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Blinking Lights (and other revelations)
1 juillet 2006

MANO NEGRA - in the Hell of Patchinko

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Nous allons une fois encore replonger dans le passé et les Années 90, mais cet article sera sans doute plus justifié qu’un énième radotage sur les Smashing Pumpkins. D’abord parce que je n’ai jamais parlé de la Mano Negra sur ce blog, et que je répare donc aujourd’hui une injustice flagrante. Ensuite parce qu’ayant créé cette rubrique Loved Lives, il était impensable de ne pas évoquer In the Hell of Patchinko, probablement le meilleur disque live français, et l’un des meilleurs live tout court. Que n’ai-je découvert la musique une poignée d’années plus tôt, et non après la sortie du génial King of Bongo (1991) ? Je n’assisterai de mon « vivant musical » qu’à la parution du quasi posthume Casa Babylon, et n’aurai malheureusement pas l’occasion de vivre un concert de la Mano Negra, à coup sur une expérience unique et inoubliable pour tout les chanceux ayant croisé la route d’un groupe qui n’aura finalement vécu que très peu de temps, tout en marquant d’une empreinte indélébile et d’un nombre important de tubes le paysage (alors assez désertique) du Rock Français.

 

Je me souviens parfaitement de la personne qui me fit découvrir la Mano. Fabrice faisait partie de mon groupe de potes, ou plutôt de mon non-groupe de non-potes, c'est-à-dire cette association bancale de personnes qui, n’ayant aucun ami, se regroupent par défaut : il est un âge où il vaut mieux être mal accompagné que seul. Fabrice avait l’avantage d’avoir des parents aisés et de m’inviter régulièrement à ses soirées, même s’il avait le léger inconvénient d’être un facho notoire. Il ne me venait pas à l’idée, alors que je le regardais consterné lever le bras en chantant des trucs débiles, de le questionner sur l’incohérence de son idéologie avec le fait de mettre à fond, à chaque fois qu’on s’emmerdait en soirée (c'est-à-dire souvent) un bon « Letter to the Censors » ou « Welcome in Occident » (1)  à volume assourdissant pour faire chier le monde. Une idéologie plus héréditaire que réfléchie d’ailleurs : je recroisais brièvement Fabrice au retour d’un séjour estudiantin de 6 mois aux Etats-Unis, où, en plus d’avoir probablement perdu son pucelage, il s’était élargi les idées (et le pantalon – 20 bons kilos en plus). De mon coté, j’avais enfin décidé qu’il valait mieux être seul que mal accompagné, et m’étais reclus dans ma piaule avec des tonnes de disque empruntés à la bibliothèque, dont le In the Hell of Patchinko que je n’ai cessé d’écouter depuis.

 

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On ne compte plus les points forts de ce disque, à tel point qu’au moment d’aborder sa chronique on ne sait plus par quoi commencer. Hé bien attaquons par le premier titre, ce « Mano Negra » qui dit déjà tant. Le groupe d’abord, cette association de vieux routards à priori hétéroclite, mais qui affiche une cohésion, un équilibre et une énergie incroyable. Le rythme ensuite, une minute pour que s’expriment un riff de guitare qui tue, des cuivres déments, des percus en folie, une batterie impressionnante. Et l’enchainement, direct. Aucun temps mort dans ce concert, 23 titres en 50 minutes, et sans donner l’impression de vouloir torcher l’affaire. Le public est régulièrement harangué, Manu Chao le pousse à participer, l’encourage à suivre le tempo d’enfer que le groupe imprime au set, avec cette fausse impression de bordel organisée qui est la marque d’une grande maitrise technique. « Mano Negra », comme un jingle, qui vient régulièrement augmenter la température, toujours plus fort, toujours plus vite : sa dernière apparition ne dure que 19 secondes, point final expéditif à un corps de set irréprochable (le rappel, constitué de vieux morceaux et du tube « Mala Vida », est un poil moins enthousiasmant).

 

Entre les deux on aura entendu un festival de guitare (riffs de « Killing Rats » ou « Sidi’h Bibi », pulvérisation du standard rock « Country Line »), de basse (citons celle de « King Kong Five » par exemple), de clavier (pour une fois extrêmement pertinent, notamment sur les passages un peu plus tranquilles comme « Don’t want you no More »), de cuivres (trompette de « Indios de Barcelona », séquence sur « Lonesome Bop ») et d’une association inégalée de batterie et de percussions. Le couple Santi / Garbancito brille sur l’ensemble du concert et propose des transitions tellement surréalistes que je me suis souvent demandé si elles n’avaient pas été trafiquées au mixage : l’enchainement « Lonesome Bop » / « Mano Negra » est à ce titre un véritable chef d’œuvre.

 

Encore plus que ces talents individuels, c’est leur association qui force l’admiration. Les chants se répondent, les interventions sont millimétrées, les apparitions surprise innombrables. Impossible de s’ennuyer une seconde dans ce déferlement de coupures, découpages, accélérations jouissives dont le groupe se fait une spécialité (« the Rebell Spell »). La Mano Negra s’éclate et nous éclate autant avec du Ska (« Magic Dice »), du pur rock (« I Fought the Law »), des rythmes Latinos (« Indios de Barcelona »), mélangeant tout ça dans un patchwork réjouissant (2). Le ton est tout aussi varié, tour à tour revendicatif, violent (« Mad Man’s Dead »), fun (« Patchuko Hop ») voire mélancolique, sur ce magnifique morceau « El Sur » dont la mélodie est reprise en cœur par tout le public japonais.

 

Sommet discographique de la Mano Negra, in the Hell of Patchinko est aussi le dernier témoignage d’une troupe qui tenait un peu du miracle. L’explosion amorcée au retour de cette tournée japonaise s’amplifiera au cours de la fameuse traversée en train de la Colombie dont Manu Chao restera l’unique et têtu rescapé, les autres quittant le groupe au cours du voyage.

 

On tombera régulièrement sur eux au détour d’un disque (3), ces musiciens ayant prêté main forte à quantité de groupes français la décennie passée. Manu Chao quant à lui aura eu la carrière qu’on sait, avec ce premier album Clandestino sorti en 1998 que je me refuserais à écouter attentivement pour de mauvaises raisons (4). Si ses disques suivants sombreront dans l’auto citation, Manu Chao fera quand même perdurer l’esprit de la Mano Negra lors de concerts épiques avec Radio Bemba, dont les témoignages gravés sont à conseiller sans réserve.

 

(1)   Deux de mes titres favoris, malheureusement absents de ce live…

 

(2)   et évitant le plus souvent la chanson réaliste, pas vraiment ce que je préfère sur leurs albums studio.

 

(3)   Y compris de manière hautement improbable, le co fondateur et batteur du groupe, Santi, ayant fait partie du jury de la première émission de télé crochet moderne française, Pop Star, à l’origine de l’inénarrable quintet féminin L5.

 

(4)   L’unanimité (surtout auprès de ceux n’écoutant jamais de musique) et le matraquage (qui fait que j’ai entendu l’album des dizaines de fois à mes oreilles défendantes)  sont des repoussoirs discutables, mais ils avaient atteint un tel niveau avec Clandestino qu’ils étaient presque légitimes…

 

 

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