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Blinking Lights (and other revelations)
7 octobre 2019

Hors Série #05 - Love Tape 1

 

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Pendant mes dernières années étudiantes à Metz, quelque part entre la cassette 095 et la cassette 140 (1), j’ai rencontré Mélaine. Une jolie histoire que cette rencontre d’ailleurs (à Taizé, pour ceux que ça intéresse), au moment même où suite à une énième déception sentimentale j’avais décidé d’arrêter ma quête de l’âme sœur pendant un moment. Il y a eu des trajets en train, quelques week-end ensemble, et beaucoup de lettres. Et puis un échange de cassettes. Bien que la plupart de mes précédentes copines ne m’aient pas laissé le temps d’en confectionner, ce ne devait pas être ma première cassette d’amour. Je ne me rappelle plus qui, combien, quoi, seule cette cassette a survécu car seul cet amour a survécu : je suis avec Mélaine depuis 18 ans, nous sommes mariés depuis 13 ans (tout pile, au moment où j’écris ces lignes). Ecouter cette cassette d’amour, c’est me remémorer le jeune homme que j’étais, avec ses espoirs et surtout ses doutes. C’est aussi un point figé sur mes gouts de l’époque, les artistes qui me tenaient vraiment le plus à cœur, ceux qui me semblaient le mieux me représenter et faire comprendre qui j’étais à ma belle. Cependant, comme toute histoire est modifiée par celui qui l’écrit, il fallait évidemment que cette présentation soit à mon avantage, et montre aussi une compatibilité avec l’élue de mon cœur : un tri avait été effectué parmi les artistes et un choix orienté parmi les chansons. Mais la liste est je crois assez représentative de ce que j’écoutais à ce moment-là, et si aucun groupe de hard, metal où punk n’y figure c’est au moins autant pour ne pas effrayer Mélaine que parce que j’étais alors passé à autre chose, à des groupes exprimant plutôt une forte dose de mélancolie qui imprègne les 90 minutes de cette cassette.

 

 

 

A tout seigneur tout honneur, c’est bien sûr les Smashing Pumpkins qui entament la Love Tape, avec un titre idéal : « to Sheila ». Il m’est difficile de concevoir qu’on ne puisse apprécier la délicatesse et la douceur de ce morceau, même pour ceux qui ont du mal avec la voix spéciale de Billy Corgan, ici doublée dans des refrains bouleversants. Loin des « Bullet with Butterfly Wings » ou « Ava Adore » saturés qui avaient fait leur réputation, c’est avec une autre balade aux mélodies poignantes que j’avais convoqué les Pumpkins en deuxième face : la version live de « Stumbleine » jouée pour la tournée Adore, une merveille. A suivre, un extrait fort judicieux de la BO de l’Etrange Noel de Mr Jack montrait mon gout prononcé pour l’univers de Tim Burton, ses personnages aussi enthousiastes que décalés, le désir de magie et de féérie qui les animaient, toutes choses auxquelles je m’identifiais énormément. « Que vois-je ? » où Jack découvre émerveillé l’ambiance des fêtes de Noel ne pouvait que plaire à Mélaine, qui encore aujourd’hui adore les hivers enneigés. Une de mes spécialités était les transitions entre les chansons, et celles-ci sont effectivement très bien construites sur les 5 premiers titres (malheureusement c’est beaucoup moins le cas par la suite). On passe ainsi d’un romantisme pur culminant sur « Sleep the Clock around » de Belle and Sebastian à un coté plus sombre et triste dont les premiers accents se trouvent sur les couplets d’« Hyperballad » de Bjork,  pour finir la première face par des chansons évoquant mon côté solitaire. En bref pour une Love Tape le début est quand même plus réussi.

 

i 

 

Autre point que j’ai remarqué, c’est le côté assez simple et répétitif de bons nombre de ces chansons qui régulièrement tournent en boucle un riff ou une suite d’accords, ce qui m’a souvent plu mais n’a peut-être pas accroché une mélomane comme Mélaine. Tout comme des chants que j’estimais dans la fourchette haute de mes écoutes (Alanis Morissette, Thom Yorke…) mais qui évidemment ne devaient pas faire mouche auprès d’une spécialiste des chœurs baroques.  Impossible pour moi de ne pas citer Mogwai, mais j’essayais d’éviter les brusques explosions de larsen et les chansons de 20 minutes, et proposais en compromis « Yes ! i am a long way from home », qui de toutes manières a toujours été l’un de mes favoris. Pour Eels, plutôt qu’un « PS : You rock My World » attendu, j’avais privilégié « Last Stop : this Town », entre autres parce qu’il y a des parties de clarinette et que c’était l’instrument principal de Mel. Dionysos est particulièrement mis en avant avec trois extraits d’un Haiku qui tournait en boucle chez moi, avec ce côté enfantin et poétique que j’appréciais énormément, tout comme l’aspect lunatique d’un quintet alternant tristesse et rock festif avec égal brio (caractéristique d’ailleurs de beaucoup de mes groupes fétiches  d’alors). « Poissons = Stickers » et « Only Knees » étaient plutôt tristes et révélaient aussi l’énorme manque d’assurance dont je souffrais (pour ceux qui me connaissent, je vous assure que j’ai énormément progressé à ce niveau-là même si c’est parfois dur à croire). Un manque d’assurance qui me vaudra (entre autres raisons) d’échouer 6 fois à l’examen du permis de conduire, malédiction qui prendra fin (coïncidence ? je ne crois pas…) quelques mois après ma rencontre avec Mélaine. D’où le clin d’œil avec le morceau « Coccinelle » de Dionysos et son refrain si adapté à ma situation (je ne sais pas si Mathias Malzieu a fini par passer le permis…)

 

 

Le début de la deuxième face présente un côté un peu plus bizarre, un peu torturé. De manière inattendue, Sixteen Horsepower est l’un des groupes auquel Mélaine a le plus accroché (pas forcément ce « Brimstone Rock », mais elle aime bien « American Wheeze » par exemple). L’accordéon et le banjo devaient lui rappeler certaines formations de la nouvelle scène française qu’elle écoutait pas mal  quand on s’est rencontré. Les Pixies se devaient d’être au menu (évidemment avec « Hey », chanson d’amour aussi superbe que dérangée), tout comme les Who dont le flamboyant « Baba O’ Riley » version live agrémentera notre entrée dans la salle du banquet de mariage, 5 ans plus tard (hé, oui, on a fait tourner les serviettes sur ce morceau). Romantique, Mélancolique, Solitaire, Bizarre, Enthousiaste, Rêveur, Fêtard, Artiste… A prendre ou à laisser, mais finalement : pourquoi pas ?  En filigrane, quand même, cette peur de ne pas être à la hauteur, ces relents de défaitisme voire de lâcheté, ces « I Might be Wrong », « How to Disappear Completly », ces « Not Ready Yet » qui en disaient beaucoup (ici en version live acoustique toute calme, tirée de la tournée Daisies of the Galaxy). Ce truc qui avait dû en faire fuir plus d’une, et qui aurait pu tout faire foirer encore. La plus grosse erreur : « Without You i’m Nothing ». Non pas  la chanson de Placebo, sommet émouvant d’un dernier groupe fétiche à la présence indispensable, mais le titre en lui-même, celui que j’avais choisi pour nommer la cassette. Without You I’m Nothing, après quelques mois, vraiment ? On s’est échangé les cassettes, et en guise de test, on est parti chacun de notre côté pour les grandes vacances. Mes dernières vacances d’été étudiantes. Après, ça serait le classique enchainement, permis, boulot, mariage, enfants, et l’accélération permanente. Peut-être que Mélaine a hésité à mon retour, peut être que ça n’a tenu qu’à un fil, mais ça a tenu. J’ignore si elle regrette le type qui a enregistré cette cassette. Il n’existe plus aujourd’hui. Ou juste en fantomatique présence planquée dans les rayonnages Cds et vinyles de l’appartement.

 

(1)    Plus de 40 cassettes de 90 mn en un an et demi, j’ai passé beaucoup de temps à la médiathèque et à mon bureau dans mon petit studio….

 

 

 

Dans la grande tradition des années  90, cette cassette contient un titre caché. C’est l’enregistrement d’un des groupes que j’avais monté à l’Ecole d’Ingé,  où nous interprétons d’honnête manière « I like Birds » (Eels) devant un public que j’encourage même à participer pour le refrain (ce doit être pour la fête de la musique). Marrant comme ces ultimes minutes présentent un personnage tout autre que le reste de la cassette, une sorte de leader malgré tout. Le petit punk qui dort derrière les épais barreaux de la bienséance dans mon cerveau, mais qui s’évade de temps en temps, par on ne sait quel prodige…

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Commentaires
E
Très touchant. Merci pour l'agréable lecture (et puis Not Ready Yet et Last Stop : This Town, on fait difficilement mieux comme choix pour Eels). <br /> <br /> Moi aussi, j'ai fait des compils à ma belle, mais c'était sur des cds, et je trichais, je connaissais déjà ses goûts (enfin ce qu'elle aimait de mes goûts serait peut-être plus exact). Mais elle adore aujourd'hui bon nombre de groupes découverts peu après notre rencontre, Eels en tête (et j'ai regretté de savoir que si elle avait du Radiohead, Portishead et Sigur Ros dans sa cdthèque à notre rencontre, ce n'était pas tant qu'elle aimait ces artistes - c'est quand même le cas - que pour souligner nos affinités musicales...). <br /> <br /> Bref, merci, car chaque belle histoire comme celle-ci renvoie à la sienne, et c'est bien agréable !
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L
bien beau billet (encore)<br /> <br /> et la pochette, ton oeuvre ?
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