ALBUMS 2010: Micah P Hinson - Lilium - Kristin Hersh

Le nombre d'albums de 2010 chroniqués par blinkinglights est à ce jour famélique. Le fait est que peu de disques sorti cette année m'ont vraiment marqué, et meme si certains m'ont plu, je n'ai pas toujours trouvé l'inspiration pour les défendre sur ce blog. En attendant une fin d'année qui devrait redresser la barre, avec notamment Yann Tiersen, le Delano Orchestra ou Shannon Wright, qui ne me décevront pas, voici trois premières chroniques rapides de disques de l'année.

Micah P. Hinson - and the Pioneer Saboteurs

Longtemps je n'ai pas su quoi penser de cet album. A force d'écoutes, j'ai fini par faire le tri. C'est un album qui contient plus de bons titres que de mauvais, mais qui déroule plus de minutes ennuyeuses que sympathiques. Si les jolies ballades folk sont nombreuses (« Take off that dress for me », « the Striking before the storm », « the hero will never hang » etc...), le disque est entaché de quelques titres beaucoup trop longs qui noient l'émotion des ballades en question. Les 7 mn de « the Cross that stole this heart away », placé en plein milieu de l'album, lui font particulièrement du mal. Et Micah P.Hinson rate aussi les autres moments stratégiques, le début (une introduction instrumentale à l'orchestre fort dispensable) et la fin, avec « she's building castles in her heart » (ou « on achève bien les insomniaques ») et un machin expérimental composé de 7mn d'intro en larsens et de 5mn d'orchestre de chambre. Autre problème, si l'on peut saluer l'effort que le songwriter a fait pour se renouveler après une très belle trilogie, on ne peut que constater que ses tentatives ne sont pas couronnées de succès, tant les meilleurs moments de And the Pioneer Saboteurs sont ceux qui ressemblent aux disques précédents. Qu'il s'agisse des parties instrumentales ou des appels à la guitare électrique (les malheureuses coupures de tempo sur « 2's and 3's »), on préférera zapper sur « My God, My god », un morceau tout simple mais tellement plus beau. Bref, Micah P. Hinson and the Pioneer Saboteurs est ce qu'on peut appeler un album de transition (du moins on l'espère), sur lequel il faut redoubler d'attention pour en extraire les savoureux passages...

Lilium - Felt

On imagine que ca ne doit pas être évident tout les jours de seconder un type aussi spécial que David Eugene Edwards. Pascal Humbert, l'excellent bassiste de feu 16HP et collaborateur régulier de Woven Hand, s'offre quelques moments de respirations au sein de Lilium, groupe qu'il a fondé avec Jean Yves Tola. Aujourd'hui en duo avec le guitariste Bruno Green, il sort un album surprenant intitulé Felt, sept ans tout de même après Short Stories, disque apprécié à l'époque mais oublié depuis. Très calme, à l'opposé de la tension qui s'échappe toujours plus ou moins des morceaux de Woven Hand, Felt nous invite à une grande respiration, un voyage nocturne où frottement d'animaux et bruissement du vent sont autant de notes et de mélodies. Avec la pedal steel, la trompette et la guitare acoustique, on pense au coté expérimental de Calexico. D'un autre coté, la belle voix grave d'Hugo Race, présente sur quatre morceaux, fait terriblement penser à celle d'Howe Gelb, et l'association avec la contrebasse évoque énormément Giant Sand (sur « Her Man Has Run » par exemple). Très bien construit, l'album équilibre avec brio les plages instrumentales et les chansons, et nous fait pénétrer dans son univers avec douceur, progressivement. Les deux premiers titres pour s'ouvrir à l'ambiance, puis deux instrumentaux pour nous captiver, et Felt ne nous lâchera plus, pas même pour l'osé « Amsterdam-Paris », composition minimaliste de près de 7 minutes. Si ce titre passe si bien, c'est aussi qu'il est encadré par les deux meilleures chansons de Felt, « Miracle », qui aurait pu figurer sur la setlist de l'album culte d'OP8 (Slush), et « Lily Pool », une ballade associant de beaux arpèges et la voix pure de Kal Cahoone, et dont l'ambiance m'a beaucoup fait penser à celle du premier EP de 21 Love Hotel. La fin de l'album, et notamment ce magnifique instrumental qui nous emmène si loin, « One Bear with Me », achève de faire entrer Pascal Humbert dans la cour des grands compositeurs français. Felt, où chaque piste raconte une histoire, est sans conteste l'un des plus beaux albums de 2010.

Kristin Hersh - Cats and Mice

C'est juste après que j'aie chroniqué un Live semi officiel et en aie acheté un autre, que Kristin Hersh sortait de manière cette fois plus classique ce Cats and Mice, enregistré en 2009 à San Fransisco. La différence, c'est simplement que les titres sont ici correctement listés et nommés, et qu'il y a un artwork (encore que dans ce cas précis, ils auraient pu s'abstenir). Sinon, le principe est toujours le même: Kristin Hersh, sa voix, sa guitare folk, et un public enthousiaste. Cette formule simple est celle qui sied le mieux aux compositions et au style de Kristin Hersh, qui s'amuse à interpréter des titres piochés dans l'ensemble de sa discographie, pour le plus grand plaisir du fan que je suis. Trente ans séparent les morceaux créés à l'époque de Throwing Muses, et les nouveautés dont on ne sait plus très bien s'il s'agit d'inédits ou non, Kristin Hersh ayant pris l'habitude de publier sur le net une partie de sa prolifique production (et je n'ai plus le temps de fouiller les sites de fan à la recherche de titres rares à télécharger). Le concert est pourtant extrêmement cohérent, la sincérité et l'inspiration de Kristin Hersh ne s'étant nullement émoussées au fil des années. A vrai dire, comme Kristin Hersh aime jouer en live quasiment l'intégralité de ses compositions, une recherche web est souvent nécessaire pour savoir si tel titre est un inconnu récent ou une obscure face b des années 80 avec Throwing Muses... C'est d'autant plus remarquable que les albums sont eux relativement différents: peu de choses en commun entre le folk dépouillé de Hips and Makers, le minimalisme glacial de the Grotto ou l'ambiance plus rock band du dernier album en date, Learn to Sing Like a Star, tous représentés à plusieurs reprise sur Cats and Mice. On regrettera simplement l'absence de l'excellent Strange Angels (mais pas trop Sky Motel, seul album plutôt mauvais de la songwritteuse). Le superbe Sunny Border Blue est représenté par l'un de ses meilleurs titres, « Spain », alors que de the Grotto on appréciera principalement « Deep Wilson » et du dernier album le splendide « Winter ». De grands classiques comme « Pearl » (symbolique de l'artiste, avec sa beauté et ses excès) ou « Your Ghost » sont joués, ainsi que des morceaux plus rares (comme le poignant « Tuesday Night », tiré de Hips and Makers, et qui conclue le set) et bon nombres de nouveaux morceaux. Parmi eux, deux titres qui figureront sur un prochain album, Crooked, prévu en 2010 (mais uniquement sur internet?) dont le très bon « Fortune », deux inédits notamment « Lemon Tree », La découverte de cet album pour moi, et un traditionnel (« One Train »). En parlant de traditionnel, Kristin Hersh en interprète quatre,dont son « Poor Wayfaring Stranger » toujours aussi raté. C'est probablement le seul mauvais titre du concert, de manière étonnante puisque quantité d'artistes bien moins prestigieux que Kristin Hersh ont repris de belle manière ce magnifique morceau. On eut préféré qu'elle choisisse  « When the Levee Breaks », dont sa version est autrement plus réussie. Cats and Mice est un album qu'on peut à la fois conseiller à un fan (qui entre inédits et morceaux rares trouvera largement son bonheur) et à quelqu'un qui souhaite découvrir l'artiste. La voix de Kristin Hersh, toujours aussi intense, y est en plus particulièrement juste, et la chanteuse, détendue comme à son habitude, raconte quelques histoires de son cru et plaisante avec le public sans trop empiéter sur le temps de musique. Un Live tour à tour charmant, prenant, émouvant et drôle, à l'image de son interprète, que l'on croise toujours avec plaisir...