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Blinking Lights (and other revelations)
15 mai 2015

AKRON/FAMILY - 12 Novembre 2009 - Epicerie Moderne - Feyzin

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A force d’écoutes, j’avais fini par apprécier l’album Love is Simple d’ Akron/Family, découvert chez Nyko. Malgré les commentaires élogieux vus à de nombreux endroits, il n’en fut pas de même pour leur dernière production, Set 'Em Wild, Set 'Em Free, pour laquelle je n’ai pas eu le courage d’insister pour passer outre son extrême complexité. Cependant, j’en avais suffisamment lu sur le groupe pour ne pas laisser passer leur visite à la toujours irréprochable Epicerie Moderne et j’abandonnais une fois de plus femme et enfant pour affronter seul la pluie en direction de Feyzin. Arrivé un peu en retard, j’eu la surprise de voir un attroupement sur le parking, mais c’est pour une conférence connexe que ce troupeau était là, et je pénétrais dans une Epicerie déserte, une fois de plus en configuration assise maximale.

C’est donc dans un silence glacial à peine troublé par quelques claps de mains de bons potes que la première partie entre sur scène. L’attente se prolonge pour le réglage d’un petit souci technique, puis le quatuor Jerri entame son set. Ils proposent tout d’abord une sorte de trip pop savoureuse, comme si Brian Molko avait créé un side project avec Portishead. Progressivement, le concert devient de plus en plus electro, les guitares sont posées, les machines s’ajoutent à l’imposant clavier placé au centre de la scène, les beats numériques doublent les coups du batteur, et une platine vinyle vient déposer quelques samples sur l’ensemble. La musique est de plus en plus rythmée, les fourmis viennent aux pieds mais personne n’ose se lever, l’ambiance Bjorkienne de certains morceaux est finalement pulvérisée dans un electro punk intitulé « Cum-opera(ted) », puis le concert se termine sur deux ou trois titres plus calmes, dans l’esprit du début du concert. Musicalement c’est tout à fait excellent, mais un détail d’organisation aura nuit à la mise en place d’une ambiance et d’une vrai progression dans l’univers du groupe. Comme nous l’a expliqué son chanteur leader, Jerri est un collectif né de la fusion de plusieurs groupes de la scène Stéphanoise, le concept étant de laisser chacun s’exprimer sur tous les instruments qu’il maitrise. On a ainsi quatre batteurs potentiels, et chaque titre verra un nouveau musicien s’installer derrière la batterie. Cela est certainement ludique pour les répètes, et admirable en soi, mais c’est surtout dommage en concert, les longs blancs nécessaires aux changements d’instrument, maladroitement comblés par des explications inopportunes du chanteur, faisant un peu retomber la mayonnaise sonore impeccablement cuisinée par Jerri sur chaque titre. Et puis, on se rend rapidement compte qu’il y en a un des quatre qui est bien meilleur batteur que les autres…C’est le seul point négatif d’une prestation qui semble avoir ravi le groupe, car c’est avec un grand sourire que les quatre gars saluent un public qui a considérablement enflé pendant l’heure qu’a duré le concert. Séduit, je projette d’acheter leur disque et de discuter un moment avec eux à la fin de la soirée.

J’attends l’arrivée de la famille Akron en sirotant une bière et écoutant pour la troisième ou quatrième fois de la soirée le Dark Night of the Soul qui tourne en boucle dans la platine de l’Epicerie. L’occasion de voir quels titres du disque tiennent la distance. Il y en a peu. Pendant ce temps, la famille Akron marque son territoire, un triangle formé de deux tables recouvertes d’un tissu coloré et de multiples pédales, instruments et objets sur le devant de la scène, et d’une tenture composée d’un patchwork de bandes rouges et blanches surmonté du faux drapeau américain de la pochette de l’album tendue derrière la batterie ; 

 

Le concert d’Akron/Family ? Indescriptible….

 

Bon, j’en vois un ou deux qui sont déçus dans le fond, je vais donc la tenter, cette review….

Je suis surpris de voir arriver un trio sur scène, je pensais qu’ils étaient plus nombreux, et quiconque aura loisir d’entendre un enregistrement du concert pourra légitimement douter qu’ils ne sont que trois pour produire un tel festival sonore. Il y a donc un balaise tatoué barbu et rigolard à la basse, un guitariste au look improbable, bandeau de tennisman tenant ses longs cheveux, barbe fournie et petites lunettes sur le nez,  et un batteur habillé sobrement, avec un bandana entourant son crane coupé court, dont on remarque les grands yeux bleus et qui parait assez jeune (sa barbe est plus courte que les autres). Les débuts sont très calmes, pendant de longues minutes Akron/Family installe une ambiance mystique à l’aide de flutiaux et de grelots, avant d’entamer une magnifique chanson folk à trois voix. Des instants les plus sereins jusqu’à la plus totale anarchie, leur musique sourd d’une pulsation qu’on croirait initiée par la Planète Terre elle-même. Dans le même champ lexical, qui vient inévitablement à l’esprit à l’écoute du folk-tribal-rock du groupe, le concert se déroule suivant de fascinants cycles. Après une partie calme avec de beaux chants et quelques notes délicates, comme une prise de respiration, le rythme s’accélère, un rock plus classique se met en place, tout le monde tape des mains, puis les premiers larsen débarquent, un premier musicien abandonne pour bidouiller des claviers, puis un second lâche son instrument, le bassiste ou le batteur tient la baraque grâce à un niveau technique incroyable pendant que les autres se lancent dans la course au bordel, tapant sur tout objet à proximité, débranchant les instruments, jouant avec les larsen comme des gamins, hurlant dans un micro (ou deux). Pendant ces phases, chacun aura au moins une fois mangé son micro, et à une occasion le bassiste aura entamé son instrument, probablement atteint d’une subite fringale. Puis, comme ivres morts de leur propre violence, le trio s’apaise, jusqu’à ce que ne subsiste plus que quelques coups de baguettes et que s’élèvent à nouveau un chant dans le silence retrouvé. Il faut une incroyable maîtrise pour se permettre de jouer ainsi aux montagnes russes sonores 4 ou 5 fois de suite sans perdre son public, avec au contraire un enthousiasme de plus en plus fort à chaque fois. Je suis seul comme un con à me balancer devant la scène lorsque débute le concert, nous serons une trentaine (1) à sauter et répondre en écho aux demandes chantées du bassiste lorsque le groupe quittera une première fois la scène. Pour être franc, je n’ai pas apprécié toutes leurs transitions, parfois tirées par les cheveux et atteignant souvent un niveau sonore rédhibitoire. Mais j’ai été impressionné par la manière qu’avait le groupe de toujours retomber sur ses pieds, d’être en cohésion totale malgré la complexité de nombre de leurs compositions, et la part d’improvisation de leur show que je suppose non négligeable à quelques signes, comme certains regards concentrés du batteur à ses potes. Leur technique ne les empêche pas de proposer des choses excellentes avec uniquement deux accords et des percussions, et ce que j’ai apprécié le plus est leur manière de chanter à trois voix (oui, Akron/Family est le seul groupe qui possède un chanteur batteur sans que ce soit n’importe quoi). Lorsque le groupe revient pour un rappel, le bassiste réussi enfin à faire lever les trois quarts de la salle, et c’est serrés comme à un concert normal que nous assistons à une démonstration sur « Everyone is Guilty », digne des meilleures prestations live des Who. Encore plus que pour le gang de Pete, je me dis que leur musique n’a vraiment de sens que sur scène. Une scène qu’ils quittent après avoir tapés pendant de longues minutes un rythme envoûtant sur les amplis, le sol, un tambour, un couvercle de casserole etc… Ils progressent ainsi, et nous entendrons cloches et tapotements s’éloigner avec eux jusque dans les coulisses. Devant les acclamations du public, Akron/Family reviendra pour un dernier titre que j’ai pour ma part trouvé un peu de trop, mes oreilles commençant sérieusement à me faire souffrir.

Après cette fascinante orgie musicale, je me dirige vers le stand commercial. Premier arrêt chez Jerri, je discute un moment avec le chanteur. La scène Stéphanoise se porte bien, même si pour l’instant les multiples groupes de la ville n’ont de reconnaissance que locale. Le concert s’est très bien passé pour eux, l’accueil, les conditions techniques et le son idéal de l’Epicerie Moderne compensant très largement la légère surprise à jouer devant des gens assis.  Le bassiste de Akron/Family me fera d’ailleurs exactement la même réponse, et c’est encore un coup de chapeau à adresser à cette fantastique salle. J’achète le disque éponyme de Jerri, d’autant plus facilement que leur chanteur me précise qu’ils l’ont enregistré avec un son live, et que j’y retrouverai donc parfaitement ce que j’ai entendu ce soir (2). Puis je discute un moment en compagnie de quelques fans avec le radieux bassiste d’Akron/Family, qui apparemment s’est senti dans une forme olympique ce soir. Je repars épuisé d’être content avec le vinyle de Love Is Simple dédicacé par la paire rythmique du groupe sous le bras, et des explications sur son artwork que je partagerai avec mes fidèles lecteurs lors de l’ouverture prochaine d’une nouvelle rubrique sur blinkinglights…

 

(1)  oui, trente c’est nul. Et pourtant, pour le public de l’Epicerie, c’est énorme. Perso je ne sais pas comment les gens ont fait pour rester assis…

(2) c’est vrai que j’avais été déçu par exemple par le son de l’album de Vale Poher, riquiqui par rapport à la vague énorme produite sur scène. Mais Jerri n’est pas un menteur, le son du disque - que j’espère avoir le temps de décrire brièvement dans un article Unknown Pleasures car il mérite vraiment le détour – est fidèle à sa description…

 

PS : pas de setlist pour cette fois, mes maigres connaissances des disques du groupe ne m’ayant pas permis de reconnaître des morceaux de toutes façons complètement retravaillés et fondus entre eux, et le groupe travaillant comme soupçonné depuis le début sans aucun guide écrit à récupérer….

PS2 : bon sang, je ne sais pas ce que signifie Jerri en anglais, mais je n’ai absolument pas trouvé les photos du groupe escomptées en tapant ce mot sur google image…

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