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Blinking Lights (and other revelations)
1 avril 2006

SIXTEEN HORSEPOWER

SIXTEEN HORSEPOWER STUDIO

Il y a un groupe que je regretterai de n’avoir jamais vu en concert. Même si j’ai été séduit par leur musique dès 1997, je n’ai jamais pu croiser la route de Sixteen Horsepower. 16HP a réussi à développer un style unique en modernisant et électrisant un certain son traditionnel américain, un peu à la manière de Calexico, mais en situant leurs influences du coté country. Les groupes qu’ils ont repris donnent une assez bonne vue d’ensemble de leur son : mélange de Bob Dylan et Creedence pour la musique, touche de Joy Division pour la noirceur de l’ambiance qui ressort de la plupart de leurs compositions. Une ambivalence portée par le leader David Eugene Edwards, déchiré entre le pessimisme d’une condition humaine marquée par le mal (mensonge, envie, violence) et l’optimisme d’une rédemption accordée par Dieu à l’homme repentant.

 

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Ce n’est pas un hasard si le titre du premier album Sackloth ‘n’ ashes fait référence à l’ancien testament et à la coutume de s’habiller d’un sac et se couvrir de poussière en signe de deuil ou de soumission à Dieu. On voit souvent dans les westerns cette scène d’un joyeux bal de village interrompu par la soudaine arrivée d’un étranger poussiéreux venu prédire catastrophes et malheurs aux insouciants habitants. Telle est la voix de David Edwards, tombant comme venue du ciel sur des rythmes entraînants, parfois joyeux. Ecoutez « American Wheeze », titre choisi judicieusement pour débuter les concerts de 16HP : Un bandonéon et un violon invitent à la danse, puis vient une grosse basse lourde de menaces, le chant arrive qui enlève toute sérénité à l’auditeur (« if i die by your hand, i gotta home in glory hand ») et enfin une guitare électrique appuyé achève de donner un ton dramatique à une chanson initialement riante. Cette schizophrénie (« there’s a ghost bound in my soul ») ne se trouve pas seulement dans la musique, mais aussi dans les textes, le héros solitaire étant prompt à passer de la position allongé (avec les nombreuses filles évoquées dans l’album) à la position agenouillée, espérant le pardon d’un péché pesant lourd sur sa conscience, dans une conception assez ancienne de la religion (« oh i will forgive your wrongs, yes i am able, an for my own i feel great shame ». Le batteur et le bassiste participent aux ambiances différentes des titres suivant qu’ils optent pour des roulements de caisse claires martiaux (« I seen what i saw ») ou des rythmes rocks plus classiques pour le premier, et de lourdes notes (« Black bush ») ou des pincements country (« Black soul Choir ») pour le second. Malgré tout c’est la noirceur qui l’emporte sur la quasi-totalité de l’album (« i am an honest man when i ain’t lying, i am a living man when i commence dyin »). Les seules chansons vraiment joyeuses sont la rapide cow boy country « Red neck reel », et peut être « Ruthie Lingle », là aussi aidée en ce sens par un banjo rapide et un violon plutôt dansant. Pour le reste, le chant est toujours lugubre, et parfois agrémenté de deuxièmes voix criées, comme une lointaine condamnation venant de Dieu lui même (« Scrawled in sap »). Le groupe (dont la complémentarité exemplaire est illustré par l’excellente « Heel on the Shovel » portée par un super riff de guitare), lorsqu’il se met au noir diapason de son leader, engendre une musique oppressante rarement égalée, dont vous pourrez trouver le sombre sommet sur « Horse head ». Même les photos de la pochette sentent la sueur et la poussière, dans une magnifique osmose avec les textes et la musique, qu’on retrouve sur tout les albums du groupe.

 

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J’adore l’artwork de Low Estate, l’album suivant, ces photos sepia à l’ancienne, la recherche calligraphique, le ciel menaçant, la main crispée qui serre la bible et ses portraits figés et absents, sans un sourire. Ce second album voit le line-up du groupe se modifier, avec le changement de bassiste et le renfort d’un collègue de longue date de Edwards, Jeffrey Paul. Concrètement, cela se traduit par une orientation plus rock, des compositions plus complexes (les pistes se multiplient), et une relative mise en retrait de la basse. 16HP accentue ses traits caractéristiques, les exploitant de manière plus variée que sur Sackloth ‘n’ashes. On est tout de suite mis dans l’ambiance avec « Brimstone Rock », l’une de leurs meilleures chansons qui est un résumé de leur savoir faire alternant passages rocks sur fond de banjo et pauses haletantes : une slide guitare résonne au loin, les maracas évoquent un serpent à sonnette, bienvenu dans l’univers impitoyable des gardiens de vaches, des prédicateurs et des putains. Au rayon rock, on trouve le très religieux « For Heaven’s Sake », le refrain fédérateur de « Coal Black Horses » ou « Sac Of Religion » terminé dans des hurlements dignes des Stooges. Les différents cris, la slide guitare et un rythme rapide bien marqué sont les marques de fabrique de ces titres. En parallèle, nous trouvons en plus grand nombre qu’avant des morceaux country plus légers, « My Narrow Mind », l’amusant « Black Lung » ou la valse « Hang my Teeth on your Door ». Un rythme syncopé et un violon guilleret accompagnent ces titres festifs. Si les paroles sont rarement joyeuses, David Edwards chante sur un ton beaucoup moins lugubre et l’ambiance de Low Estate est moins pesante ; Malgré tout, la noirceur d’un « Horse Head » enveloppe quelques chansons posées tout au long de l’album, comme des avertissements. « Low Estate » tout d’abord, puis « the Denver Grab » et « Golden Rope », cette dernière bénéficiant d’accélérations plaisantes. Voix criée, rythme très lent, concertina ou violons plaintifs constituent la base de ces pistes déchirantes et endeuillées. La religion marque encore plus profondément les textes, et on retrouve constamment la thématique de l’homme ayant cédé à la tentation (qui comme dans la Bible, est toujours symbolisée par une jolie femme) et se morfond dans une attitude de culpabilité et d’attente, le visage tourné vers le ciel (« i beseech thee Lord clear my head before once again i scar the soul of that girl in my bed », « oh Lord i’m caught in the cord of my own sin »). 16HP prend une autre ampleur sur Low Estate, album lunatique (à l’image des trois premiers titres) aux compositions excellentes dont ma préférée est « Phyllis Ruth », sombre violoncelle et cymbales claquantes se mêlant aux arpèges de banjo dans une interprétation tout en finesse, dont peu de groupes se montrent capables. A noter que la version européenne comprend deux reprises, illustrant à merveille les deux visages du groupe, le violent rock « Fire Spirit » du Gun Club et le délicat « the Partisan », chanson traditionnelle sur la guerre popularisée par Leonard Cohen. Bien que ces reprises soient excellentes, elles dénotent sur l’album et eurent été plus judicieusement placées sur un live, en B-sides ou à la rigueur en titres cachés à la fin.

 

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Secret South débute dans la lignée de Low Estate, avec un rock puissant intitulé « Clogger », puis un traditionnel country, « Wayfaring Stranger », où David Edwards prend une voix nasillarde de circonstance pour conter l’histoire de ce pauvre hère marchant de ville en ville. L’album se révèle pourtant par la suite assez différent de ses prédécesseurs : le ton est plus tranquille, le jeu du nouveau guitariste plus dépouillé (plus classique), et la part importante du piano illustre un relatif apaisement des compositions, même si des explosions retentissent parfois au refrain (« Cinder Alley ») ou en fin de morceau (« Poor Mouth »). Mes titres préférés sont représentatifs de ce nouveau ton : « Burning Bush », accords lents de piano, belles voix mêlés sur quelques sobres notes pour une ambiance triste et posée et « Splinters » lente histoire bénéficiant de paroles particulièrement bien écrites (« i did not die just badly broken/an in time my healing it will come/by the words that he has spoken »). En cohésion avec la musique, les paroles ont perdu leur tension, leur auteur se montrant dans une relation à Dieu plus apaisée (ou résignée ?: « see my tears good father, will they wash it away, all my dirt from your holy feet, no i don’t believe it work that way »). Les références à la religion sont toujours aussi nombreuses, mais plus discrètes, et ne seront remarquées que par les bons connaisseurs de la Bible. Ainsi l’histoire de « Poor Mouth » semble être celle d’un prophète (Jérémie ?) qui désigné par Dieu pour convertir ses contemporains se plaint d’en être incapable avec sa « pauvre bouche ».  Le thème du prophète est d’ailleurs repris sur tout l’album, et les références à un élu s’usant la voix à convaincre sa « maison » (ou tribu dans la bible) et ses frères indifférents ou hostiles (assimilés parfois à des loups) sont multiples (« the world it falls on deaf ears », tirées de « Praying Arm Lane », rare country rapide de Secret South). Je ne sais si David Eugene Edwards associe son rôle de chanteur à celui de prophète, en tout cas il est particulièrement bien inspiré sur cet album, dont la qualité reste constante, avec la nostalgique  conclusion « Straw Foot » (grave violoncelle contre légers arpèges) et juste avant « Nobody ‘cept you », une chanson de Dylan magnifiquement interprétée, qu’on peut prendre comme une déclaration d’amour soit à une fille, soit à Dieu (« i’m a stranger here and no one sees me except you »). Secret South est en effet plus secret que les albums d’avant, et il se révèle plus difficilement, mais il est devenu au fil des écoutes mon album favori de Sixteen Horsepower.

 

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L’album suivant, Folklore, sort deux ans après dans des circonstances bizarres. Au début il me semble bien me rappeler qu’il n’était disponible qu’en import et assez dur à trouver. Assez différent des précédentes productions, Folklore a été pour moi une grosse déception, surtout après Secret South. En le réécoutant, il me semble que la cause principale en a été la forme bancale : quatre titres originaux mêlés à six reprises. On dirait que c’est un disque de reprises non assumé, ou plus vraisemblablement l’ébauche d’un album qui a été complété avec des reprises en catastrophe (signe de problèmes d’entente dans le groupe, et cause de cette sortie en deux temps ?). Bref la merveilleuse cohésion des albums aboutis dont nous avait habitué 16HP fait ici défaut. Autre déception, le groupe devenu trio joue en acoustique avec une très grande sobriété (comme la pochette en noir et blanc), perdant l’équilibre entre rock et country qui faisait son originalité. Dommage, car les compositions sont plutôt bonnes, dans la lignée du Secret South en plus froid et dépouillé, avec même un « Blessed Persistence » sonnant assez cold wave. Leurs paroles sont à l’avenant, histoires d’amours déçus et de solitude (« i saw in your face you did not remember mine »). Les reprises sont assez inégales, on notera l’intense « Sinnerman », seul titre se référant à la religion, et l’excellent « Outlaw song ». Cette chanson toute en tension sur le thème de l’étranger déclanche instantanément des images de western dans la tête de l’auditeur, se représentant Clint Eastwood, les flingues à la main : « two were dead before they could move ; that’s my name if you please ! ». La dispersion des compos au milieu des reprises, elles même faisant le grand écart entre tristes chansons d’amour et ritournelles amusantes (la transition malvenue entre  « Alone and Forsaken » et « Single Girl ») est assez perturbante, et empêche l’auditeur de rentrer complètement dans l’album. C’est probablement le gros loupé de Folklore, qui reste assez anecdotique dans la discographie de ce grand groupe aujourd’hui hélas arrivé au bout du sentier dans la clairière…

 

SIXTEEN HORSEPOWER LIVE

 

 

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Olden :

Cet album n’est pas à proprement parler un live, puisque sur les trois parties de 6 titres chacune, seule la dernière est enregistrée en public, et encore ne l’entend on que brièvement. Pas de discussions entre les chansons non plus, et pas de setlist construite, Olden est plutôt une succession de titres (anciens, comme le nom l’indique) à réserver aux fans, qui sauront apprécier les différences de ces enregistrements avec les versions originales, et les inédits qui s’y cachent. Les différences sont  le plus souvent constituées par un rythme plus rapide, mais sont plus sensibles sur les titres de Low Estate (ce sont des « previous versions ») : le meilleur exemple en est la version live de « Sac of Religion ». Coté inédits, au nombre de quatre si on englobe les titres du premier EP, on retiendra « Shametown »  aux deux rythmiques bien différentes, et « Train Serenade », porté par la voix grave du premier bassiste Kevin Soll aux accents western prononcés, un changement de chanteur agréable et rare.

 

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Hoarse :

Le premier Live officiel de 16HP ouvre une porte sur la tournée de Low Estate, avec une setlist mélangeant astucieusement des titres des deux albums et des reprises. Malgré un début intense avec « American Wheeze » et les interprétations habitées de « For Heaven’s Sake » ou « Brimstone rock », cet album m’a laissé un sentiment mitigé dur à définir, peut être du à des versions dans l’ensemble plutôt proches des originaux, ou à un enregistrement qui semble « lointain » même si le son est correct. Si l’on entrevoit les capacités du groupe sur scène sur certains titres, on sent confusément qu’être présent à un concert de 16HP eut été autrement plus bouleversant que l’écoute de Hoarse. Deux titres, à la fois sombres et mélodiques, justifient néanmoins grandement l’acquisition de ce live : la superbe réinterprétation de « Horse Head » du premier album, et celle du « Day of the Lord » de Joy Division, que peu de groupes auraient pu reprendre en y apposant leur style sans se planter. Hoarse est à la fois un bon album (choix des titres, et puis ça reste 16HP !) et un album frustrant, notamment par sa trop courte durée.

 

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Live March 2001 :

Dans la vie il y a parfois de bonnes surprises, et ce live inattendu sorti récemment en est une, alors que Sixteen Horsepower est mort et enterré depuis déjà un bon moment. Certains m’auront jugé sévère avec les deux albums précédents, mais voici Live March 2001, qui me donne raison en réussissant là où les deux autres ont échoué : nous placer au cœur d’un vrai concert de 16HP. Il y a d’abord un très bon travail de l’ingé son, qui n’a vraiment pas du être facile, pour un excellent rendu. La basse notamment est énorme, parfois à la limite de la saturation, comme si on était devant la scène. A savourer, la contrebasse de « Straw foot » ou la partie instru de « Harm’s Way » par exemple. Cette fois, le public est présent, on l’entend applaudir, taper dans les mains, crier d’enthousiasme, réclamer des chansons, Davis Eugene Edwards dit quelques mots, on a les rappels et une durée totale de 90 mn : un vrai concert, quoi ! Le groupe ensuite, est excellent, et l’apport du guitariste Steven Taylor est indéniable, pulvérisant les morceaux à chaque apparition musclée, comme sur « Cinder Alley » ou « Clogger ». Sans doute est ce une des raisons de la réussite de l’album Secret South, dont on retrouve la quasi intégralité sur ce Live qui en offre une belle relecture. Puisqu’on parle de la setlist, elle aussi est quasi parfaite : outre le Secret South (je rappelle que c’est mon album favori), quatre anciens titres dont le judicieux démarrage habituel avec « American Wheeze », et quatre titres de Low Estate, dont un enchaînement infernal « Coal Black Horses » / « Dead Run » en final. La deuxième partie est un must absolu, avec un défilé de favoris, « Burning Bush », « Spinters », « Phyllis Ruth », une autre reprise de Joy Division, « Twenty Four Hours », peut être moins personnelle que « Day of the Lord » mais exécutée à fond, et pour se reposer un peu avant le rush final, la superbe reprise de « Partisan » (dommage qu’ils n’en aient pas gardé la surprise pour ce live, et l’aient rajouté au Low Estate). Ne manque à notre bonheur que « Brimstone Rock »…. Enfin, les titres sont souvent repris de manière un peu différente, dans les mélodies, le chant, ou le son des instruments, avec comme meilleur exemple la longue version de « Wayfaring Stranger ». Live March 2001 est donc un album indispensable à tout fan du quartet franco américain, et au-delà à tout fan de rock, tant il rend enfin honneur à un groupe majeur disparu trop tôt.

 

PS : hé les gars vous avez vu, j’ai bien fait gaffe à écrire mes chroniques sur Sixteen Horsepower sans utiliser les mots Bertrand ni Cantat !  Oups……

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