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Blinking Lights (and other revelations)
1 avril 2006

Kristin HERSH - Sing Like a Star...

 Qui croirait que derrière cette songwritteuse aux allures de lady anglaise se cache une des premières Rrriot girls du rock ? Si Kristin Hersh est en effet peu connue du grand public, sa carrière commença il y a trois décennies au sein des Throwing Muses,  groupe de filles rebelles qui comptait aussi dans ses rangs sa demi sœur Tanya Donelly, partie ensuite fonder les Breeders puis produire ses propres albums dont le joli Lovesongs for underdogs. Les albums des Throwing Muses ont aujourd'hui terriblement vieillis, mais Kristin Hersh, lachée (ou lassée ?) progressivement par ses collaborateurs, excepté le fidèle batteur David Narcizo, dérivera du punk au folk et émaillera la discographie du groupe d'excellent titres (comme « Pearls » sur Red Heaven) qu'elle reprendra d'ailleurs pendant longtemps seule sur scène, au cours de concerts ou elle mit dans sa poche le public tour à tour ému par ses chansons et séduit par un humour ravageur (elle raconte notamment de multiples anecdotes sur la période bien dèche de son groupe).

 

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Rien cependant qui ne laissa présager la qualité de son premier album solo, Hips and Makers ,  que je classe en tête de mes albums féminins favoris, devant What would the Community think de Cat Power et Geek the Girl de Lisa Germano. L'auditeur est captivé dès la première chanson, « Your ghost », déjà un sommet où sa voix s'entremêle de la plus belle manière avec celle de Michael Stipe, dans le rôle du fantôme. Voix dans laquelle transparaît les forces et les faiblesses de Kristin Hersh, qui manque parfois de justesse mais jamais de conviction : assurément elle sait de quoi elle parle !  Les textes poétiques voire mystiques (« Houdini blues ») parlent notamment de la dépendance à l'amour ou l'alcool, souvent liés dans ses chansons (« Tuesday Night » ou l'insupportable manque...),  entraînant désespoir ou rage exprimés suivant les titres par une répétitivité mélancolique (« The letter », au format original, « Cuckoo », traditionnel alerte) ou des changements de rythmes soudains (« A Loon », « Sundrops »). Le plus souvent armée d'une guitare acoustique parfois rehaussée de quelques notes de violoncelle ou de tambourin, Kristin Hersh fait preuve d'un incroyable sens de la mélodie qu'on retrouve dans des arpèges lents (« Teeth » ou « Beestung », cette fois au piano) ou très complexes (« Velvet days » et « Me and my charms »).  La sincérité de l'auteur fait mouche à chaque coup, même pendant ses petites pauses instrumentales (« Sparky » et « Lurch »), jusqu'au poème triste « Hips and Makers » et ses paroles mystérieuses (« I married a boxer to keep me from fighting, i married a brewer to keep me from drinking ») s'achevant sur un « Finally it's alright » résigné. Ce disque méconnu est celui que j'aime le plus faire découvrir à des amis amateurs de bonne musique, avec un certain succès d'ailleurs.

 

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Kristin Hersh attend quatre ans avant de sortir en 1998 Strange Angels , album où l'on retrouve la voix et la guitare de Hips and Makers , sur des chansons aux structures toujours simples, mais aux arrangements plus travaillés : plus de pistes de guitares, et l'intervention plus régulière du piano ou de cordes. L'artiste n'a pas perdu son sens de la belle mélodie (les chansons « Stained » et « Shake »  enchainées) ou du changement de rythme (« Heaven »). Cependant ce disque est beaucoup plus apaisé que le précédent, même si l'on retrouve parfois cette alternance découragement/colère comme sur le titre « Hope » (titre trompeur pour une chanson qui parle encore du manque, du cœur ou de la bouteille). En ce sens, Strange Angels est moins poignant et marquant que le premier album, mais il en est une excellente alternative dans les moments où l'on aspire à moins de noirceur. Parmi les nombreux excellents titres, on retiendra particulièrement « Gazebo tree » (aux paroles aussi obscures que son titre), une guitare répétitive et mélancolique, la voix de Kristin, rien de plus simple mais aussi rien de plus beau... Avec son ironie coutumière, l'américaine termine son album (et ses concerts) par une noire comptine d'une minute baptisée « Cartoons », histoire d'une guerre banale de couple sur quelques arpèges.

 

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L'année suivante, c'est la sortie de Sky Motel.  Dès les premières notes d' « Echo »,  on sent que le style a radicalement changé, ou plutôt qu'on est revenu quelques années en arrière. Batterie, basse, guitare électrique, et un son un peu naze, on croirait entendre du Throwing Muses. C'est que malgré tout Kristin Hersh n'a jamais abandonné son groupe,  (d'ailleurs ils ont sorti un album il y a pas si longtemps), même s'il est difficile de savoir pourquoi certains albums sortent sous son nom et d'autres sous le nom du groupe, puisque de toute manière c'est elle qui fait tout. Mais bon, nous voilà donc (malheureusement) en présence d'un album des Throwing Muses déguisé. Si le premier titre explosif est plutôt pas mal,  ainsi que le très court rock « Fog » qui suit, les chansons s'enchainent ensuite sans retenir le moins du monde l'attention. Jusqu'à l'intro de « Cathedral Heat »,  qui se révèlera être le seul titre à la hauteur des espérances qu'on avait placé dans la brillante auteure, avec ses bons riffs de guitare, son intensification finale et ce sujet de paumé malade remarquablement écrit. On retombe ensuite dans des rythmes lents, et une torpeur qui s'apparente à de l'ennui... Sur la fin, « Spring » retient l'attention mais est trop crié pour émouvoir, et l'ambiance noire de « Clay feet » bien mise en place par la lugubre basse et le son bluesy de la guitare est  gâché par un refrain mille fois entendu. C'est encore un court titre, « Faith », qui tire son épingle du jeu et propose un final tranquille ponctué d'un peu de piano et de chant de grillons. Sky Motel  est donc une vive déception, surtout après les deux splendides premiers albums.

 

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Sachant que la miss peut déraper à tout moment du mauvais coté de sa discographie, c'est avec appréhension qu'on découvrait Sunny border blue, à peine rassuré par une sobre pochette mélancolique (qui restera l'unique bon choix en cette matière des disques de la rockeuse aux gouts artistiques euh... étranges). L'appréhension grandit à l'écoute de l'intro de la première chanson, elle nous a refait le coup de la batterie et de la basse ! Cependant on se rend compte rapidement que les deux albums ont peu de choses en commun. En premier lieu, Kristin Hersh a laissé tomber la guitare électrique et les longs solos, et ce retour à l'acoustique fait énormément de bien, d'autant plus que l'enregistrement ne souffre cette fois d'aucun défaut. Ensuite, la qualité des chansons est bien meilleure, les refrains plus accrocheurs, les mélodies plus efficaces. Elle rejoue à merveille de l'alternance couplets calmes / refrains rageurs (« 37 hours »), des changements de rythme (« Ruby »), en bref voici un album tout en nuances (comme la fausse douceur de « Flipside »).  En plus, Kristin Hersh abandonne un peu la poésie pour nous compter des histoires convaincantes : perte d'un enfant sur « Candyland », tromperie et culpabilité sur « Spain »,  thèmes tristes auquel s'ajoute souvent son favori (« Your Dirty Answer » : « It's not my fault you don't love me when i'm drunk »).  Et comment ne pas parler de « William's cut », une des plus belles chansons jamais écrite sur la drogue (« i lost every friend i ever made, but i like it too much »), sur le format le plus efficace de l'artiste, une guitare, une voix et un rythme lent et émouvant. L'écriture se fait inventive, les curieux solos dégingandés ajoutent du charme à « White suckers »,  et la « batterie saoule » (sic...) qui s'abat sur la magnifique reprise « Trouble » vient personnifier l'alcoolisme, oscillant toujours entre désespoir et rage. D'un abord moins évident que Hips and makersSunny border blue se révèle progressivement presqu'aussi bon, dans un registre bien différent. Même « Silica », chanson qui partait pour ne pas être passionnante, s'accélère d'un coup pour un final très poignant. « Listerine » vient conclure en beauté l'album, avec son rythme de basse entêtant et ce chant prenant qui vient du cœur, ou des tripes : « i couldn't wait to come down, there's nothing here but the ground... ». Kristin Hersh s'échappe donc des schémas tout tracés, qui la voudraient bonne uniquement sur des chansons épurées, et nous prend à revers avec la qualité de ces compositions, mise en doute sur Sky Motel.

 

 

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Autant dire qu'on n'est plus sur de rien lorsqu'on aborde The Grotto, cinquième œuvre sortie en 2003. Et effectivement,  cet album contraste absolument avec le précédent, pour se rapprocher dans son style de Hips and Makers, mais en poussant le dépouillement dans ses derniers retranchements. Une couverture sombre, une pochette avec quelques taches de couleurs, quelques lignes écrites sur la tranche (les titres des chansons se serrent sur le coté du disque) et trois petits portraits noir et blancs des musiciens : Kristin Hersh, Howe Gelb (leader des Giant Sand), et Andrew Bird. Coté musique, guitare sèche, voix (souvent rauque), rehaussés par du piano et du violon. En fait, ce disque semble constitué autant de notes que de silence, à l'image du premier titre « Sno Cat » (ou encore « Silver sun » et « Milk Street »). Une douceur inhabituelle se fait entendre (« Deep Wilson »), même si l'on retrouve quelques arpèges qui nous ramènent au premier disque de l'américaine (« Vanishing Twin », « SRB »). Les mélodies coulent doucement sans trop accrocher l'oreille, mis à part peut être celle de « Vitamins V » ou le son piano bar d' « Arnica Montana », les chansons se font plus longues (la finale « Ether »,  6mn). The Grotto est un disque atypique, sans aucun tube ou single (on dirait que tout a été fait pour qu'il passe inaperçu), un compagnon de soirées solitaires à écouter tranquillement bien au chaud dans sa grotte.

 

 

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C'est après une pause de 4 ans que sort le nouvel album de Kristin Hersh. D'évidence, celle-ci a décidé de ne plus choisir entre ses deux styles habituels opposés et de soigner cette schizophrénie en conviant à la fois batterie, guitare électrique, piano, violon et guitare acoustique. Il en ressort un album varié et très travaillé, un peu complexe, à l'image d'une pochette moderne et du titre Learn to sing like a star, spam que Kristin Hersh a reçu incessamment pendant tout l'enregistrement du disque. Meilleurs exemples, les titres « Sugar Baby » et « Peggy Lee » allient énergie rock, voire grunge, et douceur acoustique dans un mélange qui évoque parfois Nirvana. Symbole de la nouvelle complexité des compositions, le premier titre « In shock » fait intervenir tout les instruments dans un ballet très rythmé qui se termine par une belle partie de violon et de violoncelle. Le contraste est frappant entre la douce ballade « Nerve endings » et l'agressivité de la voix et de la batterie de « Day Glo », chanson s'appuyant aussi sur des accords lourds de guitare. La tension retombe avec un clin d'œil humoristique (« Christian Hearse », parodie du nom de la chanteuse, est un petit enregistrement fourbe du fils de la chanteuse gratouillant peinard dans son coin), « Ice » que je trouve un peu mièvre et « Under the gun » qu'on croirait tiré d'un album de Throwing Muses. C'est d'ailleurs l'éternel David Narcizo qui tient la batterie sur l'album. Kristin Hersh ralenti le tempo avec des petites pauses qu'elle affectionne (morceau courts instrumentaux intitulés « Piano 1 et 2 »)  avant de terminer en beauté son Learn to sing like a star. « Vertigo »  a parfois des airs de déjà entendu, mais possède des passages arpèges/violons délicieux, et le ton grave de « Winter » rendu par des cloches, les toms et le violoncelle en fait une des plus belles chanson de l'album. Vient pour finir « The thin man » et sa superbe mélodie, seule chanson répétitive de l'album et pourtant ma préférée. En fait, si la diversité des styles et des formats est le principal atout de cet album, avant peut être la qualité de ses compositions, je regrette pour ma part la mélancolie mêlée de rage du premier opus, rendu justement par des notes répétées et des variations de rythme ou de volume. Quant aux paroles, on retrouve ces textes mi poétiques mi violents avec toujours plus d'interrogations, notamment sur le couple et son échec, thème que Kristin Hersh creuse album après album refusant ou acceptant tour à tour la fatalité. Sans renier son passé, Kristin Hersh se renouvelle sans cesse, laissant à l'auditeur le soin de choisir parmi sa discographie sans fausse note (sauf Sky Motel ??) l'album qui le touchera le plus. Pour ma part, je suis curieux de savoir comment elle va traiter ces nouvelles chansons sur scène : avec un groupe, toute seule en acoustique, de manière rock ou folk, exclusivement ou en mélangeant toute sa discographie ? Mais la réponse ne sera donnée en France, une fois de plus, qu'aux seuls parigos...

 

 

 

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