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Blinking Lights (and other revelations)
26 juin 2015

RENAUD PAPILLON PARAVEL - La Surface de Réparation

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 Renaud Papillon Paravel - Je suis un Plongeur

 

Renaud Papillon Paravel - Le Vent Décime

Dans mes étagères à CD, qui sont classés à peu près par style, il y a quelques disques solitaires, inclassables ou uniques représentants d'un style que je n'écoute pas d'habitude. Parmi eux figure le premier album de Renaud Papillon Paravel (conseillé par Seb) qui n'est rien d'autre qu'un disque de slam sorti à l'époque où ce n'était pas encore à la mode.

 

La Surface de Réparation débute par une mystérieuse plage  - on y entend les vagues - où l'on découvre l'accent du sud-ouest du slammer, et qui renvoie au secret de la dernière chanson. La voix est agréable, à la fois ensoleillée et grave, comme l'album. Elle se pose délicatement sur la boucle groovy de « Je suis un plongeur », exposant d'emblée la qualité d'écriture de Renaud Papillon Paravel qui excelle dans le double sens, le plongeur pêchant l'éponge, sombre héro de ce titre, officiant non au grand large mais dans la cuisine d'un grand restaurant spécialisé dans les fruits de mer. Avec le deuxième titre, « J'avais pas vu tes yeux », c'est l'art qu'a Paravel de mêler sordide et tendresse qui s'affiche. A la fois crues et mélancoliques, les paroles nous décrivant le quotidien d'une prostitué dont l'auteur tombe amoureux font penser au « Lola rastaquouère » de Gainsbourg, dont l'esprit flotte sur l'ensemble de l'album, textes comme musique. Ayant présenté ses différents profils, La Surface de Réparation entame un formidable crescendo dans la qualité des morceaux. C'est d'abord ce magnifique texte sur le désir, ici symbolisé par le manque d'eau, triste complainte de « l'homme à la peau de serpent » sur laquelle Renaud PP ne peut s'empêcher quelques jeux de mots graveleux. L'auditeur, la gorge asséché tant par la soif que l'émotion, accueille l'orage éclatant simultanément au démarrage de la boite à rythme comme une vraie délivrance, malgré une fin de chanson désolée. Sur « Fais moi une Fleur », c'est surtout la musique qui fait mouche, sombre claviers rehaussés de tristes notes de piano et saxophone, morceau sobre et magnifique. Creusant plus profond cette autoproclamée original motion picture of my bizarre life, Renaud Papillon Paravel accouche d'un rap sur un tempo plus rapide pour clamer son athéisme, transformant le refrain de « je n'ai dieu que pour toi » en véritable cri d'amour pour son fils. Il trouve aussi consolation en allant pêcher « A la rivière », sur un morceau plus mélodique et entrainant. Consolé, mais toujours en sursis, car  pour le poisson comme pour l'homme la vie ne tient qu'à un fil... La grande question est lâchée, et la mort sera le sujet du titre suivant, dans un beau texte à double sens au sujet d'un poisson agonisant sur le pont d'un bateau. Le destin est tracé, et l'histoire désespérante. Le chanteur semble se raccrocher encore à l'amour de ses proches, ou à son souvenir, « Personne » ne répondant à ses cris dans l'immensité de l'océan. Mais il finit aussi par expédier l'amour aux oubliettes avec le plombant « Les chats couchés ».  Les chats couchés au bord des routes ne font pas semblant de dormir, pas la peine d'en rajouter...

 

Ainsi de chanson en chanson, Renaud Papillon Paravel fait tomber de leur piédestal les grands motifs de joie ou d'espoir humains, travail, amour, foi, tout est passé à la moulinette de ses doutes et de ses expériences malheureuses dans un processus implacable proche du nihilisme. Ne restent que quelques petits bonheur furtifs (dont le sexe fait évidemment partie), les souvenirs d'une enfance révolue et la nature, mais tout ceci est bien trop fragile et on le sent en sursis, comme ce dernier ours des Pyrénées auquel il s'identifie (un ours surnommé Papillon). En cela il se rapproche encore de Gainsbourg, clown triste ou poète maudit obstiné dans une autodestruction planifiée. Constat amer en forme de conclusion, « Le vent décime », plutôt electro, est le titre le plus émouvant du disque. Observant les enfants inconscients d'un bonheur qui leur sera implacablement confisqué par le temps, et la nature si belle et si vide, Renaud Papillon Paravel attend, coincé par son manque de foi en l'avenir, qu'il soit terrestre ou céleste. Je suis un randonneur sans chaussures dans la vallée qui se donne de la peine pour croire qu'un beau jour reviendra, car c'est vrai que seuls les vieux murs savent ce que les murmures sont, et que malgré l'eau passant sous les ponts, le temps qu'il fait, toujours nous sèmerons... raconte des histoires et j'avalerai tes salades grand potager vivant, avec de la terre sous les ongles et le cœur en fleur, même si moi je ne plante rien, j'attends...

 

Se fut il arrêté là qu'il aurait sorti un chef d'œuvre, mais notre Toulousain n'a pu s'empêcher d'ajouter à son disque une collection de titres qui auraient fait de bonnes Faces B mais qui tachent la cohérence de ce qui a précédé. Derrière un hymne à l'enfance un peu facile (« marcher pieds nus sur un lego ») et de gros délire de studio (« Je défie King Kong »), Paravel a même collé un reggae paillard intitulé « J'aime Tonku ». Peut-être a-t-il finalement voulu montrer un visage plus riant de sa personne, mais encore une fois il est dommage de l'avoir intégré à une œuvre réfléchie qui avait brillamment marché sur le fil de l'humour doux amer... Finalement, on ne peut pas trop lui en vouloir puisque si La Surface de Réparation avait un peu fait parler de lui à sa sortie, c'est son single qui avait valu un succès surprise à Renaud Papillon Paravel, un single qui s'appelait bien sur.... « J'aime Tonku » ! Le chanteur semble d'ailleurs assumer une certaine compromission pour crouter, attendu qu'il est convaincu qu'un art pointu n'a aucune chance de succès dans ce bas monde. C'est peut-être la raison d'une suite de carrière chaotique. Après un double disque raté (« Subliminable ») où il tape dans son single sur la variété française, il a galéré pour autoproduire un troisième album (il avait lancé une souscription pour le financer) et a sorti l'année dernière Ecrit Ca Quelque Part sous le marrainage de Zazie... Mieux vaut certainement ça qu'un destin à la Gainsbourg (qui soit dit en passant était lui aussi assez cynique sur le fait de gagner du pognon en faisant de la merde), et tant mieux si la scène de l'Olympia a été pour lui une Surface de Réparation (hé oui, double sens, évidemment !).

 

PS : Et « Le secret de la dernière chanson », me diront ceux qui ont suivi ? Originalité assez incroyable, la dernière piste du disque est un vrai jeu...de piste. Avec l'aide des bruitages et de l'énigme posée sur cette chanson, ainsi que des indices mis sur le livret, l'auditeur pouvait gagner la moto de Renaud Papillon Paravel en trouvant trois lettres mystérieuses écrites par un naufragé. J'avais demandé  au chanteur la réponse des années après, il me l'avait envoyé par mail. Personne n'avait trouvé, c'était particulièrement hardu...

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Commentaires
P
Je vérifiais mes indésirables courriels par hasard et voilà que je tombe sur ta réponse. Merci pour les bribes de souvenirs. En tout cas il tenait à sa moto. Au plaisir.
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E
Extrêmement difficile en effet... J'avais découvert ce disque (et cet artiste) grâce à toi. J'ai acheté le CD il y a quelques années. Je ne l'écoute jamais mais le slam de Je Suis Un Plongeur me vient souvent en tête...
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P
Je serais ravi que tu me transmettes son message explicatif.
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