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C’étaient les années où l’on pouvait trouver gratuitement des magazines musicaux mensuels assez bien foutus dans des boutiques, sans qu’ils en soient à  mon avis beaucoup plus dépendants que les Rock N Folk et compagnie… Celui de la Fnac s’appelait Epok (de 2000 à 2007), un autre Buzz, et celui que je prenais le plus souvent était le Megapresse édité par Virgin. Avec leurs chroniques et leurs interviews, ainsi que de belles photos, c’était devenu une bonne source de découvertes pour moi : hé oui, rappelez-vous que le net balbutiait, et que je ne l’avais pas encore chez moi en cette belle année 2002 où le groupe Lambchop venait de sortir Is A Woman, fort mis en avant par lesdits magazines. Ainsi donc empruntais-je du Lambchop, à commencer par un Thriller de 1997 dont je ne me rappelais de rien, pas même, fait inhabituel, de cette pochette pourtant fort jolie.

Enregistré pour moitié soit donc 4 morceaux, Thriller me surpris tout d’abord par un ton enjoué et plus rock (alternatif) que ce que j’avais imaginé du groupe (et que ce que j’en avais retenu du concert de 2013 où je fus invité par un ami). Mais ce « Your Fucking Sunny Day » funky avec supplément cuivres diablement entrainant était bien trompeur, et le reste beaucoup plus calme. Des ballades aux arpèges tranquilles, un peu de slide guitare, de xylophone et de chant mélancolique, qui m’ont évoqué les débuts de Calexico. Pas de quoi noter ce disque d’une pierre blanche, mais plutôt agréable.

 

 

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Dès sa sortie, je me jetais sur le dernier Arab Strap en date, Monday at the Hug & Pint. Je ne sais pas trop ce que j’en attendais, je fus un peu déçu à l’époque, quoique pas autant qu’avec son prédécesseur. Et pourtant, quel album, dont le titre évoque déjà tout, triste comme un lundi, avec des (tentatives) de câlins et des (miles) de pintes... Le post rock à la rythmique bien lourde et saturée de « Fucking Little Bastards » ne pouvait que me plaire, dynamitant encore aujourd’hui les setlists du faux duo. Mais ma petite préférée, c’est « Who Named the Days ? », rengaine pâteuse sur une addiction à un vieil ami, l’alcool qui fait toujours tout foirer, à moins que ce ne soit, déjà, Comus ? Le reste c’est des valses bien glauques, un violon bancal faisant la paire avec le chant de Moffat, de plus en plus fatigué. Des valses où ça tourne plus très rond, où le gars renverse son verre et la femme, cette maladroite, se fait encore un ou deux bleus en se cognant à la table. C’est « Act of War », chef d’œuvre d’écriture sur un couple disfonctionnel, la sempiternelle clé de l’œuvre humide et frissonnante d’Arab Strap, qui célèbre par le clin d’œil blagueur « the Week Never Starts Round Here » son premier album sorti 7 ans auparavant. Il faudra bien y venir à ce début de semaine, la gueule de bois encore vivace, dans la vielle odeur de tabac froid, de javel et de bière mêlée au fond de ces bars écossais perdu vers le Loch Leven, ces Hug & Pint où Middleton et Moffat vinrent, en quelques goulées, chercher l’inspiration pour nous recracher, à des centaines de kilomètres, ce morceau de noirceur.

 

 

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Cela va être de plus en plus le cas, maintenant qu’on s’approche mine de rien de la fin de cette rubrique insensée : après le temps des découvertes puis le temps de l’exploration des discographies, voici le temps où l’on raccroche à l’actualité d’un artiste aimé. Arab Strap tout à l’heure et Lisa Germano maintenant, qu’on avait quitté il y a bien longtemps (épisode #079) sur son difficilement trouvable premier album et qu’on retrouve en 2002 avec sa sixième parution, Lullaby for Liquid Pig, titre qui en dit là encore beaucoup sur son contenu, cet espèce de fantasme lointain, musique aussi flottante que le corps bleuté sur la pochette, comme enregistrée sous l’eau. Si elle partage avec les deux compères écossais cette tristesse immanente, Lisa Germano est seule, et cela s’entend. Les mélodies sont fragiles, le chant est un souffle s’appuyant tant bien que mal sur quelques notes de piano. On reconnait la patte de l’autrice d’Excerpts from a Love Circus, mais en filigrane, et si l’émotion parvient souvent à nous atteindre malgré le brouillard, Lullaby for Liquid Pig en ressort fatalement moins marquant que ses illustres prédécesseurs. Lisa Germano sortira par la suite encore trois albums que j’ai assez peu écoutés, avant de disparaitre pour de bon. Silence complet depuis maintenant 10 ans.

 

 

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Et voici donc Is A Woman, album que Lambchop venait de sortir à l’époque de l’enregistrement de cette cassette, qui avait eu bonne presse et que j’avais enregistré dans une large proportion. Etonnant, car l’ensemble est très monolithique et calme, batterie et basse en sourdine, un peu de guitare, seul le piano est mis en avant pour accompagner la voix profonde de  Kurt Wagner. Un groove timide s’invite à quelques reprises (le dernier titre, « Is A Woman », est même un reggae !), mais dans l’ensemble c’est du feutré à la Mark Eitzel, qui s’écoute distraitement en attendant la suite. Mais de suite ici il n’y aura pas, n’ayant pas assez accroché pour fouiller une discographie très fournie. Je croiserais quand même une dernière fois la route de Lambchop lors de sa venue à l’Epicerie Moderne il y a dix ans, pour une soirée agréable et amicale placée sous le signe de la charentaise.