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Blinking Lights (and other revelations)
1 avril 2006

ELISTA - Douce Folie

 Noir Désir au chômage forcé, Dionysos perdu sur les sentiers de la gloire, quel groupe de rock pour parvenir à surmonter mon allergie aux paroles françaises, toujours trop mièvres, répétitives ou sans intérêt à mon gout ? Une perle rare que je trouvais dans le lieu le plus inattendu qui soit, c'est-à-dire dans la discographie de mon ami Cédric, bien planquée entre l'intégrale de Madonna et celle de Mylène Farmer : mon ami Cédric a des gouts musicaux aussi proches des miens que peut l'être  l'Alaska de l'Australie pour un escargot arthritique. Et pourtant entre ces deux contrées existe un pays noir et blanc nommé Elista, prêt à reprendre le flambeau et à me réconcilier avec la langue de Verlaine et de Rimbaud. Ce premier album des cinq parisiens (je crois..) est tout simplement une merveille.

 

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Parlons d'abord de la plus belle réussite du groupe, et de ce qui le différencie de la plupart de ses concurrents : les paroles. Elista a eu la rare intelligence d'accepter en son sein un membre du groupe dévolu uniquement à l'écriture des textes, les quatre autres s'attachant à poser une musique illustrant parfaitement les poèmes de leur compère. Ils posent une ambiance en jouant sur l'alternance accoustique / électrique, faisant preuve d'une belle inventivité dans les arpèges de guitare, avec des solos bien placés mais sans jamais en faire trop, retenue qui est aussi une des grandes qualités de l'album. La symbiose textes/musique est donc une réussite : un brouillard de claviers s'élève, nous sommes perdus dans « La nuit Madrilène » à la recherche d'un fantôme  (minuit, la lune est pleine et la place est placide, la quête est sous l'orage vaine dans les rues vides)  ; plus loin, nous voici héroïques sous la charge des guitares et de la batterie de « Perceval » (je suis parti de rien bavant sur l'impossible en me donnant pour cible tes mains) puis désespérés, suivant une ex au rythme dramatique des coups de poignards électriques de « Derrière elle » (je la suis, je ramasse ce qu'elle laisse tomber, ce qui couvre ses traces de nos ébats passés).

Débutant tranquillement sur une fable adolescente ironique, (sois beau, on te détaille des pieds jusqu'au poitrail, « Debout », dis un peu pour voir...), l'album dévoile toute sa noirceur dès le troisième titre au rythme et à la voix triste (j'assistai déjà, sans broncher à nos adieux, on n'en aura fait qu'une bouchée, de « La vie à deux ») et surtout sur le magnifiquement cynique « Rendors toi » : je t'ai oubliée j'ai la mémoire courte, j'en ai rien à foutre des filles éveillées, je veux du silence, maintenant rendors toi ... Comme pour prendre un bol d'air, voici la poésie de « Tu es légère», ballade à faire tomber les murs (et les filles...) et « Déçu du paradis », un rock presque disco dont le rythme parvient à faire oublier les paroles pas gaies.  L'album s'achève sur deux superbes titres contrastés, le mélancolique « De tout ses feux » où Elista se permet à bon escient quelques violons (faire des drogues pour s'envoler, des pirogues pour s'en aller, prendre un risque pour se sauver, une ellipse pour s'arracher),  et « Tout ce qui me retienne », conclusion reprenant à son compte toutes les qualités de l'album et entrainant dans son sillage l'auditeur, noyé dans cette tempête de sons et de mots, ne reprenant son souffle que sur la dernière note de l'ultime vague de guitare qui vient s'écraser sur le silence. Enfin, qui aurait du, si Elista n'avait pas commis en toute fin leur seul faux pas, accolant à ce grandiose final une chanson cachée aussi inutile que foireuse, constituée d'un vieux rythme électro tout pourri  qui gâche tout l'effet de cette montée en puissance remarquablement maitrisée.

Le livret aux dessins noirs et blancs, les textes sombres et beaux, la musique à la fois sobre et  entêtante, voici Elista, premier album d'un groupe qui a vraiment du style, et qu'on espère voir bientôt sur le devant de la scène.

 

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La Folie Douce, un titre qui aurait parfaitement convenu au premier album d'Elista mais qui intitule donc son successeur. Disons le d'emblée, la Folie Douce a moins de charme qu'Elista, peut être parce que ses compositeurs ont gagné en assurance sur leurs instruments respectifs et ralentissent rarement le tempo. Peut être parce qu'on préférait la plume de Benjamin Peurey dans un registre poétique plutôt que revendicatif. Celui-ci commet même quelques banalités, voire déséquilibre par des paroles bancales la musique bien écrite des « Calanques de Cassis » qui auraient mérité plus bel hommage. Le groupe entame l'album par deux rocks sympathiques mais plutôt classiques, et il faut attendre « Dès le départ dès le début », single désenchanté où les guitares se donnent à fond, pour retrouver le ton d'Elista (l'idéal est pour certains soirs, voire pour certains individus avec lesquels on pourrait boire s'ils n'avaient pas déjà trop bu...). Dès lors mis en condition, l'auditeur s'enfonce dans le calme sous « Le niveau de la mer » avant d'atteindre la pierre angulaire de l'album, le duo « Lacheté » / « Courage » comme les deux faces d'une même pièce. Les Elista ont mis tout le meilleur d'eux même pour illustrer ces deux attitudes qu'ils savent caractériser la nature de l'homme bien plus que les traditionnels Bon / Mauvais. Bien servies par la voix de Thomas Pierron (qu'on préfère à celle de François Ngyen), les deux titres, séparés par une partie instrumentale énorme, agitent guitares puissantes et claviers planants dans une belle progression. Finalement, la pièce a les deux mêmes faces sombres puisqu'il est question d'acceptation de lâcheté et de perte de courage...

Après ce bon passage, « Nous sommes tous une ombre » sonne un peu Téléphone et joue à la limite de la variété, puis deux chansons s'enchaînant montrent bien les quelques nuances qui peuvent faire un bon titre (« J'ai beau tout tester je déteste tout ») ou un ordinaire (« Les hommes ordinaires ») : un peu plus de pêche, des paroles plus réfléchies... Elista redresse la barre en fin d'album grâce à l'ambiance inquiétante qu'ils réussissent à donner à « Je suis une nuit de tempête » et au final explosif du rapide « Mon ivresse ».

Elista a tour à tour emprunté la voie très bonne ou celle plus moyenne sans jamais se rabattre sur la voie médiocre ; espérons qu'ils continueront  tout droit sur leur autoroute A3 sans bifurquer à la sortie variété engagée/ goupe de djeunz / le mouv'.

 

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