« Consider the birds of the air; they do not sow or reap or store away in barns, and yet your heavenly Father feeds them ». Ce verset du Sermon sur la Montagne, l’un des passages les plus importants des Evangiles, donne son titre au troisième album de Wovenhand. Empreint de ce mysticisme torturé qui marque au fer rouge les chansons de David Eugene Edwards, il en est selon moi le dernier chef d’œuvre, portant une palette de nuances d’instrumentations et d’intensité qui disparaitra progressivement pour laisser aujourd’hui place à une fatigante uniformité rock bourrine. Sur Consider the Birds, on a encore des titres dépouillés principalement habités de la voix profonde de DiEu (splendide folk « Chest of Drawers », ou le bien nommé « Into the Piano », point final hanté), des danses folkloriques fantomatiques, des coups de boutoir rock (magistral « Tin Finger ») et des percussions tribales. Sur ces histoires d’amours contrariées et de repentance flottent une tension permanente, même dans les pauses bourdonnantes attendant l’explosion d’une vengeance céleste, ou dans des rêves fiévreux semblant interminables. « Down under that Bed there runs a Flood, Half run in water half run in blood ». On pense à ces mariages ruraux de l’ancien temps, où la religion et les non-dits pèsent sur l’assemblée et la sexualité est taboue, amenant frustration, violence et contrition. Le désir et le diable se mêlent dans ces chansons, jusqu’à une certaine folie. Se hissant régulièrement à la hauteur de la discographie de 16 Horsepower, Consider the Birds reste mon album favori de Wovenhand et j’y reviens très régulièrement.
Promenade, quel titre parfaitement adapté à un album de the Divine Comedy ! En particulier celui-ci, gorgé de pop rock sautillante aux orchestrations pas trop excessives, auxquelles on a toujours envie d’accoler l’adjectif « printanières ». On y croise ces mélodies rapides au piano ou cordes qui évoqueraient un Yann Tiersen Britannique, avec flegme et dandysme caractéristiques. On se souvient d’ailleurs de la participation de Neil Hannon à l’exceptionnelle Black Session de notre musicien breton fétiche, sur un « Geronimo » qu’on retrouve avec plaisir sur Promenade, ou sur la belle reprise du « Life on Mars » de Bowie. Tout ceci est très cohérent. De longues intro instrumentales lorgnant vers la musique de chambre en rock élégant, en passant par des ballades de crooner au piano, nous voilà parvenu au terme de ce demi album retenu à cet allegro virevoltant, « Tonight we fly », conclusion en forme de synthèse et au revoir idéal pour cet rubrique à un artiste atypique, attachant à défaut d’être suffisamment écorché pour figurer dans ma discographie autrement que par l’intru Regeneration.
Un dernier tour de Pulp avec cette compilation qui sent l’imbroglio producto-juridique : à priori lors d’un interim entre deux labels (1992-1993) Pulp a sorti juste 3 singles chez Gift Records, qui ont ensuite été regroupés avec leurs B-Sides par leur nouvelle maison de disque Islands sur ce Intro. The Gift Recordings. Je n’en avais retenu que 3 extraits, dans un style rock psyché entrainant qui m’a évoqué le début des Dandy Warhols. Rien à dire de plus mis à part que j’ai trouvé ce court extrait fort sympathique.
Après toutes ces tentatives pour trouver mon album de R.E.M, il était normal que j’emprunte leur nouveauté en cette année 2004, Around the Sun. C’est un album à forte teneur acoustique, des ballades avec guitare folk, un peu de piano, une paire rythmique minimaliste et toujours l’inimitable voix de Michael Stipe. Et donc, comme je m’en suis progressivement rendu compte, plutôt le versant du groupe que j’apprécie. Il n’aurait d’ailleurs pas été si absurde que Around the Sun devienne mon favori, là où un grand fan et connaisseur comme mon ami Julien considère qu’on y trouve les premiers signes d’une baisse de régime. En réalité, ce serait fort exagéré puisque je n’avais retenu qu’une moitié d’album et que j’y trouve encore quelques compos pas vraiment terribles (« Wanderlust »). Reste que des chansons comme « Leaving New York » ou le final « Around the Sun », portée par le très beau chant de Stipe, démontrent qu’après 20 ans d’activité et 13 albums R.E.M reste encore un groupe digne et pertinent.
Je dis toujours que j’aime pas le jazz et que je préférerais être sourd plutôt qu’en écouter mais c’est pas vrai. En fait ce que j’aime pas c’est le jazz démonstratif, le jazz savant, le jazz constipé. Mais le festif type New Orleans, ça c’est cool. Ou le feutré, celui du Chat qui Pêche, rue de la Huchette (1), tout en clarinettes, piano, contrebasse et balais frottant la caisse claire. Celui de ‘Neither Here…’, première face du Cuckooland, enfumée et mystérieuse, dans laquelle flotte la voix aigüe de Robert Wyatt, chant erratique comme s’il s’agissait d’un instrument unique et libre. Dans les vapeurs d’alcool et de sueur une trompette larmoyante, un piano qui s’autorise quelques notes guillerettes, vite rappelé à l’ordre par un accordéon (forcément) triste. Il y a du Bowie période Berlinoise dans l’air, on s’y sent merveilleusement bien. Un silence et ‘…Nor There’, deuxième face, qui ouvre grand les portes. Le port nous attend, on se bouge sur le groovy « Trickle Down » et sa contrebasse sautillante avant d’embarquer pour un tour du monde de la torpeur. C’est Bluesy et Ambient, avec des claviers lancinants et toujours cette voix qui s’échappe, ou qui raconte en litanie des histoires de bombe nucléaire et de prisonniers célèbres (magnifique « Foreign Accents »), avant d’échouer en Palestine pour un instrumental si loin et si proche du point de départ, cette « Old Europe ». Un album fascinant que j’ai finalement préféré au grand classique Rock Bottom.
(1) ces deux phrases du disque, et uniquement celles-ci, sont restées pour une raison inexpliquée gravées dans ma mémoire depuis 20 ans, je me les chantonne régulièrement.
Des albums de l’âge d’or de Ryan Adams, il ne restait que ce Rock N Roll à chroniquer, et c’est donc à cet épisode que nous allons quitter notre cher songwritter Américain. Non sans laisser la parole à un de ses plus fervents spécialistes qui se trouve être lecteur de mon blog, ce qui est un coup de chance inespéré tant les fans français de Ryan ne courent pas le web. Thomas, puisque c’est de lui dont il s’agit, répondait à mon interrogation en épisode # 209 sur la sortie initiale de Love is Hell en deux EPs, commentaire portant un éclairage savoureux sur ce Rock N Roll. Je le cite : « Concernant la parution de Love Is Hell en deux EPs, il y a en réalité une logique très simple qui est que le label a refusé de sortir l'album. A l'époque Adams est en pleine bourre et Lost Highway veut capitaliser sur le succès de Gold et de Demolition (qui s'est moins bien vendu dans l'absolu mais dont "Nuclear" a pas mal cartonné), on lui demande donc littéralement de publier "un truc plus commercial". Il accepte à condition de publier quand même Love Is Hell sous forme d'EPs et tu connais je pense la suite : il prend la demande du label au pied de la lettre en sortant l'ineffable Rock'n'Roll (le même jour que Love Is Hell, pt. I). Ce sera réédité plus tard en version "intégrale" une fois que Lost Highway aura eu le temps de réaliser que les critiques de Love Is Hell étaient dix fois meilleures et que ce truc à petit tirage sur lequel ils ne misaient pas un centime était en train de devenir un best-seller... sur les sites de p2p. »
Ainsi donc Rock N Roll a été spécialement écrit pour être mainstream et on ne s’étonnera pas que c’est donc… un de mes Ryan Adams favori. Plus encore, le single « So Alive », tube de rock FM mélodique porté par un chant de bellâtre à faire se pâmer les midinettes est un titre que j’adore et dont je ne me suis jamais lassé. Ce n’est pas un cas unique de ce style sur l’album, citons « Luminol » ou même « Hypnotixed » qui se paye le luxe d’être une bonus track pour le marché Européen. Pour le reste, l’album porte bien son nom, naviguant entre du pur garage où Ryan sort sa plus belle voix éraillée, du pop rock aux vagues parfums glam, des titres plus appuyés flirtant avec le metal et de la power pop mélodique évoquant le Radiohead de the Bends (« Anybody wanna take me home »). Bref des compostions alliant arpèges, tempo rapide et chant mélancolique, soit donc la quintessence de ce que j’ai toujours aimé. Ce sacré Ryan s’offre toutefois une bonne blague en intitulant « Rock N Roll » la seule ballade du disque (très joli titre piano/voix au demeurant) (1). Avec le doublé Love is Hell / Rock N Roll, 2003 reste sa dernière grande année, mais sa prolifique carrière ( euphémisme, rien qu’en 2024 il a sorti 5 albums (2)), si elle est difficile à suivre intégralement, recèle bien des joyaux, malheureusement très difficiles à savourer autrement qu’en streaming depuis la révélation que Ryan Adams n’était pas seulement un songwritter extrêmement doué mais aussi un gros con.
(1) et que penser de la pochette alternative du Vinyle ? bref, je suppose que ces trucs trop gros pour être vrais sont des messages parfaitement réfléchis, mais seul un Adamsologue expert pourrait éclairer ma lanterne.
(2) Edit: le 6eme est sorti le temps de publier cette chronique
On continue tranquillement la discographie de Pulp avec un troisième album complètement barge, retenu seulement pour moitié sur cette cassette. Le début de Separations évoque les alternances de son prédécesseur, avec un « Love is Blind » très Bowie glam aux refrains éclatants suivi de « Separations » à l’ambiance menaçante, chant tragique sur fond de violons obsédants. Mais les sons électroniques et les claviers 80’s vont ensuite envahir les pistes, pour de l’Electro-Danse théâtrale flirtant avec le disco (« Death II »). Cela aurait pu être fun et intéressant mais les compositions sont interminables et on s’ennuie régulièrement. Je suis assez curieux de savoir comment le disque a été accueilli à l’époque et ce qu’en pensent les fans de Different Class ou This is Hardcore….
Un jour je consacrerais un article à Howe Gelb, ce musicien mythique, qui enregistra une quantité astronomique de disques aux quatre coins du globe, en solo ou avec son groupe protéiforme Giant Sand. Je ne sais plus pour quelle raison Howe atterrit au Danemark, pianotant à droite et à gauche, finissant par s’acoquiner avec la scène locale, prolongeant indéfiniment son séjour jusqu’à se marier avec une Danoise. C’est cette mouture du groupe qui en 2004 sort le bien nommé Is all over the Map, aussi foutraque que la discographie du vieux roublard américain. On y trouve du folk déglingué, du rock indé saturé, les deux pouvant être bardés de solos noise erratiques surgissant par surprise. Du blues, du piano bar de fin de soirée bien chargée, des petites pièces mélancoliques comme de la country marrante. Ressurgit dans une nouvelle version le splendide « Cracklin Water » autrefois découvert sur l’indispensable unique album d’OP8, et pourquoi pas deux versions du titre « Classico » (qui deviendra bien un classique du groupe), dont une avec Vic Chesnutt. Et puis une reprise à l’arrache du « Anarchy in the UK » des Pistols avec sa fille au chant, entre deux p’tits blues peinards. On y croise d’autres grands noms du rock indé, au gré des soirées, on est comme avec des potes qui jamment pour le plaisir, sans vraiment avoir l’impression de faire un album. C’est tout aussi agréable que perturbant, c’est un exercice de lâcher prise auquel nous sommes invités, en habitués du bonhomme. Un jour ces chansons ressortiront sous une forme ou une autre, en Espagne, à Tucson ou à Paris. Sous son chapeau Howe Gelb nous lancera un regard amusé, et, un sourire en coin, nous raconteras une histoire de musicien voyageur sans qu’on sache la part de vérité et de légende, avant d’attaquer de sa voix grave et inimitable un standard ou une chanson oubliée de tous.
Dernier contact avec Tanya Donelly, co-fondatrice des (excusez du peu) rrrock girlzzz bands Throwing Muses et Breeders, qui s’est assagie au fil des années au point de proposer en 2004 un 3eme album solo extrêmement dépouillé, uniquement composé de ballades toutes en guitares, piano et chant aigu reconnaissable entre mille. Whiskey Tango Ghosts, que j’avais retenu intégralement à l’époque, est d’une belle cohérence mais n’évite pas l’écueil de l’ennui par moments, manquants sur la longueur d’un peu de tripes. On préfèrera cependant en retenir la douceur générale et les éclats réguliers de jolies chansons telles « Whiskey Tango », « Butterfly Thing », « My Life is a Ghost » ou « Fallout ».
J’ai toujours de l’admiration pour ceux qui en musique parviennent à l’épure, qui à partir d’éléments minimalistes et assez communs parviennent à un style à la fois marquant et personnel. C’est dans la composition quelque chose de difficile à atteindre, et s’il se trouve pas mal d’artistes rock ou folk de cette trempe dans ma discothèque, c’est beaucoup plus rare pour l’electro. Lali Puna en fait partie avec son deuxième album Scary World Theory, déroulant avec boite à rythme et claviers downtempo une bande son contemplative qui par un subtil équilibre provoque l’évasion plus que l’ennui. Le chant doux et rare, parfois récitatif, accompagne discrètement ces bidouillages charmants s’autorisant parfois quelques virées plus pop. Moins modeste qu’il n’y parait, Scary World Theory préfigure une ambiance electro lo-fi qu’on retrouvera régulièrement dans la première décennie du millénaire et qui manque un peu à notre époque, musicalement plus agressive.
Le 21 Octobre 2003, Elliott Smith meurt dans des circonstances troubles qui ne sont pas sans rappeler celles de Johnny Thunders ou Nancy Spungen. Si le songwritter américain était aussi camé que ces punks sa musique était évidemment aux antipodes, emprunte d’une beauté mystérieuse, certains diraient géniale. Après les atermoiements et batailles juridiques et artistiques habituelles suivant le décès d’un musicien célèbre encore en activité, sort en 2004 From A Basement on the Hill, assemblage d’une quinzaine de compositions sur lesquelles Elliott Smith travaillait à l’époque. On y retrouve toute sa délicatesse, entre folk lumineux et pop rock toujours tournée vers les Beatles, Elliott Smith étant sans doute un des rares à avoir touché leur talent, de ses harmonies vocales ou ses parties mélodiques de piano et guitare. Si le chant était souvent doux et triste, il n’était jamais misérable, ne laissant entrevoir les tourments de son auteur que par des textes parfois bien sombres. Les maisons de disques trouveront de quoi exploiter une dernière fois les enregistrements non publiés d’Elliott Smith sur une double compilation en 2007 avant de laisser les fans, dont je ne sus jamais être, se consoler avec les 5 disques parus de son vivant et ce From A Basement on the Hill posthume.
Dernière pièce manquante alors à mon intégrale Yo La Tengo, cette copieuse compilation regroupant des inédits de la première décennie du groupe, celle d’avant le chef d’œuvre I Can Hear the Heart Beating as One mais qui contient déjà, comme on l’a régulièrement vu en cette rubrique, d’excellents albums. Genius + Love = Yo La Tengo est organisé en deux disques distincts, le premier vocal et le deuxième instrumental. Dans le premier CD, on retrouve tout l’éclectisme du trio, naviguant de la pop légère avec de fréquentes allusions directes ou indirectes au Velvet Underground (Georgia est alors au chant) jusqu’au punk agressif et saturé des débuts, en passant par le Krautrock hypnotique caractéristique du groupe. Pour la partie instrumentale, hormis une reprise façon surf music du « Blitzkrieg Bop » des Ramones, on reste dans les titres ultra répétitifs et lents qui s’étalent sur trois notes de basse ou deux accords, agrémenté de quelques larsens, mélodies de guitare ou basse continue d’orgue. Des compositions assez fascinantes que j’ai toujours apprécié chez Yo La Tengo – leurs albums des 90’s se terminaient souvent de cette manière – même si j’avais quand même coupé le « Sunsquashed » final (relégué en cassette suivante pour cause de durée indécente) au bout de 15 mn sur les 26 totales.
Le leader de James and the Cold Gun salue avec enthousiasme le public du Trianon. Son groupe vient d’exécuter un court set lorgnant fortement sur le proto grunge de Seattle, quand il était encore bien marqué par le metal. Ils ont coché toutes les cases, le guitariste soliste aux cheveux très longs, la jolie bassiste blond platine, le cogneur tatoué derrière les futs et le beau gosse ténébreux au micro, encore refait d’être subitement passé des bars de Cardiff à la première partie de Duff McKagan, modèle à l’influence revendiquée dont il a imité l’entrée en scène aux lunettes noires et les adresses à la fosse, confessions de déprime sauvée par la musique incluses. Une première partie énergique, bien foutue et sympa, mais qu’on ne peut s’empêcher de trouver un peu ringarde, comme d’un autre temps. Celui de mes 16 ans, quand j’écoutais en boucle le premier album solo de mon virtuel grand frère, bassiste de mon groupe favori sur le point d’imploser. Un Believe in Me aussi chaotique que la vie d’alors de son auteur, celle d’un alcoolique aux humeurs en dents de scie, entre envie de castagne et blues du soir, flamboyance de rock star et solitude désespérée, disque dont nous n’entendrons bien sur aucun extrait ce soir.
Car 30 ans ont passé, et Duff McKagan a fort heureusement changé, même s’il endosse encore son déguisement de hard rocker pour jouer dans des stades avec ses vieux collaborateurs des Guns N’Roses. Le Duff authentique rentre sur scène en chemise blanche et costard, et il a une classe folle. C’est pour lui que j’ai fait le couteux déplacement à Paris, dans ce théâtre aux décors aussi patinés et rayonnants que le visage d’un artiste qui ne compte guère que pour moi - mes rares potes qui tolèrent les Guns n’en ont pas grand-chose à faire, et même à Paris la salle est loin d’être blindée. J’ai vieilli avec Duff, et si nos vies sont évidemment fort différentes elles comptent désormais quelques points communs, dont celui d’avoir deux filles dont nous sommes immensément fiers et un mariage solide de plus de vingt ans. Le fringuant soixantenaire ne manquera pas de remercier son épouse Susan (à qui nombre de ses chansons sont dédiées), phare qui l’a sorti des ténèbres de son existence, qui lui indique la route à suivre, et allégorie donnant son titre à l’album Lighthouse sorti l’année dernière et défendu lors de cette tournée. Cette lumière (tout comme la tendresse de son album précédent), Duff veut la partager avec le plus grand nombre, et ce sera le leitmotiv de son set et de ses nombreuses interventions. Volubile, attentionné, chaleureux, il partagera anecdotes (1) et dialogues bienveillants avec, en bon père de famille, une attention particulière pour les nombreux gamins présents dans la fosse (2) dont il demandera le prénom avant de les faire acclamer par le public, leur réservant un petit cadeau personnel à la fin du concert. Tout ceci se fait avec beaucoup de naturel, et l’on repartira de la salle vraiment avec du baume au cœur, en ayant tous chanté à tue-tête la reprise du « Heroes » de Bowie qui convenait idéalement à la soirée.
Coté musique, le concert est logiquement à l’avenant, c’est-à-dire composé en grande partie de ballades plus ou moins appuyées, d’ailleurs Duff passera la majorité du set avec une guitare acoustique. Pour l’entourer, un batteur discret, un bassiste au gros bras tatoués qui assurera aussi les choeurs, et deux virtuoses qui se partageront des solos de guitare dans l’esprit de ceux de Slash (le guitariste de gauche alternait avec des claviers). On n’évite pas quelques rares passages mièvres (« Fallen »), mais les chansons calmes furent surtout très émouvantes - « I Just don’t Know », « Feel », « Tenderness » que j’attendais particulièrement ou l’hommage à ce cher Johnny Thunders que j’étais très heureux de retrouver au menu. Les titres plus enlevés (« Chip Away », « I Saw God on 10th Street », « Longfeather ») fonctionnent très bien, ils sont judicieusement dispersés dans la setlist pour la dynamiser régulièrement et le groupe y montre une technique et un son particulièrement précis. Duff McKagan avait sans surprise réservé une petite partie du set au punk cher à son cœur, avec outre la compo « Just another Shakedown » et sa savoureuse basse les classiques références aux Stooges et au Clash et un « You’re Crazy » particulièrement avoiné, unique reprise des Guns de la soirée qui aura évidemment été fort appréciée et beuglée par le public.
Grand frisson final, « Don’t Look Behind you » est prolongé de manière très rock par le groupe qui se lâche avec jubilation tandis que Duff serre les mains des premiers rangs sous les acclamations et dédicace sans tergiverser les différents objets qui lui sont tendus (dont un vinyle bootleg des Guns). Il n’y a pas vraiment de rappel, car le groupe vient immédiatement se replacer avec 4 mn chrono octroyées par l’organisation. S'en suit un « Falling Down » un peu maladroit qui vaudra surtout par l’envie qu’aura montré Duff McKagan de profiter jusqu’au bout de la scène et du public du Trianon.
Si Duff n’est pas un immense chanteur, il a assuré tout du long avec ce mélange d’humanité et de rock star attitude qui font mes modèles. Un beau concert qui m’a pleinement apporté ce que j’attendais, et ce dont le monde manque si cruellement en ce moment : A Little Tenderness is what we need.
(1) La plus marrante étant sa déception de constater, après 7 mois de duolingo intensif avec sa femme, qu’il avait été incapable de saisir un traitre mot de la première conversation qu’il avait eu en Français lors de leur voyage. De conclure que duolingo c’était vraiment de la merde (je confirme, j’ai fait un an d’espagnol avec Mélaine).
(2) le public étant, sans surprise, d’un certain âge, beaucoup étaient venus avec leurs enfants, ce qui est toujours un bon plan pour récupérer de précieux souvenirs.
Setlist : Forgiveness - Chip Away - This Is the Song - I Saw God on 10th St. – Tenderness – Feel - Holy Water - I Wanna Be Your Dog - I Just Don’t Know - Fallen Ones – Fallen - Wasted Heart – Longfeather - Just Another Shakedown - I Fought the Law - You're Crazy – Lighthouse - You Can't Put Your Arms Around a Memory / Heroes - Don't Look Behind You // Falling Down
La journée commence aux Sablons, ce qui nous donne l’occasion de revoir notre petite place favorite cette fois sous un beau soleil, et plus précisément au café Le Pain Quotidien pour un savoureux petit déj. C’est clairement un lieu bobo, avec carte à moitié vegan et café à 4 euros, mais c’est tellement bon et on s’y sent tellement bien que ça deviendra notre QG pour le restant du séjour. Coup de bol d’avoir beau temps puisque nous avions prévu de commencer par un tour au Marché aux Puces du quartier Marolles (place du Jeu de Balles), institution connue notamment pour avoir été représentée par Hergé, lorsque Tintin y trouve une maquette de la Licorne. C’est un savoureux mélange d’antiquaires professionnels et de vide grenier à l’arrache où chaque stand est susceptible de présenter un truc surprenant ou amusant. On y trouve des objets pour les collectionneurs de Tintin assez anodins et ultra chers (attrape touriste quoi) mais aussi quantité de cartons posés à même le sol et pas trié, semblant avoir été récupérés dans des maisons suite au décès du propriétaire. Clairement là où les fouineurs pro pourraient trouver de bonnes affaires, reste que cela fait très bizarre de voir des vies entières ainsi bradées au public, vêtements, courriers et albums de photo de vacances ou mariage compris.
Le but de l’après-midi est une balade dans le quartier du Châtelain qui abrite un grand nombre d’exceptionnels immeubles et bâtiments de style Art Nouveau, dont nous avons déjà eu quelques aperçus lors de nos promenades précédentes et qui me semble la vraie caractéristique de la ville de Bruxelles. Repassant devant la porte de Hal, nous parcourons d’abord la rue Vandershrick quasi entièrement constituées d’immeubles du style, mais qui donne une impression de décrépitude un peu malheureuse (beaucoup semblent abandonnés), remontons Place Saint Gilles dont les nombreux tags et drapeaux palestiniens aux fenêtres indique un quartier d’extrême gauche bien militant et parvenons à proximité du Musée Horta, notre premier objectif. Victor Horta est le célèbre architecte de l’Art Nouveau Bruxellois, et sa maison / atelier se visite mais les places sont limitées et, comme nous n’avons pas réservé, nous en sommes quitte pour n’en voir que la façade qui ne paye pas de mine contrairement à un intérieur parait-il assez incroyable. Mélaine a programmé un petit parcours avec une dizaine de point d’intérêt conseillé par nos guides et, dans un quartier étrangement désert pour un samedi nous prenons plaisir à marcher tête en l’air à la découverte des frises, vitraux, balcons en fer forgés, grandes fenêtres rondes, façades en briques aux sommets triangulaire parfois surmontés de statues étranges, et surtout ces verrières incroyables qui s’avancent au-dessus des trottoirs comme pour mieux absorber le maximum de lumière (en plus gros coup de bol à l’énorme averse que nous avons vu tomber bien au chaud dans le café où l’on a déjeuné a succédé un superbe ciel bleu). Chaque façade est unique et nous passons de longs moments d’observation et de photographies pour ce qui est sans doute la partie la plus mémorable de notre séjour.
Nous allons ensuite sur la Grand Place historique que nous avons le plaisir de voir cette fois sous un bel ensoleillement et sans la gênante grande scène enfin démontée. Sympathique petite pause à La Mort Subite, bar conservé dans son esthétisme et son ambiance début 20eme (mais tarifs touristiques), puis nous remontons vers notre hôtel pour dîner au Volle Gas, sorte d’institution façon Brasserie Georges (en plus petit quand même) qui sert des plats traditionnels à toute heure. Le quartier où il se trouve (Chaussée d’Ixelles notamment) est peu intéressant, rues commerciales et magasins comme on en trouve dans toutes les grandes villes.
DIMANCHE
Parmi les nombreuses surprises sur lesquelles on peut tomber par hasard à Bruxelles, figurent les murs peints mettant à l’honneur des personnages de Bds. Nous en avions bien sur déjà vu plusieurs, mais pour occuper cette dernière journée écourtée par un départ en train à 18h, Mélaine avait concocté un nouveau parcours à la recherche de ces pans de mur peints. L’exhaustivité n’était pas de mise, vu leur nombre et leur dispersion, mais nos pas devaient nous mener dans des quartiers que nous n’avions pas encore parcouru, ce qui s’est avéré bien intéressant. Pour atteindre Corto Maltese, nous passons une nouvelle fois devant le Manneken Pis, qui a changé de costume. Il arbore celui d’une confrérie dont les membres, costumés, distribuent gratos des pintes de bière aux touristes ravis, au son d’une joyeuse fanfare : excellent.
Après une bonne marche nous atteignons donc les Quais des péniches où un immense mur est consacré au personnage d’Hugo Pratt. Le quartier Yser m’a beaucoup fait penser aux Confluences d’il y a quelques années, avec d’anciens bâtiments industriels déshérités et des chantiers gigantesques de réhabilitation de hangars, mais aussi quelques immeubles tout neufs. En descendant vers le quartier Sainte Catherine, beaucoup d’endroits assez crades et de misère visible, avec même un regroupement d’improbables HLM condamnés, mais on en perçoit tout le potentiel d’autant que c’est juste derrière le quartier historique touristique, bref si j’étais investisseur je tenterais ma chance. Marchant dans des rues aux noms évoquant le passé ouvrier du coin (boulevard de l’abattoir, rue des fabriques, rue de la poudrière…), nous tombons aussi sur des lieux fantastiques, comme la Tour à Plomb et sa cheminée en brique (aujourd’hui centre culturel) dont l’entrée s’orne de tous les personnages scénarisés par Zidrou (Ducobu, Leonard, Tamara…). Notre grande promenade dans un Bruxelles authentique passe devant la statue du chien qui pisse (placée là pour attirer les touristes dans un lieu où ils n’ont aucune raison d’aller) et s’arrête à Noordzee pour un déjeuner maritime. Touristes et Belges se mélangent sur les tables hautes installées sur la place tandis que les cuistots font les fritures ou soupe de poissons qu’ils servent ensuite en gueulant le prénom du client jusqu’à ce qu’il se signale. Hyper sympa, et tout est tentant (moules, huîtres, calmar ….) mais nous essayons les traditionnelles croquettes de crevettes grise avec un bon verre de vin blanc. Une superbe manière de terminer mon séjour !
En remontant vers l’hôtel on trouve encore des choses loupées précédemment, comme les jolies Halles St Gery et c’est sur les fresques de Lucky Luke et Asterix que nous quitterons Bruxelles, qui avant d’être la ville de la Bd ou de la bière est celle des Antiquaires et de l’Art Nouveau.
Bières: pas trop en forme, je suis resté dans mon domaine de prédilection, la bière Blonde pas trop forte (6-7 degrés). J'ai pu tester la Brasserie du Renard, La Cambre, La Victoria et (un peu à part) La Mort Subite.
Spécialités culinaires: Mélaine et moi avons testé (et apprécié) Moules-frites, gratin de Chicons, Boulettes de Viande, Stoemp (purée aux légumes), Bloempanch (boudin noir sauce bière), Lapin à la bière, Vol au vent, Croquettes de crevettes grise. En revanche on a pas goutté aux Gauffres (bouh !) et aucune Frite ne m'a paru spécialement bonne par rapport à Lyon....
Pendant quelques années nous avions pris l’habitude avec Mélaine de partir une petite semaine ensemble hors vacances scolaires, le plus souvent dans une capitale européenne, bouffée d’air indispensable pour le couple lorsqu’on a 3 enfants et des boulots bien prenants. Le Covid a stoppé la tradition que nous avons laissée de côté avant que la vie nous rappelle que ce n’était pas vraiment une option. Après une rentrée assez hard, nous avions donc décidé un peu sur un coup de tête, un peu sur conseils de plusieurs amis, d’un séjour en Belgique : un coup du sort m’aura fait rentrer avant de voir Bruges, mais nous aurons pu largement profiter de Bruxelles, avec un départ le jeudi matin et un retour le dimanche après-midi. Les trajets se sont faits en train direct Lyon-Bruxelles, ce qui est tout autant pratique que reposant. Pour une fois je n’avais quasiment rien préparé d’avance, Mélaine un peu plus mais nous nous en sommes remis aux guides (Cartoville et Geo) et au hasard, aussi cet article sera certainement moins structuré et personnel que ceux dédiés à Rome ou Berlin, par exemple.
JEUDI
Nous arrivons en gare de Bruxelles Midi et passons devant l’impressionnante Porte de Hal, dernier vestige du mur d’enceinte Médiéval de la ville, pour rejoindre notre Hôtel qui est situé sur la grosse Avenue de la Toison d’Or, près du métro Louise. C’est assez bien placé (nous ferons toutes nos visites à pied) mais bruyant, surtout au début. Il faut dire que nous étions par hasard dans la capitale Belge en même temps que le Pape, aussi les deux premiers jours (et la première nuit) furent un incessant ballet de voitures officielles toutes sirènes dehors et d’hélicoptères. La ville sera heureusement bien plus calme par la suite, et nous serons autant surpris qu’enchanté de la politesse des locaux qui, vélo, trottinette ou auto s’arrêtent systématiquement pour faire passer les piétons. Mais il est déjà temps de manger, et nous filons au Renard Bleu, atypique petit restau où la carte est crayonnée suivant les arrivages et la musique diffusée sur une platine vinyle à disposition des clients. Première bière et inévitables moules-frites (gratin de chicons pour Mel), l’ambiance est bonne et le patron, un baroudeur grande gueule qui se flatte de n’avoir ni congélateur ni micro-onde nous régale de ses anecdotes et de quelques coups à boire bonus (malheureusement quand il dévie sur la politique, c’est moins fun). Bref je ressors déjà avec l’estomac en vrac, va falloir que je lève vite le pied si je veux tenir la distance. A noter quasiment en face du Renard Bleu le meilleur magasin de Vinyles de Bruxelles, Circle Story, pas très grand mais bien fourni et des prix pas vus depuis bien longtemps en France.
Nous nous dirigeons vers le centre historique, passant devant notre premier mur peint Bd (Quick et Flupke) et nos premières jolies façades en brique, avant d’atteindre le Manneken Pis, ridiculement affublé d’une combinaison de ski. Direction la Grand Place, intégralement ceinte sur ses quatre côtés de bâtiments magnifiques, notamment l’Hôtel de Ville, ses innombrables sculptures et sa tour centrale et la Maison du Roi, comme ciselée dans de la pierre noire. Nous ne pouvons cependant pas profiter pleinement de l’espace car une immense scène occupe le devant de l’Hôtel de Ville : le lendemain (27 septembre) est le jour de la Wallonie (férié) et un concert gratuit aura lieu (Clara Luciani et une cohorte de Star Académiciens, ça se fera sans moi…). On poursuit dans le secteur le plus touristique de la ville avec les Galeries Royales Saint-Hubert, grand passage couvert d’une magnifique verrière abritant des magasins luxueux qui n’en reste pas moins très agréable, avec cette impression de voyage dans le temps à la Belle Epoque. Un petit tour dans les ruelles historiques pour voir la Zinneke Pis, pendant féminin de la plus célèbre statue belge, arrêt dans une petite galerie littéraire moins tape à l’œil mais charmante et retour à l’hôtel pour un peu de repos. Nous dinons au restaurant Les Brassins, carte traditionnelle, ambiance très sympathique et murs tapissés d’enseignes de bières.
VENDREDI
Petit dej copieux à La Fabrique en Ville, café occupant l’ancienne Orangerie complètement réhabilitée dans un joli jardin, endroit isolé et chaleureux qui propose des pâtisseries et brunchs fait maison (c’est pas donné mais tout fait envie). Nous allons ensuite à ce qui restera mon endroit préféré de Bruxelles, la Place du Petit Sablon. Un élégant petit jardin bien fleuri et arboré, aux escaliers bordés de statues menant à une grande fontaine centrale, mais dont l’intérêt principal consiste en une grille de fer forgée reliant 48 colonnes blanches espacées de 2 m environ, chacune portant une statue en bronze. Chaque colonne a des motifs différents, chaque statue figure un métier différent de manière très expressive, et on pourrait passer des heures à observer les détails du tanneur, tonnelier, marchand de vin ou horloger, où à s’interroger sur tel personnage portant un outil ou un vêtement non identifié. Juste à côté, la grande Eglise Notre Dame du Sablon, de style gothique, vaut aussi largement la visite. L’intérieur est impressionnant et assez original, avec ses chapelles baroques, ses vitraux et fresques aux multiples blasons, et ses œuvres d’art (nous avons même pu assister en direct à la délicate restauration de l’une d’entre elles).
Nous nous rendons ensuite à la Place Royale, gigantesque chantier bardé de monuments classiques (Palais Royal, Musées) pas très beaux, puis redescendons vers le Musée des Instruments de Musique. Nous ne prenons pas le temps de le visiter (ça doit valoir le coup, et nous l’aurions peut-être fait si la météo avait vraiment été mauvaise) en revanche on admire longuement sa belle façade ornée de ferronneries, verrières et partitions originales. Manque de bol l’ascenseur permettant d’atteindre une terrasse avec vue sur la ville est fermé, nous allons donc sur l’esplanade dominant le jardin du Mont des Arts pour en avoir un aperçu. Cela dit Bruxelles n’est pas franchement belle à regarder de haut, on en savoure plutôt la spécificité en se baladant le nez en l’air dans les rues, qui réservent même dans les quartiers les plus vétustes de belles surprises, comme on le verra plus tard. De l’autre côté de cette esplanade se trouve un magnifique bâtiment avec enseignes d’époque en enluminures dorées et cadran solaire, l’Hôtel Ravenstein, dont la cour intérieure toute en brique est remarquable (on se croirait dans Harry Potter ou dans un jeu video d’aventure).
Nous remontons ensuite pour la visite du Musée Magritte, que j’ai trouvé très bien conçue. Organisée de manière chronologique avec pas mal de petits films montrant photos d’époque et explication des amitiés et activités du peintre, l’exposition permet de bien comprendre son parcours sans être trop bavarde. Mélaine a plus apprécié sa période impressionniste mais surtout, en digne orthophoniste, ses réflexions sur le langage, les mots et les images, qui aboutiront à certaines de ses œuvres les plus célèbres, dont le fameux « Ceci n’est pas une pipe ». J’aime plus pour ma part ses œuvres oniriques, cieux, femmes, oiseaux et objets curieusement mélangés. Bon il a aussi fait des trucs pas terribles, comme son affreuse période « Pieds Nickelés ». A noter que pas mal de ses tableaux prêtés à divers Musées étaient remplacés par ceux d’une artiste contemporaine fan de Magritte, Emily Mae Smith, obsédée par les balais vivants de l’Apprenti Sorcier de Disney. Après deux bonnes heures passées au Musée, nous déjeunons sur le pouce, prenons un peu de repos et nous séparons pour une séance shopping du côté du centre historique.
Lieu de perdition pour moi, la Rue du Midi concentre un nombre impressionnant de magasins où faire cramer la carte bleue, j’y reviendrais donc régulièrement pendant le séjour. Coté BD tout d’abord, Le Dépôt, avec des éditions limitées ou dédicacées et une surface gigantesque dédiée aux occasions. A noter cependant que ce magasin, à l’instar de ses confrères Bruxellois, privilégie les séries et les grosses maisons d’édition plutôt que les one shot indépendants qui ont ma préférence. Pas loin, Evasions propose des Bds, vinyles, livres, jeux d’occasion sur deux grands étages, les prix sont attractifs. Pour les Vinyles, entre le Veals & Geek (plus cher), le Hors-Série et 72 Records (plus spécialisé dans le punk/hardcore), il y a de quoi faire ! Avec tout ça c’est l’heure de diner et nous nous rendons Au Stekerlapatte, Brasserie retro au menu hyper typique où je tente le Bloempanch et Mélaine le Stoemp.
Décidément, Beck est surprenant ! Nous l’avions quitté il y a pas si longtemps sur un Mutations assez chiant, qui me semblait une transition tâtonnante entre l’inventif et explosif Odelay et le splendide folk dépressif Sea Change. Sauf qu’entre les deux se niche ce Midnite Vultures, et là il n’y a plus rien de logique : l’esprit est festif baveux (à l’image de cette pochette atroce), plein de funk, d’énergie, de bidouillages électroniques, de grands écarts entre dance et folk, entre rock et hip hop. On retrouve le Beck foutraque, mais avec cette impression indéfinissable de foutraque de synthèse, comme si une armée de producteurs avaient savamment disséqué le début de carrière du trublion Californien pour en reproduire l’esprit originel aujourd’hui disparu chez celui-ci. Finalement, comme très souvent, une seule chose pouvait ramener l’artiste dans le droit chemin : un bon vieux chagrin d’amour. Après Sea Change, je picorerais de plus en plus écœuré dans la discographie de Beck, en suivant une chute progressive dans l’enfer de la ripolinisation jusqu’à le croiser dans un festival pour l’un des pires concerts que mes oreilles durent subir dans leur demi-siècle d’existence.
Nous avions rencontrés Lali Puna en épisode # 208 pour leur troisième album, et j’avais de manière un peu rapide évoqué le lien qu’ils avaient avec Radiohead, lorsque Thom Yorke les avait cités comme groupe qu’il écoutait dans une interview, les mettant d’un coup dans la lumière. Sauf que le lien n’est peut-être pas si léger : quelle n’a pas été ma surprise en redécouvrant le morceau « Everywhere and Allover » de constater que la rythmique electro était extrêmement proche de celle d’ « Idiotheque », or ce Tridecoder est sorti en 1999, soit un an avant Kid A. Lali Puna aurait donc eu une influence plus importante que j’imaginais sur le virage electro de Radiohead, en compagnie de groupe autrement plus connus et identifiés comme Kraftwerk. Au-delà de cette hypothèse, on retrouve sur le premier album des Allemands la voix fragile de Valerie Trebeljahr sur une sorte de shoegaze electro avec claviers et boite à rythme omniprésents. Une teneur electro beaucoup plus marquée que sur Faking the Books, d’ambiance plus contemplative. A l’exception de quelques passages comme le titre « Rapariga da banheira » doté de batterie et basse, Tridecoder, sans être désagréable, m’a donc moins plu. On verra dans pas longtemps de quel côté se situe le deuxième album du groupe, Scary World Theory.
Après avoir flashé sur le In Our Gun de Gomez, je ne pouvais que me réjouir de la sortie en cette année 2004 de son successeur Split the Difference que j’empruntais illico à la médiathèque et enregistrais aux trois quart. Si on retrouve surtout ce rock alternatif évoquant Pearl Jam, notamment par le chant, Gomez fait encore preuve d’éclectisme en proposant des titres directs style Who (« Silence ») ou des compos plus alambiquées - « Sweet Virginia », ballade de 6mn avec des cordes fait penser à du Silverchair - des touches de country (« These 3 Sins ») ou du joyeux indie façon Pavement (« Chicken Out »). Bref, du bon son, de solides musiciens et pas une once d’ennui. Je n’ai pas suivi depuis les aventures du quintet British : quatre albums jusqu’en 2011, date de sortie de Whatever’s on your Mind et ensuite plus de nouvelles. Ce qui me laisse le temps de rattraper mon retard.
Dans la série des albums dont je n’avais plus aucun souvenir, voici Trouble at Jinx Hotel. Molasses m’évoquait vaguement du post-rock à moitié chiant, aussi ma surprise fut grande de constater qu’il s’agissait de très beau avant-folk (ces étiquettes, lol….) Bref la liste des musiciens participants a beau être longue - avec notamment des membres de Godspeed You Black Emperor ! et Come - Molasses est avant tout le projet d'un songwritter, un certain Scott Chernoff, et sa guitare en bois. Folk lancinant et dépouillé avec quelques touches de blues, agrémenté de cordes, claviers ou drone, les chansons de Trouble at Jinx Hotel (dont j’avais été incapable de trouver l’intitulé sur la pochette, les référençant par leur seul numéro de piste) restent dans un registre calme et sont souvent empruntes d’une forme de spiritualité, avec notamment des mantras répétés en boucle, qu’on peut retrouver par exemple sur les albums de GYBE ! Là se trouve le lien avec le post rock, puisque Molasses est un groupe Canadien qui compte notamment dans ses rangs Mike Moya et Thierry Amar. J’avais emprunté Trouble at Jinx Hotel au moment de sa sortie (2004) et il ne m’avait pas marqué plus que ça, d’autant qu’il n’aura pas de successeur et que Scott Chernoff à l’inverse de ses prolifiques camarades disparaitra complètement de la circulation à quelques featuring près. Sa réécoute m’aura en tout cas donné envie de me pencher plus sérieusement sur la discographie de Molasses qui compte quatre albums.
Voici donc le Alice que je cherchais à emprunter il y a deux épisodes, uniquement parce qu’il s’agissait d’un concept album sur Alice au Pays des Merveilles. S’il est vrai que Tom Waits fait un bon Chapelier Fou, le rapport entre la musique et le bouquin de Lewis Carroll ne saute pas aux oreilles mais bon, il aurait fallu que je me penche sur les textes et que j’en écoute un peu plus que la moitié de disque ici retenue. Cela dit j’ai trouvé cette réécoute plaisante, entre douceur et folie, pas feutrés et danse endiablée, comme un petit moment en compagnie d’un chat. Si conte il y a j’ai d’ailleurs plus pensé aux Aristochats qu’à Alice, avec cette ambiance de piano bar enfumé, tantôt pour des ballades au romantisme saveur absinthe (« Flower’s Grave »), des blues qu’on n’imagine qu’en noir (« Table Top Joe ») et ce swing fou et théâtral en provenance des Balkans, le très drôle « Kommienezuspadt » qui donne l’occasion à Tom de cabotiner à loisir. Sur un petit instrumental délicat qu’on jurerait interprété à la scie musicale nous quittons un artiste unique qui, malgré l’écoute plus tard de quelques classiques, n’aura jamais emporté mon adhésion.
Jagged Little Pill est l’exemple phare du succès qui a écrasé son autrice, la propulsant dans les plus grandes artistes internationales mais lui collant tellement à la peau qu’elle n’aura de cesse d’y revenir, de sessions acoustiques en live anniversaire… Une rançon du succès un peu injuste tant elle occultera les autres productions d’Alanis Morissette, bien moins indignes que ce qu’on pourrait craindre. La Canadienne reste une excellente chanteuse, et la plupart de ses compositions s’écoutent bien, même si des défauts handicapent ses disques des années 2000 dont ce So-Called Chaos sorti en 2004. Il y a d’abord la lourdeur de la prod qui plombe certaines chansons comme ce « Eight Easy Steps » introductif très rock. Et puis, il faut bien avouer que les chansons sont toutes construites de la même manière, se séparant finalement en deux catégories : la power pop entrainante et la power ballade aux reflets plus acoustiques. Notons dans les réussites de So-Called Chaos la douce-amère « Excuses » pour la première catégorie et « Not all Me » pour la deuxième. Difficile de savoir si la sortie l’année d’après d’une version acoustique de Jagged Little Pill est due à un hypothétique insuccès de So-Called Chaos ou juste une idée d’anniversaire lucratif, quoiqu’il en soit Alanis Morissette disparaitra progressivement des noms qui comptent au fil des années et des albums (4 sont sortis depuis celui-ci), et cela fait bien longtemps qu’on ne l’a plus vue sur une affiche de festival français…