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Blinking Lights (and other revelations)
1 avril 2006

SPARKLEHORSE

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Lorsqu'en 1995  j'assiste à la légendaire tournée OK Computer de Radiohead à Marseille, je ne prête aucune attention au groupe que Thom Yorke a décidé d'inviter en première partie. Il faut dire que leur prestation semble un peu bancale et que je suis trop excité  par la venue d'une part du prestigieux quintet et d'autre part de ma charmante invitée. Peu de temps après je découvre leur premier album, Vivadixiesubmarinetransmissionplot, et devient immédiatement fan de Sparklehorse,  pseudonyme sous lequel se cache le seul compositeur Mark Linkous et qui ne doit sa petite notoriété que par l'éclairage du soleil médiatique Radiohead.  Mark Linkous est un musicien étrange, vivant dans une ferme au milieu de ses animaux et passant le temps en récupérant des vieilleries dans des décharges et en bricolant des chansons dans un home studio rempli de gadgets sonores. On retrouve sur ses pochettes des sculptures bizarres, notamment des chevaux en fil de fer ou porcelaine, et dans ses paroles une atmosphère champêtre inhabituelle agrémentée de citations littéraires (Shakespeare) et de descriptions de rêves hallucinés. Musicalement, ses meilleures chansons sont basées sur des arpèges de guitare très simples, accompagné d'une voix chuchotée et parfois d'un rythme de batterie basique (« Weird Sisters », « Saturday »). Linkous agrémente ces compositions de petites mélodies et de bruits divers, comme ce manège qui rajoute à la nostalgie de l'inoubliable premier morceau « Homecoming Queen » ou la voix féminine enregistrée de « Spirit Ditch ».  Mais Mark Linkous est aussi un ami du groupe Pavement, et il parsème son album de rock joyeux et énergique, avec une basse bien présente comme sur « Rainmaker » ou « Hammering the cramps ». Il pousse parfois le contraste un peu loin, et au « Tears on fresh fruit » ultra saturé et dissonant on préférera « Someday i will treat you good », à la hauteur des singles de nombreux groupes pop plus connus. La plupart des chansons sont assez courtes (sans compter les expériences sonores bizarroïdes de quelques secondes qui traînent ici et là), sauf « Cow »  qu'il s'amuse à prolonger entre banjo, harmonica, et riff de guitare excellent qui dynamise le tout. L'album se termine tranquillement sur deux blues bien maîtrisés, « Sad and beautiful world » (qui aurait inspiré « No surprises » de Radiohead, rien que ça...)  et « Gasoline horsey » au chant mi lointain mi proche.

 

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Pendant la tournée qui suit la sortie de l'album, Mark Linkous commence (ou augmente ?) une dangereuse absorption d'un cocktail d'alcool, de drogues et de médocs  et finit par s'écrouler dans un escalier. Déclaré mort pendant quelques minutes, passé à deux doigts de la paralysie, cette expérience pèsera surtout sur la composition du troisième album. Les titres de Good morning spider, sorti en 1998, ont en effet été écrits avant l'accident, excepté quelques uns comme le doux  « Saint Mary » qui rend hommage aux infirmières qui l'ont soigné. C'est sur ce deuxième album que l'étendue du talent du compositeur interprète  est la plus évidente, à l'image d'une voix qu'il module sur chaque chanson (chuchotée sur « Sunshine », grave sur « Cruel sun ») ou transforme artificiellement. La brillante chanson centrale, « Chaos of the galaxy/Happy man » illustre tout le travail d'enregistrement : on a ici un émetteur radio déréglé qui capte (mal) tour à tour une lente mélodie à l'orgue ou un rock endiablé avant de venir définitivement se positionner sur la bonne fréquence de ce dernier. Good morning spider  reste dans l'esprit du précédent album, proposant des guitares saturées sur « Pig », un rock plus classique style Stones avec « Sick of goodbyes » et bien sur des chansons calmes et simples comme « Painbirds ».  Les intermèdes musicaux sont cette fois plus agréables : l'inquiétant « Good morning spider » où interviennent un violoncelle et une voix fantomatique ou le joli « Box of stars » et son violon. Si on pense à ce que fera bien plus tard Grandaddy sur l'entraînant « Ghost of his smile »,  le seul artiste comparable à Linkous/Sparklehorse reste Mr E/Eels, lui aussi grand bricoleur solitaire et éclectique. Les thèmes des deux artistes sont bizarrement proches, entre nature (oiseaux, animaux, soleil, forêt...) et philosophie morbide, spirituelle ou poétique. Ici, Mark Linkous souhaite à longueur de chant reposer ses vieux os, son esprit quittant parfois pour se balader au dessus des gens ce corps qui se traîne, à l'image du rythme fatigué de chansons comme « Come on in » ou « All night home ». Très inspiré, il trouve le temps de parler un peu d'amour, de reprendre un de ses artistes favoris, Daniel Johnston, sur la comptine « Hey Joe », fait s'envoler une nuée d'oiseaux pour cacher le « Cruel Sun », cite la bible sur « Hundred of sparrows » avant de terminer avec « Junebug », lent titre qui n'est pas sans rappeler le précédent  final « Gasoline horseys ». 

 

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Si le magnifique Good morning spider passa relativement inaperçu faute de mentor, It's a wonderful life attira immédiatement les projecteurs en faisant faire un petit tour de pistes aux méga stars PJ Harvey et Tom Waits.  Ce troisième album débute de manière très calme par « It's a wonderful life », titre lent à la voix chuchotée habituelle avec un petit craquement de vinyle nostalgique, et s'accélère progressivement avec « Gold day », single pop sympa au ton optimiste où l'on remarque la présence de l'homme de l'ombre le plus efficace du moment, (le producteur-bassiste Dave Fridmann, sorte de Bob Ezrin actuel qui a notamment participé aux albums de Mercury rev) puis avec  « Piano fire » au son de guitare un peu crade sur laquelle on retrouve John Parish et PJ Harvey dans un style qui leur ressemble. Vient ensuite une alternance de superbes chansons calmes et reposantes, avec une batterie feutrée et du piano (« Sea of teeth », « Apple bed », « Eyepennies »)  et de titres rocks comme « King of Nails »  et « Dog door » où Mark Linkous transforme sa voix en aboiements, et sur laquelle la seconde voix d'outretombe de Tom Waits achève d'alourdir l'ambiance. Mis à part ce titre, Mark Linkous semble avoir abandonné ses bidouillages et propose un album plus conventionnel, à l'image de la pochette étonnamment sobre. C'est d'ailleurs pour cette raison que la deuxième partie de It's a wonderful life, aux compositions moins inspirées, sombre dans une répétitivité lente et finalement ennuyeuse, avec des titres semblables et longs qu'aucun trait d'originalité ne vient relancer.

Loin de la gaieté  insouciante du titre, les paroles sont toujours aussi imagées et difficiles à comprendre. Nous y retrouvons les incessants passages de chevaux, abeilles, soleils ou arbres dans des délires cauchemardesques où pointent peut être quelques allusions aux souffrances causées par son accident (feu dans les veines, abeilles dans la tête, « roi des clous », difficulté de respirer...). L'album se termine par « Morning Hollow », une chanson cachée extrêmement lente qui me rappelle toujours le concert complètement raté que Sparklehorse donna à la Cigale à cette période. Lorsque ses musiciens eurent finis de décorer la scène avec des bouquets de fleurs séchées et des tournesols, apparut un Mark Linkous jaune et dans les vapes, qui s'échina d'abord à massacrer ses meilleures chansons (effroyable solo de guitare électrique sur « Apple bed »), avant d'endormir tout le monde en bidouillant avec sa machine à effets sur ses titres les plus lents (style « Devil ‘s new »).  Vers la fin, le groupe joua « Morning hollow » au rythme effrayant d'une note de basse à la minute, et je fus soudain persuadé que le temps avait ralenti. Une sensation unique, étrange et pas désagréable qui fut malheureusement interrompue par un « Pig/Happy man » joué à fond de disto dans un magma sonore du plus mauvais effet. Linkous acheva son concert en se trompant d'accords sur « Homecoming queen » (un comble pour sa première chanson !) et en lançant des regards mi-amusés mi-désolés (mais surtout très vagues) à Gemma Hayes, charmante première partie folk rock tout à fait honorable qui l'accompagnait de sa voix douce sur le refrain.

J'acquis donc la certitude que Sparklehorse était aussi mauvais en concert que bon en studio, et attendait avec impatience sa prochaine œuvre, laissé un peu sur ma faim par cette petite deuxième moitié de It's a wonderful life peu intéressante.

 

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C'est après 5 ans d'attente que sortait Dreamt for light years in the belly of a mountain,  à la pochette aussi étrange que son titre.  On remarque immédiatement les références aux albums précédents, avec le clown du Vivadixiesubmarinetransmissionplot, les oiseaux et les fleurs des deux suivants. A l'intérieur, voici enfin illustrées les chansons de Sparklehorse, plus besoin de traduction les images parlent d'elles même. On remarque le chanteur à tête de cheval (i wish i had a horse's head, a tiger's heart, an apple bed), la « box of stars », les abeilles tournoyantes et l'autosacre « Static King »,  sans doute avec un fauteuil roulant en guise de trône. Dès le départ, on retrouve avec plaisir les effets studio de Sparklehorse, déformant le très Beatles « Don't take my sunshine away » et la voix de « Getting wrong » qui sonne presque enfantine. Progressivement, on s'appercoit que les références ne sont pas uniquement visuelles mais aussi auditives, avec « Shade and honey » qui sonne comme « Gold day »,  « Return to me » qui rappelle « Homecoming queen » et « Ghost in the sky »  les chansons saturées.  Entre les beaux arpèges de « See the light » et la batterie du très rapide « It's not so hard », on trouve « Mountains » chanson vraiment trop identiques aux précédents titres, et « Morning Hollow » qui apparaît cette fois en chanson officielle.  C'est un peu culotté quand même, surtout qu'après « Summertime », chanson pop avec des guitares électriques et des sons étranges qui se prolonge agréablement, on reconnaît « Maxine », B-side du single « Gold day » ici rebaptisée « Dreamt for light years in the belly of a mountain ». La très lente chanson répétant sur 10 mn un accord de guitare et quelques notes de pianos avec un bip de machine est peut être d'une certaine beauté calme (à écouter chez soi, pas en concert...) et représente au mieux ce qu'un malade peut ressentir dans sa chambre d'hôpital au cours de longs après midis ennuyeux, elle clôture un album qui marque cruellement le manque d'inspiration de son auteur. Car comme le suggérait inconsciemment la pochette, on a l'impression d'être en présence d'une compilation de B-sides déguisée en album ; ce n'est pas désagréable quand on aime l'artiste mais c'est évidemment moins percutant qu'un album original, sauf erreur de casting ou créativité débordante (cf les Smashing Pumpkins) ce qui n'est malheureusement pas le cas de Sparklehorse. Plus que la joie de retrouver après tant d'absence ce groupe et de découvrir des compositions néanmoins sympathiques pour la plupart, c'est donc un sentiment de déjà vu tant au niveau des paroles que de la musique qui domine l'écoute de ce dernier album, sans compter la petite arnaque que représente les titres déjà sortis avant qui y figurent.

Dommage, il ne me reste plus qu'à attendre 5 nouvelles années !

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