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Blinking Lights (and other revelations)
25 avril 2015

La légende du CAN et son terrible Cannibalism 1...

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Les allemands ne sont pas particulièrement réputés pour avoir apporté au rock des groupes de légende (en musique classique, ce n’est bien sur pas la même chose), même si de temps en temps émerge un Scorpion ou un Rammstein. Pourtant une bonne partie de la musique moderne, rock (dont Sonic Youth), postrock et surtout électro  a été influencée par un groupe allemand peu connu du grand public, CAN. Les musiciens de Can sont issus de la musique classique contemporaine : les fondateurs (Holger Czukay, bassiste et Irmin Schmidt, claviers) sont des élèves d’un des plus grands compositeur de ce siècle, Stockhausen, précurseur dans l’utilisation de l’électronique dans la musique, qui est décédé récemment. Le batteur Jaki Liebezeit vient du free jazz, et le guitariste Michael Karoli a fait des études poussées sur les musiques tribales. Mais lassés du cercle fermé dans lequel ils évoluent, ils fondent le groupe justement sur le principe de désintellectualiser la musique. Liebezeit par exemple qui dans le jazz s’obligeait à ne jamais utiliser dans une chanson le même riff, s’autorise maintenant le même mouvement de batterie pendant de longues heures, donnant un coté hypnotique à plusieurs compos. La grande culture musicale des membres du groupe se retrouve cependant tout au long de leur discographie, et leur permet d’aborder sans complexes des genres qui n’ont rien avoir entre eux, et de les mélanger allègrement, créant ainsi des ambiances uniques. Pour compléter ce groupe éclectique, le sculpteur Malcom Mooney devient leur chanteur avant d’être remplacé (pour cause d’internement psychiatrique, hé oui…) par Damo Suzuki qui lui partira pour devenir témoin de Jéhova. Une autre caractéristique très intéressante de Can est leur manière d’enregistrer. S’étant dès le départ construits leur propre studio, et n’étant donc plus soumis à des contraintes financières ou managériales, ils improvisent durant de longues sessions des morceaux, le bassiste se chargeant de mixer les meilleurs passages sur un modeste 4 pistes à cassettes. Le morceau répétitif de 20 mn « Yoo doo right » est ainsi tiré d’une session qui dura plus de vingt heures !

Dernière originalité, Can ne donna jamais deux concerts identiques puisque l’essentiel de leurs prestations était de l’improvisation, avec comme point de départ ou apparaissant de temps en temps des mélodies de leurs titres enregistrés. Un groupe fascinant dont on savourera particulièrement, une fois n’est pas coutume, le très bon premier best of Cannibalism 1.  Celui-ci se concentre sur les quatre premiers albums (1969 à 72), d’orientation plutôt Krautrock  (ce sont même des références de ce mouvement), qui sont pour moi les meilleurs du groupe. Les morceaux s’appuient sur une basse répétitive souvent simple, et sur le jeu impressionnant du batteur, très marqué et présent. Par-dessus viennent se greffer une guitare qui improvise de longs solos (le son n’en est pas toujours très agréable), le clavier tantôt rythmique, tantôt plaçant des sons incongrus épiçant le morceau, et la voix swinguante (période Mooney) ou aérienne (période Suzuki) du chanteur. Le morceau mute lentement, les mélodies se succèdent, un solo apparaît comme par magie puis se fond dans le décor, bientôt remplacé par celui d’un autre instrument. Le premier album, Monster Movie, basé sur la structure décrite précédemment, se retrouve en quasi intégralité sur ce best of, les deux albums s’ouvrant sur le rapide « Father Cannot Yell » et s’achevant sur les vingt minutes de « Yoo Doo Right », morceau d’anthologie déployant tout le talent de Can.  « Mother Sky », piste principale du deuxième album Soundtracks, se trouve aussi sur Cannibalism 1 mais en version raccourcie (6mn au lieu de 14), ce qui constitue peut être le seul regret de ce best of. On trouve aussi des morceaux plus courts et plus conventionnels, tels le beau « She brings the rain » basée cette fois sur la voix grave de Mooney, ou le rigolo « Mushrooms ».   Ege Bamyasi, (number 4), est l’album contenant le plus de titres de ce genre, (« One More night », « Spoon » et d’autres absents du best of comme l’hystérique « Vitamin C » ou le calme « Sing Swan Song ») et sera donc sûrement le plus abordable pour le néophyte. « Spoon » fut d’ailleurs un beau succès commercial en Allemagne, à la grande surprise du groupe !  Cannibalism 1 n’oublie pas pour autant le coté plus expérimental de Can : « Soup », « Aumgn » ou « Halleluwah » sont ici présentés en versions très raccourcies. J’avoue que je n’en suis pas fâché, car je ne supporte qu’à faible dose ce style de morceaux, bien que ceux-ci soient une part très importante dans l’esprit de la musique de Can. Pour tous les amateurs de cris, bruits d’instruments traditionnels posés aléatoirement sur des rythmes improbables,  et qui n’ont pas été effrayés par les petits extraits du best of, le must du genre reste Tago Mago (number 3), un des albums les plus célèbres de Can.

Manquent aussi à l’appel les anciens morceaux du style Monster Movie retrouvés par hasard dans les nombreuses cassettes du groupe et sortis en 1981 sur un album intitulé Delay 1968, dont « Butterfly », « Little star of Bethlehem » ou « Thief », repris sur scène de belle manière par Radiohead. Hormis ça, Cannibalism 1 est nécessaire et presque suffisant à tout amateur de rock sortant des sentiers battus. Par la suite Can inventa l’ambient sur Future Days, et testa de multiples styles (même le reggae sur Flow Motion) d’une manière très novatrice pour l’époque, mais forcément moins attirante aujourd’hui. Pour les plus curieux, un DVd est sorti récemment, mais il contient dans mon souvenir beaucoup plus d’interview que de musique (cela reste quand même très instructif). Et pour ceux qui la trouvent, la Can box contient un double CD live qui nous laisse entrevoir le talent d’improvisation du groupe. Eparpillés dans des projets solos pour le coup assez « intellos », les cinq membres originaux du groupe se sont retrouvés pour enregistrer en 1989 l’album Rite Time (vraiment pas mal), réunion qui ne se reproduira malheureusement plus puisque le plus jeune membre de Can, Michael Karoli, est décédé en 2001.

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