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Blinking Lights (and other revelations)
1 juillet 2006

Johnny THUNDERS - Add Water and Stir

 

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Add Water and Stir faisait de toutes manières partie de mes Loved Lives, mais j’ai décidé d’écrire sur ce disque tout de suite après une conversation sur Johnny Thunders que j’eu avec  Guic  the Old lors de son dernier passage à Lyon. Comme les grands esprits se rencontrent, vous pourrez lire sur son blog l’excellente anecdote qu’il nous y raconte, et pourquoi l’ami Johnny flottait à mille lieues au dessus des Sex Pistols (1). Mais revenons un peu à l’origine, qui comme certains le savent, fut pour moi les Guns N Roses.

Mon pote Duff était tellement fan de Johnny Thunders qu’il lui dédia sa seule composition solitaire de l’histoire des Guns (« So Fine ») et qu’il enregistra tout seul une reprise de « You can’t put your arms round a memory ». En entendant ca, je devins sur le coup fan du bon Duff (wahou, il joue de tous les instruments !) et de son idole. J’achetais donc l’album So Alone, et pris ma bonne baffe.  « You can’t put your arms round a memory », ouais, d’accord, magnifique, mais « So Alone » (2) !...  « So Alone », c’est Johnny sur sa chaise, seul dans un coin, le visage aussi jaune que les murs pisseux de la pièce, visage indiquant un avenir probablement assez court. « So Alone », c’était surtout moi, seul sur ma chaise devant mon bureau, à me demander de quoi serait fait mon avenir. Un peu plus tard, fouinant au Virgin marseillais où je passais la moitié de mon temps, je trouve un double live de Johnny Thunders en soldes (oui, en soldes, car les français s’intéressent plutôt à un autre Johnny). Malgré tout, il est encore beaucoup trop cher pour moi, alors pour l’unique  fois de ma vie je remplace l’étiquette par celle d’une vieille compile à deux balles. Comprenez vous, il y avait trop d’enjeu : un album avec deux versions live différentes de « So Alone ». Le principe d’Add Water and Stir, c’est en effet un live électrique et un live acoustique, 37 titres enregistrés au Japon, « So Alone » étant une des rares chansons communes aux deux concerts. Je n’ai jamais regretté d’avoir triché, vu la qualité de l’album et sa rareté (je ne l’ai jamais recroisé…).

Qui n’a pas entendu de bootlegs où Thunders gueule de sa voix de fausset en essayant péniblement d’aligner deux accords, le tout enregistré dans ce qui semble être une machine à laver, ne peut imaginer l’importance du mot « qualité » appliqué à ce concert. Il est indiqué dans le livret que Johnny Thunders adorait jouer au Japon, ou peut etre qu’il y trouvait moins facilement de drogue qu’en Europe, toujours est il qu’il est ici au meilleur de sa forme (3). On ne saurait l’expliquer entièrement par l’appui de l’excellent groupe qui l’entoure, puisque pour le concert acoustique, il n’est accompagné que du deuxième guitariste et du saxophoniste, ceux là même qui rivalisent de solos efficaces (4) sur le premier disque. Non, sa voix est tout simplement excellente, de ce ton enfantin chargé d’émotion adapté à certains textes naïfs comme « Children are people too »  ou « Society makes me sad », mais allant parfois chercher la rocaille nécessaire à l’interprétation de standards du rock ou du blues qu’il exécute avec brio. Je vous ai vu tiquer quelques lignes plus haut : oui il y a un saxophoniste sur les 37 titres. Il est bien connu que j’abhorre le saxophone, une seule note de ce maudit instrument défigurant n’importe quel morceau se voulant rock. Voici donc une exception (la deuxième étant le Fun House des Stooges), tant on dirait que James Heath (à la tronche aussi ridicule que son patronyme) insuffle à son jeu toute l’énergie du désespoir exprimé par Thunders dans ses chansons. Les plaintes et cris qu’il lance vont pour moi au-delà de ses indéniables qualités techniques. Troisième larron, le guitariste Stevie Klasson brille par son jeu technique mais pas démonstratif, et une belle complicité avec Johnny Thunders. L’album électrique est renforcé par une section rythmique efficace et une choriste qu’on entend peu (et qui semble très jolie, Mr « Born to Lose » n’étant pas le plus à plaindre de ce coté là…).

Ce n’est pas un hasard si le concert électrique débute par le medley d’un titre de Thunders (« In Cold Blood ») et un grand classique (« Hit the Road Jack »). Le disque alternera les deux sans qu’on sache parfois à qui l’on a affaire. Bien perspicace le novice qui pourra affirmer d’emblée que l’énergique « I Can Tell » est une reprise (en l’occurrence de Dr Feelgood) ou que le blues archi classique « You can walk my dog » est une composition de notre junkie préféré. Bref, Johnny and the Oddballs s’en donnent à cœur joie, dynamitant les « I wanna be loved » et autre « Personality Crisis » aussi bien que « Little Queenie » et « Louie Louie » (Chuck Berry), ou les instrumentaux terribles que sont « Pipeline » et « Wipe out ». Grand seigneur, Johnny Thunders termine sur un bon vieux « Gloria » qu’il revisite à sa propre… gloire, avant d’offrir à un public japonais forcément conquis un « Born to Lose » qu’on peine à croire tant l’heure et quart de pur rock qui vient de s’écouler laisse peu entrevoir les blessures du frontman (à quelques exceptions près dont, je vous le donne en mille, un superbe « So Alone »).

Sans atteindre le dépouillement de Hurt Me, le live acoustique, plus sobre que son pendant électrique, montre un peu plus la face mélancolique de Johnny Thunders, au travers de titres comme « Ask me no questions » ou « You can’t put your arms round a memory ». Ce concert est d’ailleurs bien plus personnel, puisqu’il ne contient que quelques reprises, principalement en début de set, dont les deux premiers morceaux (une belle version du « As Tears go by » des Rolling Stones et l’habituel « Joey Joey » de Bob Dylan). Johnny Thunders alignera ensuite une bonne partie de ses meilleurs morceaux, mélangeant tour à tour un bagout bien à lui (« Just another Girl », « It’s not enough ») et un désespoir qu’il n’arrive pas toujours à ravaler (« Lonely Planet Boy », « You can’t put your arms round a memory »). Le cynisme des textes semble l’emporter (« Ask me no questions », « I tell the Truth even when i’m lying »), comme s’il fallait rire pour ne pas pleurer, avant un final truffé de moments d’émotions, entre « Some Hearts » et « So Alone », qui clôture ce fantastique double album.

En présentant tout les visages du compositeur attachant et de l’interprète sincère que fut Johnny Thunders, Add Water and Stir fait mieux que le réhabiliter aux yeux de tous ceux pour qui le punk n’engendra que bruits et crétinerie, et pour tout les créteux qui ne virent en lui qu’une fiotte sensible et vendue : il leur adresse un double majeur bien tendu. « the only way you get respect is when you die » ? Encore raté Johnny, mais de quelques personnes, dont mon pote Duff et moi, tu as bien plus que du respect…

 (1) Même si c’est bien Steve Jones qui tient la guitare sur le premier album solo de Johnny Thunders, et que « Sad Vacation » a été écrite pour son pote, un certain Sid… De toutes manières, le live qui nous occupe n’a absolument rien à voir avec le punk, la partie acoustique en étant même aux antipodes.  

(2) titre qui ne fait pourtant pas partie de l’édition originale de l’album, c’est un bonus rajouté sur la réédition !

(3) ce qui ne manque pas d’ironie, puisque ce sont là les derniers concerts qu’il donna avant une mort dont j’ai appris avec surprise aujourd’hui en regardant Wikipedia qu’elle était assez controversée…

(4) cf l’article de Guic.

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