chacun.

 

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Nous voilà à Angers, trois arrêts dans les différents logements réservés par la petite troupe et j’arrive sans encombre à ma chambre dans une maison qui se révèlera déserte pendant toute la durée de mon séjour. Je suis dans un quartier résidentiel qui a l’inconvénient d’être loin du centre-ville et dépourvu du moindre magasin ou café à proximité, mais le double avantage d’être à 20mn à pied du lieu du festival et d’être bien calme. Alors que Maxime et Alban sont déjà sur les lieux en temps voulu, je profite justement de ce calme pour me reposer. Le luxe rarissime d’être libéré de toute contrainte familiale fait partie des indispensables de ces week end de festival, aussi je ne me priverais pas de ces quelques heures à lire une bd sans être dérangé (1). Et ce d’autant plus que le lieu du Levitation est clairement son plus gros défaut, à savoir qu’il se tient sur le parking d’une zone commerciale, autant dire que je suis mieux pour le moment peinard sur mon lit qu’en plein cagnard à écouter des groupes que je ne connais pas, et tant pis si je loupe quelques belles prestations.

 

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Requinqué, je rejoins tranquillement à pied le lieu du festival après un trajet parfaitement inintéressant et accède à l’esplanade goudronnée où les deux scènes se font face. J’arrive au beau milieu de la prestation de LAMBRINI GIRLS, un trio féminin grungy punk dont la guitariste chanteuse, complètement déchirée, crache des diatribes au public entre deux accords hasardeux. Le temps d’aller me chercher une bière et elle est descendu danser dans la fosse au milieu de spectateurs hilares. Si la gouaille et la voix peuvent rappeler celles d’Amyl & the Sniffers, le reste est loin d’être au niveau, on est clairement ici dans un groupe qui a privilégié le message et l’attitude à la musique, elles ne savent pas jouer et aucune compo ne tient la route mais elles auront enculé JK Rowling en intro et Macron en final, avec au milieu il me semble un tacle au nouveau roi anglais (à mon avis elles l’ont enculé aussi). La leadeuse termine le bruyant concert en sous-vêtements, c’est n’importe quoi mais c’est quand même très drôle, la soirée se présente bien.

 

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L’avantage des lieux, c’est qu’il n’y a que quelques mètres à faire pour rejoindre l’autre scène, que les concerts s’enchainent quasiment sans pause, et qu’il sera facile pour presque tous de rejoindre les premiers rangs en quelques minutes. Je suis donc déjà bien placé pour voir ULRIKA SPACEK entrer en scène, les copains en ont plutôt bonne opinion et le leader porte un T-Shirt Sonic Youth, c’est prometteur. J’écoute quelques titres mais finalement je n’accroche pas trop, c’est de la pop rock savante façon Radiohead du pauvre, pas mauvais mais rien de passionnant, je décide donc d’aller dans la zone des Food Truck un peu à l’écart. Je fais un petit tour dans la salle couverte où j’aperçois des affiches, une tatoueuse, des bouquins d’interview musicaux qui me semblent sympa et même des flippers (dont un de Stranger Things bien cool), je me promets d’y revenir le lendemain mais n’en aurait finalement pas l’occasion. Je choppe un sandwich et remonte pour la fin du set d’Ulrika Spacek qui ne me convainc guère plus.

 

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Je ne connais pas CROWS mais le groupe est fort attendu par mes acolytes. Le quatuor au look bien rock entre en scène de façon très volontaire et balance d’emblée du gros son. Leurs compos s’inscrivent dans la lignée du post punk d’Idles (« Slowly Separate »), en y ajoutant une touche hypnotique façon Viagra Boys et une bonne dose de grosses guitares style garage rock alternatif. Le chanteur assez charismatique a des accents de Grian Chatten mais sans le coté tête à claques, il communique bien avec le public et s’offre lui aussi un petit tour dans la fosse pour beugler dans son micro. Rien d’original mais une prestation énergique et de bonnes chansons, c’est carré et entrainant et je passe un bon moment en leur compagnie.

 

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C’est maintenant l’heure du concert tant attendu de CLOUD NOTHINGS, et je viens évidemment me placer bien devant la scène accompagné de mes collègues, en particulier Julien, grand fan du groupe depuis ses débuts et qu’il a déjà vu à de nombreuses reprises en live. De mon côté je les ai découvert avec leur 3eme album, Attack on Memory, qui fit date dans les sorties de rock indépendant en 2012, et j’espère bien avoir droit à quelques extraits ce soir. Rien n’est moins sûr, car le groupe a sorti pas moins de 6 albums depuis, que j’ai de moins en moins écouté jusqu’à lâcher l’affaire (à l’exception du dernier en date, the Shadow I Remember que j’ai beaucoup apprécié). C’est en trio que le groupe va se produire, à droite le guitariste chanteur, au centre le batteur, et à gauche le bassiste, tous avec des bons looks de nerds, en particulier Dylan Baldi et ses faux airs de J Mascis, cheveux longs, casquette et lunettes en culs de bouteille posées sur un visage inexpressif. Le concert ne pouvait pas mieux commencer qu’avec « No Future/No Past », sans doute leur meilleur titre, ses arpèges, sa mise en tension et son explosion finale. Le batteur a beau jouer sur un instrument minimaliste (un seul tom), il occupe tout l’espace et le matraque en roulements démentiels, assurant le show pour le long passage noise de « Wasted Days ». Etonnamment, il sacrifie volontiers la rigueur rythmique au spectacle et à la vélocité, laissant à ses deux stoïques partenaires le soin de courir après le tempo. Le concert privilégie donc l'énergie plutot que le métronome et la mélodie et cela me va très bien, après tout nous ne sommes pas venus écouter l’album tel qu’on le ferait à la maison dans notre canapé. Car lorsque l’intro de « Fall In » retentit, nous nous regardons d’un air entendu avec Julien : Cloud Nothings aurait-il l’intention de jouer Attack on Memory en entier et dans l’ordre ? (2) Nous en aurons confirmation après cet excellent titre alternant couplets harmonieux et refrains rentre dedans. Malheureusement, les trois titres suivants seront entachés d’un problème technique, puisque le son de façade saute et que nous devons nous contenter de celui scénique : toujours bien audible, mais beaucoup moins puissant, surtout au niveau de la basse. C’est quand même dommage que l’unique fois du week end où cela s’est produit fut pendant le concert que j’attendais le plus. Sans être inoubliable il aura plus que largement tenu ses promesses, puisque trois excellents extraits d’Here and Nowhere Else (3) seront à suivre, toujours sur le même mode tendu et explosif, avant que le groupe ne termine sur un titre plus anecdotique de leur tout premier album. Curieuse setlist qui n’aura accordé aucune place à un titre plus récent que 2014, je ne saurais bien sur m’en plaindre et suis ravi de cette heure de rock passée à sautiller pour laquelle j’avais fait en grande partie le déplacement.

 

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Nous basculons de l’autre côté pour FOREVER PAVOT, groupe que je ne connais que de nom. Le quintet, mené par un chanteur assis devant son clavier à droite de la scène, cumule selon moi tous les défauts du groupe français prétentieux, aux premiers rangs desquels des velléités de poètes maudits assez grandiloquentes, raccord avec la pop psychédélique précieuse interprétée (il y a même de la flute traversière). Allergique à ces chanteurs moustachus façon Feu ! Chatterton, j’en profite pour m’asseoir vers le merchandising avec ma bière et écouter le set, indifférent à l’exception d’un dernier titre plus puissant. Tous les autres ont aimé, en particulier Maxime qui en a fait je crois son concert favori du festival.

 

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Plus décalé encore du style dominant de la programmation, ALTIN GüN est un groupe Hollandais dont les membres d’origine Turque proposent un mélange de musique traditionnelle et de rock pour un concert entrainant. Je ne connais pas leur musique et ce n’est pas ce que j’écoute chez moi mais c’est toujours très plaisant à entendre sur scène, d’autant que les 6 musiciens sont excellents, de très loin les meilleurs qu’on verra ce week end. Mention spéciale au faramineux bassiste qui tient la baraque, mais le batteur n’est pas en reste sur ces rythmiques un peu mystérieuses pour moi. Complètent le groupe un percussionniste, un guitariste, une chanteuse claviériste et un joueur de Baglama (sorte de mandoline) qu’on entend fort bien et qui apporte le coté oriental aux chansons, avec le chant turc évidemment. Les musiciens ne sont pas dans la démonstration, mais chacun a ses petits passages solos où sa maitrise technique éclate. La nuit est tombée, le son et le jeu de lumières sont superbes, de quoi passer un bon moment qui a aussi le mérite de nous changer un peu d’ambiance.

 

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Car pour terminer, c’est les PSYCHOTIC MONKS, autant dire qu’on va s’en prendre plein les oreilles. Sorti cette année, leur dernier album Pink Colour Surgery m’avait semblé intéressant mais inégal, entre moments captivants et passages un peu trop expérimentaux, et je retrouverais cette impression sur scène. Les looks sont travaillés, le mélange des genres moderne est à l’honneur, la guitariste à droite de la scène en robe de cuir rouge éclatant a transitionné il y a peu. A sa gauche le batteur positionné latéralement puis le préposé à la basse et aux machines qui sautillera tout le concert avec un large sourire et enfin tout à gauche un remuant guitariste arborant une chevelure blonde décolorée. Ils sont positionnés en ligne sur le devant de la scène et c’est selon moi la plus réussie des particularités de the Psychotic Monks que de ne pas avoir de leader attitré, chacun assumant à tour de rôle le chant et la direction d’une partie du concert. Si on ne peut s’empêcher de penser à une certaine esbrouffe arty sur quelques passages, notamment la longue intro indus où aucune véritable note n’est jouée, il y a aussi de forts moments d’émotion ou de violence punk dans le set, et surtout une énergie et une rage communicative. Musicalement je n’aurais pas été convaincu à 100%, mais je trouve que le groupe a une personnalité et une proposition intéressante et peu courante en France (on pourrait citer the Birthday Party pour se faire une idée), et je conseille vivement à tous les curieux d’assister à un concert du groupe, sans doute l’un des plus marquants du festival.

 

(1) excellente Bd que je vous conseille d’ailleurs : Nous aurons toujours 20 Ans de Jaime Martin. 

(2) en fait cette tournée anniversaire des 10 ans d’Attack on Memory était annoncée, mais nous l’ignorions. 

(3) album suivant immédiatement Attack on Memory, et quasiment aussi bon.

  

Setlist Crows : Silver Tongues - Garden of England - Only Time - Slowly Separate – Silhouettes - The Itch – Healing - Wild Eyed & Loathsome - Hang Me High - Chain of Being 

Setlist Cloud Nothings : No Future/No Past -  Wasted Days - Fall In - Stay Useless – Separation - No Sentiment - Our Plans - Cut You - Now Hear In - I'm Not Part of Me - Psychic Trauma - Can't Stay Awake 

Setlist Altin Gün : Rakıya Su Katamam - Vay Dünya - Su Sızıyor - Canım Oy - Kalk Gidelim - Güzelliğin On Par'etmez - Çıt Çıt Çedene - Leylim Ley - Yüce Dağ Başında - Doktor Civanım – Kolbastı – Leyla - Badi Sabah Olmadan - Ordunun Dereleri - Yali Yali - Çiçekler Ekiliyor - Süpürgesi Yoncadan - Goca Dünya - Kırşehirin Gülleri / Halkalı Şeker

 

Pour des meilleures photos que les miennes, celles de Robert GIL sont ICI

 

 LAMBRINI GIRLS:

 ULRIKA SPACEK:

 CROWS:

 CLOUD NOTHINGS:

 FOREVER PAVOT:

 ALTIN GÜN:

 PSYCHOTIC MONKS:

 


01 juin 2023

# 185 / 221

185 

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Pendant longtemps je me suis senti proche de George. Au sein des Beatles, il y avait John Lennon le génie créatif, Paul Mc Cartney le leader stakhanoviste, Ringo Starr le j’men foutiste rigolo, et George Harrison, celui qui était mais qui surtout  aurait voulu être. Celui dont la plupart des compositions étaient écartées et qui accusait toujours un train de retard par rapport au mythique faux tandem, progressant indéniablement au fil de l’histoire discographique du groupe, mais jamais suffisamment pour en signer la chanson marquante. Sauf, peut-être, sur Abbey Road, au moment où tout est déjà terminé. Ainsi George fut-il mon ami, loser parmi les winners, et on ne s’étonnera pas que All Things Must Pass fut l’unique album solo d’un ex-Beatles à figurer sur ces cassettes (1). J’adorais ce titre qui convenait fort bien à mon état d’esprit ultra mélancolique, tout comme cette pochette en noir et blanc où Geo pose comme statufié et abandonné de tous hormis ses nains de jardin. Un peu trompeur d’ailleurs, quand on songe que All Things Must Past a été enregistré avec toute une bande de potes, et pas des manches en plus. Et c’est ça aussi qui achevait de me le rendre sympathique, cette espèce de revanche flamboyante, ce moment où la frustration accumulée pendant des années explose dans le tout premier triple album jamais paru en solo (2), 18 chansons et 5 extraits de jam sessions endiablées, immense bras d’honneur à Paul et John puisqu’il me semble qu’il enfoncera leurs premiers albums solo en termes de ventes.

 

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Notons que, s’agissant de Geo la lose, cette revanche sera tout de même entachée d’un procès perdu pour plagiat pour le single à succès « My Sweet Lord », sorte de pop folk gospel à la sauce Hare Krishna. Ce titre est le plus connu d’All Things Must Pass, et il en est assez représentatif, tranquille, avec un soupçon d’orgue, la voix jolie et passe partout d’Harrison, et cette guitare solo au son si pur qui sublime certaines compositions mais peut aussi agacer à la longue. Très certainement l’apport d’Eric Clapton qui viendra ici tester son futur groupe, Derek & the Dominos, ce qui n’est quand même pas dégueu. Bon, vous connaissez l’histoire, il en profitera aussi pour piquer la femme de son grand pote, la fameuse Pattie « Layla » Boyd. Sacré Geo la lose, qui restera quand même en bons terme avec lui ! On trouve donc beaucoup de ballades, de douceur, de délicatesse, peu de chose qui dépasse, ni en bien ni en mal, dans cet album que j’avais (et là on peut s’en étonner) enregistré quasi intégralement. Pas mal de rock mid-tempo bien foutus, des Dylanneries (le chant de « If Not for You », écrite par Bob, est typique) avec l’inévitable harmonica, quelques compositions assez émouvantes (« Ballad of Sir Frankie Crisp (Let it Roll)» ou « Hear me Lord », toutes deux avec du piano), d’autres qu’on imaginerait fort bien interprétées (et autrement mises en valeur) par les Beatles, comme « Let it Down ». Et puis de rares pistes plus rock comme « Wah-Wah » doté d’un riff bien troussé s’éternisant en boucle avant la belle intervention de cuivres joyeux, qui font regretter que la mélancolie générale ne soit pas plus souvent brisée de la sorte. Reste la dernière partie, la jam session que pour le coup j’avais bien sabrée, mais qui en plus de secouer un peu l’auditeur engourdi lui montre la technique de musiciens qui s’éclatent ensemble et n’ont pas besoin de forcer leur talent pour accoucher de compositions écrasant les laborieux essais de certains de leurs contemporains. 

La réécoute fut sympathique sans être non plus une baffe de rappel. Nous quitterons donc avec ce bon vieux George les Beatles en cette rubrique ; Bien plus tard, je comblerais mes lacunes en en ouvrant une autre, la BEATLES Beginner’s Challenge, qui me permettra d’écouter et même de chroniquer l’ensemble des albums des Fab Four. Sans pour autant prolonger avec leurs carrières solos respectives, qui me restent donc quasiment inconnues. 

 

(1) c’est aussi le seul que je possède, en vinyle, acheté pour une bouchée de pain à l’époque où les brocanteurs ne savaient plus quoi faire de ce genre de machins… 

(2) en revanche, contrairement à ce que tout le monde croit, ce n’est pas le premier album solo de George Harrison, mais le 3eme. Mais je pense que seuls les Beatlesmaniaques acharnés ont écouté les deux précédents. 

 

 

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25 mai 2023

2023 Sélection #02: SLOWTHAI, LICHEN SLOW, the MEN, TEKSTI-TV 666, the SMASHING PUMPKINS

5 albums de 2023 classés par ordre de préférence, en commencant par celui que j'ai le plus apprécié.

 

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SLOWTHAI - UGLY

 

Estampillé artiste hip hop, Slowthai balance en fait un album dont l’étendue stylistique est renversante. Rappant avec talent sur des musiques allant du rock indus au post punk en passant par l’indie pop ou le piano mélodique, le virulent jeune anglais évoquera tant de grands noms qu’il est inutile de les citer - allez, un, le touche à tout Yoni Wolf et son expérimental Why ?. Surtout, il réussit brillamment à lier l’ensemble par un chant torturé (« Yum »), agressif (« Falling ») ou bouleversant (« Never Again ») qui donne à UGLY une intensité ne faiblissant jamais. Particulièrement bien construite, l’œuvre s’offre en clé de voute l’extraordinaire enchainement « Fuck it Puppet » (hip hop coup de poing) / « Happy » (electro rock irrésistible) / « Ugly » (ballade désespérée) appelé à régner sur les playlist de l’année. Entre colère et larmes, cet UGLY au double sens malin (c’est aussi l’acronyme de U Gotta Love Yourself), synthétise parfaitement la musique et l’ambiance de notre époque actuelle et se placera donc logiquement dans les plus belles réussites de 2023.

 

 

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LICHEN SLOW - Rest Lurks

 

C’est sans pression que Malcolm Middleton et son pote Joel Harries se sont envoyé des refrains et des mélodies pendant de longs mois, avant que progressivement ne se dessine l’envie d’en faire un disque, sous le nom de Lichen Slow. De cette écriture à quatre mains et à distance ressort un album apaisant, teinté de spleen et de second degré, où chacun a pu s’exprimer librement en dehors de tout regard extérieur ou d’un futur auditeur même pas envisagé à l’époque de sa création. Bien sûr, c’est la touche de notre guitariste fétiche qu’on est ici venu chercher, ses fameux arpèges et son chant mélancolique. La torpeur de « Hobbies », la pop enlevée du pince sans rire « Preset » ou le refrain lumineux chassant subitement les nuageux couplets de « Pain Ctd » sont ainsi à la hauteur de l’impeccable discographie solo du fondateur d’Arab Strap et sont clairement les meilleurs passages de Rest Lurks, mais les compositions moins marquées de sa pâte particulière restent la plupart du temps convaincantes et ne brisent aucunement la cohérence de l’ensemble. Si je ne suis pas fan du chant de Joel Harries, androgyne et assez particulier, j’ai en revanche beaucoup apprécié les secondes voix féminines de Quincey May Brown qui ajoutent à la délicatesse d’un album qu’on aime à écouter d’une traite, comme une rêverie qui fait du bien en ces temps stressants.

 

 

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The MEN – New York City

 

The Men est un groupe qui en a rien à foutre de notre époque, et franchement des fois ca fait du bien. Pour leur groupe de garage rock qui sent la testostérone, la bière et le cheveu gras, ils ne sont pas allés chercher leur nom bien loin, pas plus que pour le titre de ce qui est déjà leur 9eme album. J’imagine que si l’on va fouiller dans leurs 15 années discographiques on y trouvera toujours ces morceaux ultra classiques et ultra efficaces, héritiers du MC5 et des Stooges, et un peu de Black Sabbath quand ils consentent à ralentir le tempo. De la rythmique bourrin, des solos éjaculatoires, un piano martelé et une voix bien grasse, une power ballad par ci par là, et hop, dans la camionnette pour une tournée des bars. Rien d’original, rien à jeter. Un seul regret : qu’Iggy, qui a pourtant le featuring facile, n’ait pas songé à s’associer aux Men plutôt qu’aux Losers…

 

 

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TEKSTI-TV 666 - Vapauden Tasavalta

 

Cet obscur combo Finlandais propose un album court et percutant, dans le style de rock indé explosif de Japandroids par exemple, en y ajoutant souvent une bonne dose de Krautrock. Alternent ainsi des titres rock entrainants et d’autres plus répétitifs se permettant quelques virages, accélérations ou passages free pour dépasser allègrement les 7 mn sans lasser. Avec un excellent dosage d’énergie et de mélodies de guitare simples mais bien trouvées, Vapauden Tasavalta est un album sans prétention mais d’autant plus réussi qu’il ne se prolonge pas au-delà du raisonnable : 6 morceaux, 34 mn, et suffisamment d’attraits pour donner envie d’y revenir régulièrement.

 

 

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The SMASHING PUMPKINS - ATUM

 

En 2000, the Smashing Pumpkins, le groupe qui avait bouleversé ma vie quelques années auparavant, publiait son dernier album et tirait symboliquement sa révérence sur un titre appelé « Age of Innocence ». Il y eut bien quelques soubresauts mais en 2001, point final, le split, le boulot, le couple, les tours jumelles : c’en était bien fini de l’adolescence. Est-ce à ce moment-là que le monde et Billy Corgan partirent en vrille, ou avaient-ils toujours été complétement cinglés ? Si la chute de Billy ne fut pas perceptible immédiatement, il fallut se rendre à l’évidence au fil des années : il existait un monde parallèle où le vampire des citrouilles, tel un Vecna musical, s’employait à transformer nos rêveries adolescentes en cauchemars. De grotesques parodies repeintes en nuances de gris prirent formes sous nos oreilles horrifiées, le flamboyant Siamese Dream bourré de tubes réincarné en boursouflure Oceania, la beauté d’Adore en fadeur du Monuments to an Elegy, l’éclectisme de the Aeroplane Flies High en monotonie de Cyr. Et, c’était à craindre, la nouvelle saison de cette mauvaise série à succès voyait le Corgan du monde à l’envers s’attaquer à l’intouchable Mellon Collie and the Infinite Sadness, monument du rock alternatif, l’album qui fit de moi ce que je suis aujourd’hui. La monstruosité s’appelle ATUM, et il me fallut beaucoup de courage (ainsi qu’une journée solitaire à bosser sur un truc très chiant) pour oser m’y attaquer dans son intégralité : 3 CDs, 33 titres, 138 minutes dont si peu à sauver. Une poignée de chansons (« Steps in Time », « the Gold Mask », « Empires », « Spellbinding »), sans doute un peu plus pour les amateurs de Cure ou de Muse, à peine de quoi faire un EP sympa un peu décalé.

Pour le reste, le combat fut rude, les Smashing Pumpkins usant d’armes redoutables au premier rang desquelles des claviers tous pourris omniprésents, mais aussi des guitares heavy metal bien ringardes et un chant souvent en roue libre. Si Corgan prouve qu’il sait encore sortir quelques riffs bien troussés, pour une composition digne de ce nom c’est moins gagné, en particulier les ballades qui firent sa réputation lorsqu’il était encore de notre monde et qui ici sont toutes d’une laideur repoussante. Déjà affaibli par un temps d’écoute déraisonnable et par l’immense coup de pute que constitue « Hooray ! », évoquant vaguement la « Danse des Canards » et de loin pire titre de son auteur et de 2023, je faillis chuter à l’entame d’un CD3 qui contient plusieurs morceaux dépassant 7 mn, de la techno horrible et dont la seule apparition d’une guitare acoustique ferait passer le modeste « Cenotaph » pour un chef d’œuvre. Comme tout grand méchant qui se respecte, ATUM nous fera souffrir jusqu’au bout, la conclusion « Of Wings » étant particulièrement affreuse, même à l’aune de ce triple Opera Rock de merde n’évoquant le Mellon Collie que par quelques allusions symboliques et obscènes, comme pour mieux nous narguer. J’en sortais donc vainqueur, mais à quel prix ? Le reste de mes illusions piétinées, et sachant que le cerveau fou d’un Corgan à la dérive nous gratifiera prochainement d’un autre album psychophage. Il me faudra alors une nouvelle fois l’affronter avec l’aide de mes souvenirs et de quelques amis qui furent comme moi, dans les lointaines 90’s, renversés par la musique des Smashing Pumpkins. Les vrais.

 

 

18 mai 2023

PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS - Mardi 16 Mai 2023 - Le Périscope - LYON

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Période extrêmement chargée en concerts intéressants sur Lyon, il faut faire des choix. Je me laisse tenter par la venue de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs (nom débile qu’on abrégera dès lors en Pigsx7), sur la foi d’un King of Cowards sorti en 2018 que j’avais bien aimé. C’est aussi l’occasion d’enfin découvrir le Périscope après plusieurs rendez-vous avortés (dont l’annulation du concert de Zëro il y a quelques années). C’est une salle super sympa de taille raisonnable, tout y est bien organisé : deux bars, deux toilettes, une petite salle et une plus grande dominée par un petit balcon dans laquelle se passera le concert. J’accède avec ma pinte aux premiers rangs de la fosse alors que la première partie vient d’attaquer son set. Il s’agit de Grandma’s Ashes, un trio de jeunes femmes enthousiastes jouant un rock dur à définir, naviguant entre emo, stoner, heavy metal et pop, qu’on qualifiera de rock progressif faute de mieux. Le look hippie de la batteuse contraste avec celui tout en cuir tatouages de la bassiste-chanteuse et de la guitariste, chacune balançant à l’occasion quelques plans assez remarquables sur leur instrument respectif. S’il est toujours agréable de voir des filles prendre la relève du rock, comme le revendique le More Women On Stage tracé sur la basse de la leadeuse, je dois avouer que je n’ai pas été trop convaincu par les compositions tarabiscotées du trio, à l’inverse d’un public réceptif qui ira plus tard longuement discuter avec les Parisiennes au merchandising.

 

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C’est après la diffusion intégrale du savoureux « For Those About to Rock (We Salute You) » d’AC/DC pour nous mettre en condition que les cinq gars de Pigsx7 investissent la scène d’un Périscope bien rempli pour l’occasion. De cette formation classique, paire rythmique au fond et deux guitaristes encadrant le chanteur, on remarquera surtout l’improbable tenue short marcel moustache du beugleur en chef, qui émaillera le concert de saillies drolatiques teinté d’humour British, dont les savoureuses excuses au monde entier pour être Anglais en temps de Brexit qui rencontreront un fort écho dans un public bien chaud (1). Depuis King of Cowards, les Pigsx7 ont sorti pas moins de 3 albums dont un seul que j’ai vaguement écouté, je ne reconnais donc pas grand-chose mais ce n’est pas grave puisque globalement le groupe n’a qu’une chanson (extrêmement inspirée par Black Sabbath), alternant les passages très lourds et lents et les accélérations de tempo en mode stoner garage. Un set monolithique mais très entrainant, la tension ne faisant qu’augmenter au fil de la soirée, un gentil pogo gagnant progressivement les premiers rangs et les slams se succédant, avec ce petit défi supplémentaire d’atteindre le bord du balcon et d’y grimper sous les acclamations des copains restés en bas. Un échauffement de la nuque était indispensable, les musiciens étant redoutablement carrés, coups de guitare saccadés et roulements de toms incessants accompagnés des cris lointains et chargés de reverb du remuant chanteur laissant peu de répit au spectateur ensorcelé. Le concert file vite, sans le moindre temps mort, et c’est en sueur dans mon blouson en cuir que je prends une dernière dose de gros son avec deux extraits de King of Cowards en feu d’artifice final. Pas de rappel, on va chercher une bière pour se rafraichir au milieu d’un troupeau de lyonnais aux larges sourires, et souffler tandis que les musiciens remballent leur matériel avec quelques roadies en vue d’une tournée européenne qui se poursuit vers le nord. Une bonne soirée défoulatoire.

 

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(1) à part la spectatrice coincée du cul qui se plaignait des bousculades, finissant assise sur la scène et provoquant les excuses désolées du groupe. Mon avis c’est que quand tu ne supportes pas un pogo aussi bienveillant (pas un seul connard dans le lot) d’un public aussi restreint, tu ne te mets pas au premier rang ou tu t’en écartes de quelques mètres quand t’en a marre. Enervant…

 

Setlist : Mr Medicine – (Rubbernecker ?) - Halloween Bolson - Ultimate Hammer - Ball Lightning - World Crust - Big Rig - Terror’s Pillow – GNT - A66

 

 

 

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11 mai 2023

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C’étaient les années où l’on pouvait trouver gratuitement des magazines musicaux mensuels assez bien foutus dans des boutiques, sans qu’ils en soient à  mon avis beaucoup plus dépendants que les Rock N Folk et compagnie… Celui de la Fnac s’appelait Epok (de 2000 à 2007), un autre Buzz, et celui que je prenais le plus souvent était le Megapresse édité par Virgin. Avec leurs chroniques et leurs interviews, ainsi que de belles photos, c’était devenu une bonne source de découvertes pour moi : hé oui, rappelez-vous que le net balbutiait, et que je ne l’avais pas encore chez moi en cette belle année 2002 où le groupe Lambchop venait de sortir Is A Woman, fort mis en avant par lesdits magazines. Ainsi donc empruntais-je du Lambchop, à commencer par un Thriller de 1997 dont je ne me rappelais de rien, pas même, fait inhabituel, de cette pochette pourtant fort jolie.

Enregistré pour moitié soit donc 4 morceaux, Thriller me surpris tout d’abord par un ton enjoué et plus rock (alternatif) que ce que j’avais imaginé du groupe (et que ce que j’en avais retenu du concert de 2013 où je fus invité par un ami). Mais ce « Your Fucking Sunny Day » funky avec supplément cuivres diablement entrainant était bien trompeur, et le reste beaucoup plus calme. Des ballades aux arpèges tranquilles, un peu de slide guitare, de xylophone et de chant mélancolique, qui m’ont évoqué les débuts de Calexico. Pas de quoi noter ce disque d’une pierre blanche, mais plutôt agréable.

 

 

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Dès sa sortie, je me jetais sur le dernier Arab Strap en date, Monday at the Hug & Pint. Je ne sais pas trop ce que j’en attendais, je fus un peu déçu à l’époque, quoique pas autant qu’avec son prédécesseur. Et pourtant, quel album, dont le titre évoque déjà tout, triste comme un lundi, avec des (tentatives) de câlins et des (miles) de pintes... Le post rock à la rythmique bien lourde et saturée de « Fucking Little Bastards » ne pouvait que me plaire, dynamitant encore aujourd’hui les setlists du faux duo. Mais ma petite préférée, c’est « Who Named the Days ? », rengaine pâteuse sur une addiction à un vieil ami, l’alcool qui fait toujours tout foirer, à moins que ce ne soit, déjà, Comus ? Le reste c’est des valses bien glauques, un violon bancal faisant la paire avec le chant de Moffat, de plus en plus fatigué. Des valses où ça tourne plus très rond, où le gars renverse son verre et la femme, cette maladroite, se fait encore un ou deux bleus en se cognant à la table. C’est « Act of War », chef d’œuvre d’écriture sur un couple disfonctionnel, la sempiternelle clé de l’œuvre humide et frissonnante d’Arab Strap, qui célèbre par le clin d’œil blagueur « the Week Never Starts Round Here » son premier album sorti 7 ans auparavant. Il faudra bien y venir à ce début de semaine, la gueule de bois encore vivace, dans la vielle odeur de tabac froid, de javel et de bière mêlée au fond de ces bars écossais perdu vers le Loch Leven, ces Hug & Pint où Middleton et Moffat vinrent, en quelques goulées, chercher l’inspiration pour nous recracher, à des centaines de kilomètres, ce morceau de noirceur.

 

 

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Cela va être de plus en plus le cas, maintenant qu’on s’approche mine de rien de la fin de cette rubrique insensée : après le temps des découvertes puis le temps de l’exploration des discographies, voici le temps où l’on raccroche à l’actualité d’un artiste aimé. Arab Strap tout à l’heure et Lisa Germano maintenant, qu’on avait quitté il y a bien longtemps (épisode #079) sur son difficilement trouvable premier album et qu’on retrouve en 2002 avec sa sixième parution, Lullaby for Liquid Pig, titre qui en dit là encore beaucoup sur son contenu, cet espèce de fantasme lointain, musique aussi flottante que le corps bleuté sur la pochette, comme enregistrée sous l’eau. Si elle partage avec les deux compères écossais cette tristesse immanente, Lisa Germano est seule, et cela s’entend. Les mélodies sont fragiles, le chant est un souffle s’appuyant tant bien que mal sur quelques notes de piano. On reconnait la patte de l’autrice d’Excerpts from a Love Circus, mais en filigrane, et si l’émotion parvient souvent à nous atteindre malgré le brouillard, Lullaby for Liquid Pig en ressort fatalement moins marquant que ses illustres prédécesseurs. Lisa Germano sortira par la suite encore trois albums que j’ai assez peu écoutés, avant de disparaitre pour de bon. Silence complet depuis maintenant 10 ans.

 

 

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Et voici donc Is A Woman, album que Lambchop venait de sortir à l’époque de l’enregistrement de cette cassette, qui avait eu bonne presse et que j’avais enregistré dans une large proportion. Etonnant, car l’ensemble est très monolithique et calme, batterie et basse en sourdine, un peu de guitare, seul le piano est mis en avant pour accompagner la voix profonde de  Kurt Wagner. Un groove timide s’invite à quelques reprises (le dernier titre, « Is A Woman », est même un reggae !), mais dans l’ensemble c’est du feutré à la Mark Eitzel, qui s’écoute distraitement en attendant la suite. Mais de suite ici il n’y aura pas, n’ayant pas assez accroché pour fouiller une discographie très fournie. Je croiserais quand même une dernière fois la route de Lambchop lors de sa venue à l’Epicerie Moderne il y a dix ans, pour une soirée agréable et amicale placée sous le signe de la charentaise.

 

 

 

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04 mai 2023

SHOW ME THE BODY - Mercredi 26 Avril 2023 - Transbordeur - LYON

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Show me the Body est un groupe de hardcore américain dont j’avais grandement apprécié le 2eme album, Dog Whistle, sorti en 2019. Même si son successeur Trouble the Water m’a moins plu, je n’allais pas manquer leur venue en terres Lyonnaises que j’imagine exceptionnelle. De manière étonnante c’est au Club Transbo que le concert est programmé, une salle surdimensionnée pour un groupe que je suppose assez confidentiel. On est donc très au large dans la fosse, ce qui rend toute tentative de slam périlleuse, mais les spectateurs en moyenne bien plus jeunes que moi sont très fans du trio, en témoigneront les chants repris en chœurs à chaque sollicitation du leader, les acclamations sur les intros de certains titres ou la motivation à pogoter dès que l’occasion se présente.  Pour le moment c’est une nouvelle première partie improbable qui se produit devant quelques personnes : Lucy, un jeune rappeur qui chante sur des bandes pré enregistrés. Musicalement ce n’est pas désagréable mais je ne comprends pas trop l’intérêt du live, seul avec son micro on a l’impression d’assister à une séance de karaoké publique. Cela dit je reconnais à Lucy un sacré courage pour se produire dans ces conditions. Le set est très court et comme je suis venu seul je m’ennuie un peu en attendant la tête d’affiche.

 

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C’est un trio remonté qui investit la scène, au centre un batteur bourrin et efficace, à droite un bassiste chevelu qui jouera en fait très peu de basse : soit il sera aux machines, soit son instrument sera très saturé et plutôt utilisé comme une guitare minimaliste. Et à gauche, au centre, un peu partout, le chanteur sur les épaules (musclées et tatouées) duquel tient l’ensemble du show, affichant une volonté d’en découdre assez intrinsèque au style musical tout en étant très attentionné envers son public. Après quelques extraits il se saisira à ma grande surprise non d’une guitare mais d’un banjo, ce qui donne toute sa particularité au groupe (1). S’ensuit une alternance curieuse de passages punkoïdes et d’indie slam rock évoquant beaucoup Modest Mouse, qui rend tout d’abord le concert un peu trop haché à mon gout, le public ne sachant plus sur quel pied danser, avant que des morceaux un peu plus longs permettent de mieux rentrer dans la musique. En 40 minutes (sans rappel évidemment) l’affaire est réglée, c’est la sincérité et l’engagement du hardcore qui est à l’œuvre, pour un concert beaucoup plus tendu que violent que j’ai beaucoup apprécié.

Il est donc assez tôt, je joue les prolongations pour une dernière bière et aussi pour identifier le zouave qui a perdu son téléphone dans la bagarre. Je le trouverais au merchandising, où un volubile et sympathique vendeur, venu faire auparavant deux-trois apparitions sur scène pour beugler quelques refrains, raconte sa vie New Yorkaise avec un large sourire aux fans ravis. Malheureusement Dog Whistle est épuisé, il ne me reste plus qu’à regagner mes pénates. 

 

(1)    On notera donc que je connais en fait très peu Show me the Body

 

Setlist de tournée : Out of Place - Boils Up - Food From Plate - We Came to Play – Radiator - Loose Talk - War Not Beef - K-9 - Camp Orchestra - Metallic Taste - Not for Love - Trouble the Water - WW4 - USA Lullaby - Body War 

 

 

 

 

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27 avril 2023

SLOKS + HELLO DARKNESS - Vendredi 21 Avril 2023 - Le Trokson - LYON

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Depuis 2010, soit à peu près l’année de la création du groupe Hello Darkness, nous avions réussi à faire au minimum un concert par an. Le covid nous obligeât à déroger à cette tradition en 2020, et nos occupations personnelles nous voyaient faire une année blanche supplémentaire en 2022 (mais on s’était beaucoup investis dans la sortie de notre EP). Grace au coup de main d’Alice, motivée pour passer du temps en coups de fil et suivi de mails au service du groupe, nous mettions fin à cette mauvaise série, et avec la manière : c’est le mythique Trokson, emblématique lieu Rock de Lyon, littéralement rené de ses cendres début Aout 2021, qui nous accueillera en première partie d’un groupe de garage rock Italien, Sloks. Déjà bien motivés par la sortie prochaine (on l’espère) de notre premier Vinyle, cette annonce nous gonflait à bloc et nous nous mettions au boulot assez vite sur une setlist adaptée. Première partie oblige, nous n’avions que 50 mn de jeu, ce qui nous forçait à faire une sélection drastique dans nos titres actuels (une bonne vingtaine). Nous choisissions les cinq chansons de notre futur EP, nos trois nouveaux morceaux ainsi que quelques titres parmi nos plus rock pour être raccords avec l’esprit de la soirée. Avec une série exceptionnelle de répétitions à 4, dans la joie et la bonne humeur (nos deux joyeux lurons se sont surpassés dans les blagues à la con), nous étions fins prêts et extrêmement impatients de retrouver la scène. Seul bémol, Damien était en vacances juste avant le concert, ce qui nous priva d’une dernière répétition de rodage, mais pas de quoi nous inquiéter plus que ça.

 

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Je révise quand même quelques riffs à l’Hotel de la Musique avant que, rejoins par mes trois potes, nous chargions ma bétaillère de tout notre matériel. Gary, le très cordial programmateur du Trokson, m’ouvre l’accès à la Montée de la Grande Cote habituellement piétonne, je fais du 4x4 avec mon Berlingo plein à craquer sur les petites marches de la pente pavée, c’est chaud mais je me dis que ce n’est pas donné à tout le monde. Petit sentiment de fierté aussi lorsque nous trimballons nos instruments au milieu de la grande terrasse déjà bondée avant de rejoindre par l’escalier des artistes la petite salle voutée dans laquelle nous allons jouer. Les Sloks ont déjà fait leurs balances, je complète leur batterie avec des éléments de la mienne tandis que les autres installent amplis et micros. Je suis au centre de la scène, Damien à ma gauche tandis que Julien et Seb doivent se partager la droite, un peu serrés. Moi j’ai un bon espace et ne pas jouer sur ma batterie ne me gênera quasiment pas. Les balances se passent plutôt bien, mais Seb doit pas mal baisser son volume. Je distingue suffisamment le chant et la guitare mais le son que j’entends est assez brouillon, Gary nous rassure en nous disant qu’en façade c’est ok et qu’une fois les spectateurs présents le son sera bien meilleur.

 

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J’ai un peu de temps pour boire une bière et faire connaissance avec le trio Turinois, signé chez Voodoo Rhythm Records, qui entame une tournée européenne de 11 dates. On mange ensemble les pizzas commandées par Gary, on salue les fidèles amis et parents venus nous soutenir, et c’est déjà le moment de jouer, un peu avant 21h, devant une salle bien remplie. On attaque par « Wolf », notre titre phare du moment, celui qui est censé nous mettre en confiance puisque nous le maitrisons fort bien et qu’il est sur un rythme assez lent. C’est sans compter sur Damien qui sucre carrément un couplet, un peu perdu je regarde fébrilement les autres mais on se rattrape aux branches et le titre passe sans catastrophe, bien que certains spectateurs connaissant le morceau aient un peu tiqué. Sur « Nothing Burried Forever » qui est une nouveauté, soit que tempo ait été trop rapide, soit que je sois encore un peu tendu, toujours est-il que je ne peux tenir mes roulements et que je suis un peu à côté tout le morceau. Ensuite sur « Le Veilleur », il y aura un petit zappage de paroles sur un couplet, bref, le début du set est un peu flottant mais rien de très alarmant. D’ailleurs la suite se déroulera sans accroc, tout juste remarquerais-je qu’il y a une erreur sur nos setlists imprimées et que le calme « Pluie de Flèches », censé me faire une pause après une moitié de set à fond a été repoussé après deux autres morceaux remuants. Les tempo sont plutôt maitrisés, nous évitons notre défaut habituel de jouer trop vite, sauf peut-être sur « the Reed », mais au moins sommes nous tous repartis ensemble après le passage free bordélique. Après un « Year of the Dog » bien tendu à peine perturbé par le lâchage de mon charley, nous terminons sur « Burn Out », relativement facile et jouissif à jouer, et sur lequel nous avions déliré toute la journée. Le danger était donc pour moi d’un peu trop me lâcher et de faire des pains à gogo ce qui m’arrive fréquemment en répète, mais il n’y eut aucun ratage dans la conclusion de ce concert qui, sans être parfait au niveau interprétation, fut très plaisant.

 

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Comme d’habitude pas le temps de souffler, il faut ranger un peu notre matos pour laisser place nette aux Sloks, ensuite direction le bar assailli et vive la bière rafraichissante, puis nous discutons avec les amis venus nous écouter en nombre. Les retours sont très positifs, que ce soit de la part des plus anciens fans qui suivent le groupe depuis ses débuts comme de certaines personnes ne nous ayant jamais entendu auparavant, la plupart ayant même trouvé le set un peu court. Les Sloks ont déjà commencé leur concert, je descends vite rejoindre la fosse toujours bien remplie au son fort abrasif de leur musique. Le qualificatif de primitif pour leur garage rock leur va très bien, les compositions sont assez minimalistes mais le son est très dense et la rythmique soutenue. A droite le guitariste en mode surf-punk-garage façon the Cramps, jouant sur deux amplis en parallèle. Au centre le batteur qui martèle de façon continue une batterie avec très peu d’éléments (un seul tom et une seule cymbale), et à gauche la remuante chanteuse qui assure le spectacle, beuglant dans un micro qu’elle gobe régulièrement, mimant un lasso ou une pendaison avec son câble, fracassant un gros tom telle une garde-chiourmes Romaine ou bousculant un public bien réceptif. Un concert vraiment cool et instructif aussi, assez impressionnant de voir qu’avec si peu de moyens et de technique déployés on peut parvenir à un résultat aussi efficace.

 

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Je remonte à la surface un peu avant la fin du set des Sloks pour discuter avec les amis et Mélaine et les enfants qui sont venus m’encourager. Ce qui est cool c’est qu’on a du temps, et il en faut pour accéder au bar car il y a encore beaucoup de monde ! Finalement on range tranquillement notre matos, on salue les très sympathiques Italiens qui partiront le lendemain pour Evreux et on rentre chez nous très heureux de cette belle soirée musicale. Hello Darkness est unanime, les conditions étaient excellentes et nous n’avons qu’une hâte : refaire un concert au Trokson. D’ici là je serais dorénavant plus attentif à leur programmation : des noms comme Cathedrale ou W!zard prochainement annoncés promettent de très bons moments et l’entrée est toujours gratuite. Pour Hello Darkness le prochain rendez-vous sera, une fois n’est pas coutume, à la Fête de la Musique avec un set et une ambiance qu’on imagine assez différent. On espère vous y voir nombreux ! 

 

Setlist : Wolf – Nothing’s Burried Forever – Le Veilleur – Steam Roller – Stella Song – Beating Heart – the Beat – Pluie de Flèches – the Reed – Year of the Dog – Burn Out

  

 

 

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19 avril 2023

GODSPEED YOU ! BLACK EMPEROR - Vendredi 14 Avril 2023 - Transbordeur - LYON

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Mini drame en arrivant au Transbordeur, l’accès au chemin et pelouses surplombant le stade de la Doua, qui m’assurait depuis des années une place à quelques mètres de la salle quelle que soit l’heure à laquelle j’arrivais, est désormais bloqué aux voitures par des poteaux et des rochers. Il faudra désormais me démerder autrement, même si pour ce soir j’en suis quitte pour rejoindre les places longeant le Parc de la Tête d’Or et marcher 5 minutes sous la pluie. Déjà pas franchement à l’heure après un apéro prolongé pour les 50 ans d’un collègue de travail, j’arrive donc passablement embrumé et très en retard dans la fosse, où la première partie achève son concert. Marisa Anderson est une dame d’un certain âge qui interprète seule des morceaux instrumentaux à la guitare, entre folk électrique et proto post rock. Agréable l’espace de deux titres, sans doute un brin ennuyeux tout un set mais il aurait fallu que j’y sois pour en juger.

 

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Un peu d’attente avec ma binouze au centre de la fosse, il y a du monde mais on est loin d’être serrés. Les membres de Godspeed You ! Black Emperor s’amènent progressivement sur scène, chacun venant ajouter sa couche sonore au classique « Hope Drone » d’ouverture, avec toujours l’écran géant en fond diffusant en boucle des morceaux de film en noir et blanc. C’est la troisième fois que je vois le groupe en live, je connais le principe de cette mise en condition, mais je la trouve aujourd’hui assez interminable. Je traine beaucoup de fatigue et de stress en ce vendredi soir, je me rends compte alors que je ne suis pas forcément dans l’état d’esprit qui convient pour apprécier une musique aussi exigeante que celle du collectif canadien. Cela fait même des mois que je n’ai plus écouté leurs disques, et le G_d’s Pee At State's End! de 2021 a finalement assez peu tourné à la maison malgré sa qualité (1).

 

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Ainsi donc les huit musiciens enchainent-ils leurs longs développements en vagues sombres sans que j’arrive véritablement à en profiter. Certains passages me semblent très longs et m’ennuient, d’autres m’embarquent mais je les trouve trop courts et cela me frustre. Invariablement des pensées négatives viennent me harceler et m’empêcher de m’élever au-dessus de la masse à la suite du violon. Evoquant la tension déferlant sur le pays ces derniers jours, les sept hommes du groupe (trois guitaristes, deux bassistes et deux batteurs), de noir vêtus, déroulent dans une orchestration millimétrée leurs parties tout en saturations et rythmes martiaux. Alors, je vous le dis, seule la violoniste, debout en T-Shirt clair, pourrait nous sauver. Je capte des mélodies, sans identifier les morceaux, je combats la noirceur, après tout on est à Pâques, les cloches ont sonné joyeusement comme sur la lockgroove concluant « Cliffs Gaze» sur le vinyle d’un G_d’s Pee At State's End! très largement interprété ce soir.

 

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Mais c’est sur les deux vieilleries finales que je réussirais in extremis à lâcher prise, notamment un « the Sad Mafioso » extraordinaire qui vient conclure le set dans une apocalypse sonore sur laquelle les musiciens quittent un à un la scène après un bref salut de la main au public. Je m’enfuis alors que les derniers larsens sont progressivement éteints par le bassiste et le jeune batteur. J’aurais au moins acquis cette certitude : quand la poussière sera retombée et que chacun sera retourné à ses beaux discours, ses vacances à l’étranger ou son téléphone portable, la musique de Godspeed You ! Black Emperor, elle, restera. 

 

 (1) dommage d’ailleurs que je ne l’ai pas réécouté juste avant, c’est souvent quitte ou double mais cette fois cela aurait certainement permis que je rentre plus facilement dans le concert.

 

Setlist : Hope Drone - First of the Last Glaciers - Anthem for No State - Cliffs Gaze - Gathering Storm - The Sad Mafioso

 

 

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13 avril 2023

# 183 / 221

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Avec son titre et cet objet mystérieux sur la pochette, que j’ai toujours pris pour un masque, je me souvenais de Spiritchaser comme l’album Africain de Dead Can Dance, celui des transes et des rites vaudou. Ce qu’il est d’ailleurs le temps des deux premiers titres, leurs percussions tribales, hypnotiques, les syllabes du chant de Brendan Perry, leurs bruits de jungle au lointain. A moins que cela n’évoque le bush Australien, ou les sorciers caribéens. En réalité Spiritchaser voyage sur tous les continents, fait un long détour vers l’Inde, aborde des guitares plus occidentales et s’achève sur un titre minimaliste aux reflets celtiques, magnifique écrin à la sublime voix de Lisa Gerrard. Les morceaux, pour la plupart très longs, se laissent le temps d’amener l’auditeur ailleurs, tout en développant régulièrement des idées mélodiques l’air de rien (petit clin d’œil amusant à Georges Harrison, sur « Indus » évidemment). Victime d’une classique insomnie, squattant le canapé du salon, mon fiston n’aura mis qu’une moitié d’album pour regagner son lit, apaisé. Ce qui pourrait sonner comme une critique n’est ici que la consécration de la réussite d’un disque nous transportant dans un clair-obscur, entre rêve et réalité, dans une parenthèse hors d’un temps et d’un lieu défini.

Les divergences musicales du duo, qu’on entend quasiment tout au long d’une œuvre qui s’en nourrit aussi fortement, finiront par provoquer le split du groupe après cet album. Leurs retrouvailles suite à une brouille de plus de 15 ans furent improbables, et plutôt réussies, mais n’apparaissent évidemment pas dans cette rubrique : nous laissons donc Dead Can Dance ici après avoir réussi pour une fois à parcourir l’ensemble de leur discographie.

 

 

 

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Ouais, vous êtes sur le blog du gars qui tergiverse à chaque écoute de R.E.M, mais qui ne boude pas son plaisir lorsque survient un Creed. Libre à vous d’en conclure que j’ai des gouts tous pourris, pour moi c’est simplement que je suis le pur produit de ma génération, les 90’s. Encore une fois ce Human Clay, deuxième album du groupe, me séduit (quoique moins que les deux autres l’encadrant), et comment pourrait-il en être autrement ? Une rythmique lourde et grungy, des arpèges super bien trouvés, une voix profonde comme il faut, des accents Zeppeliniens par moments, et bien sur quelques inévitables power ballades : le rock alternatif dans toute sa splendeur. Bref, qu’importe le statut du groupe, nul ne pourra nier qu’ils étaient de sacrés songwritters…

 

 

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Petite bouffée de the Divine Comedy et A Short Album about Love, rendu encore plus court par la mini sélection que j’en avais faite. Passé l’inaugural et intéressant « In Pursuit of Happiness », pop classieuse bien arrangée réussissant à mêler légèreté et tension (sorte de mini symphonie de 3 mn), nous retombons dans un romantisme lancinent me laissant absolument froid malgré son indéniable grâce. Je tenterais encore plusieurs fois par la suite à m’associer à l’élégance du groupe de Neil Hannon, sans trop de succès.

 

 

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01 avril 2023

2023 Sélection #01: ITALIA 90, YO LA TENGO, the MURDER CAPITAL, DON BOLO, Iggy POP

 

Premier épisode en 2023 pour cette série présentant 5 albums de l'année classés par ordre de préférence, en commencant par celui que j'ai le plus apprécié.

 

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ITALIA 90 - Living Human Treasure

 

7 Mars 2020, je suis avec Damien au CCO pour le concert de Frustration, et nous découvrons en première partie Italia 90, groupe anglais qui nous fait forte impression. On ne le sait pas encore, mais c’est notre dernier contact avec la musique live pour un interminable moment. Sans doute que l’épisode de covid, alourdi par des problématiques techniques, sont à l’origine de la sortie extrêmement tardive de ce premier album. En un sens c’est assez dommage pour le groupe, puisque le momentum est passé pour le Post Punk moderne, pléthore de groupes s’étant engouffrés dans la brèche ouverte par Idles il y a 5 ans jusqu’à saturation, les meilleurs s’étant déjà orientés vers des ambiances plus expérimentales et cérébrales. Mais Living Human Treasure est un disque suffisamment solide, malgré un classicisme apparent, pour justement faire la différence avec les simples suiveurs. A l’image de « New Factory », certains titres semblent tout droit sortis d’une compilation Londonienne du début des années 80 où bretelles, cuir et Doc Martens s’affichaient sur les pochettes et dans les bars. Servis par une paire rythmique solide, une guitare inspirée et un chant passif agressif au bon parfum de fog, Italia 90 s’écarte néanmoins régulièrement des sentiers battus pour un Living Human Treasure marquant finalement aussi par sa diversité. Si le lien avec le reggae (« Does he Dream ? ») est un classique historique du genre, la durée d’un « Competition » ultra répétitif et entêtant, sur fond ininterrompu de nappe noisy, ou la rythmique plus complexe de « Golgotha » cassent les codes avec bonheur, tout comme le final « Harmony » kaléidoscope en brillante synthèse.  Souvent tendu, parfois brutal, ce premier album qu’on imagine bien revendicatif est une réussite qui on l’espère permettra au quatuor de prendre sa place  dans les références suivies.

 

 

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YO LA TENGO – This Stupid World

 

Dès les premières secondes de « Sinatra Drive Breakdown », votre serviteur poussait un soupir de soulagement. 5 ans après le terriblement mou et décevant There’s a Riot Going On, et 10 ans après Fade, dernier de leurs albums à m’avoir plu, Yo La Tengo revient aux affaires. Ah cette paire rythmique simplissime et métronomique par-dessus laquelle la guitare d’Ira Kaplan se lâche en délires saturés, comme elle nous avait manqué ! Retour immédiat dans les 90’s, avec ce single noisy pop qu’est « Fallout » rappelant les meilleures heures du trio, et ce chant toujours doux, qu’il accompagne les tempo les plus excités ou les ballades apaisées, souvent interprétées par Georgia Hubley, la batteuse. Un petit tour vers des terrains plus calmes mais toujours connus, mambo et mélodies sucrées, avant de remonter la pente du rock alternatif par la face My Bloody Valentine sur de longs titres pulsatoires (« this Stupid World ») ou vaguement electro (« Miles Away »). Est-ce qu’on a déjà entendu tout ca auparavant chez Yo La Tengo ? Bien sûr ! Est-ce qu’on en redemande ? Oh oui !!

 

 

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 The MURDER CAPITAL - Gigi's Recovery

 

Il m’avait fallu un bon moment pour saisir toute la richesse de When I Have Fears, premier album de the Murder Capital, avant que celui-ci ne devienne un incontournable de 2019 et de la scène Post Punk. Le quintet dublinois se particularisait d’ailleurs déjà par touches de la violence initiale du style avec une recherche sonore qu’ils ont largement accentué sur ce fort attendu successeur. Connaissant l’exigence de leur musique et captant sur Gigi’s Recovery quantité de trouvailles m’accrochant l’oreille, j’ai beaucoup insisté malgré ma déception initiale, mais force est de constater que the Murder Capital, s’il conserve une place à part dans la multitude de groupes ayant éclos dans le post punk contemporain, a perdu un peu trop d’énergie en route pour me convaincre complètement. En réalité, par ses rythmiques, sa production et sa mélancolie générale, Gigi’s Recovery évoque bien plus Radiohead que the Fall. Si quelques titres plus courts  apportent un peu de lumière, comme le quasi brit-pop « Only Good Things », l’ambiance de l’album - sons métalliques, voix grave, chant désolé et assèchement mélodique fréquent - est sombre, voire quasi gothique. L’intensification progressive de certains longs morceaux à la composition très travaillée prennent régulièrement l’auditeur aux tripes, comme sur un « Gigi’s Recovery » particulièrement poignant, mais il faut reconnaitre que cela ne marche pas à tous les coups, et que l’ennui s’invite parfois au détour d’un morne passage un peu trop monolithique. Souvent brillant (vif souvenir de l’écoute en avant-première de l’excellent « the Stars Will Leave Their Stage » sur la scène du VYV festival au printemps dernier), Gigi’s Recovery échoue à faire oublier un prédécesseur plus varié, mais confirme paradoxalement le talent d’un groupe à l’identité forte dont on attend impatiemment le futur coup de maitre.

 

 

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DON BOLO – Desde Mi Privilegio

 

Du hardcore Equatorien, il va sans dire que c’est une trouvaille signée la K7 de la vedette, groupe Facebook tenu par l’éminent Daniel Y. On pourrait passer rapidement sur Desde Mi Privilegio s’il n’était qu’une succession de titres pieds au plancher dont la seule originalité serait le chant en Espagnol, mais Don Bolo s’éclate à déployer une belle palette stylistique dans un bordel aléatoire. On reste globalement sur du beuglement et du high tempo (on parle quand même de 11 titres en 22 minutes), mais on se prendra dans la gueule des passages grindcore, heavy metal, hard rock ou punk dans des démonstrations volontiers caricaturales, pourvu que ce soit fun. Une bonne baffe récréative.

 

 

 

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Iggy POP - Every Loser

 

Le temps d’un « Frenzy », hard rock au gros son hyper efficace, on se prend à rêver d’un terrible retour en grâce d’Iggy Pop. Las, la suite est beaucoup plus inégale, et on ne sait sur quel pied danser tant les titres, orchestrés par un illustre inconnu (1), sonnent assez ringards mais restent toutefois nettement au-dessus de ce qu’a fait l’iguane depuis des années. Entouré d’une ribambelle de vieux briscards des 90’s (Chad Smith, Stone Gossard, Dave Navarro, ce pauvre Taylor Hawkins et ce cher et inévitable Duff McKagan), Every Loser enchaine les ballades et les rocks en cuir façon Alice Cooper (« Modern Day Rip-Off »), Iggy s’y autoparodiant avec jouissance en baragouinant ses sempiternels spoken words ou beuglant comme un jeunot sur du punk à roulette (« Neo Punk », dont on se demande si c’est une blague tant les paroles pourraient s’appliquer au chanteur lui-même). Surproduit, à l’interprétation évidemment millimétrée (vu les pointures c’est le minimum), Every Loser ne vole certes pas très haut mais offre quelques moments savoureux, rattrapant la déconvenue précédente.

 

(1)    Andrew Watt, qui semble toutefois être un producteur à la mode chez les vieux puisqu’il est aussi responsable du dernier album d’Ozzy Osbourne avec une partie de la même bande.