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Blinking Lights (and other revelations)
17 janvier 2017

Leonard COHEN - You Want It Darker

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Des artistes que j’ai vus sur scène, Leonard Cohen fut sans doute le plus classe. Un charisme et une élégance incroyables, augmentant encore le respect immense que j’avais pour lui alors même que je ne suis pas son plus grand connaisseur, ni son plus grand fan. Cependant, il n’était pas évident que Cohen nous quitte sur un album si classieux, comme il quittait la scène en soulevant son chapeau old school et en s’inclinant modestement devant son public. Car c’est peu dire que sa discographie récente, celle parue après une retraite de dix ans, fut inégale. A mon humble avis, sur les quatre albums sortis depuis 2000, seules quelques chansons de Ten New Songs se hissaient à hauteur des précédentes, et seul Old Ideas (malgré un titre assez éloquent et des arrangements douteux) m’avait un tant soit peu intéressé. 

Et pourtant, dès la pochette de You want it Darker (superbe titre d’ailleurs), on sentit que les choses avaient changé. Viré le designer fou des pochettes précédentes, virés les arrangements pompeux et envahissants : bonjour noirceur, sobriété, classe…  Cohen est le seul songwritter que j’aime plus pour ses textes que pour sa musique, le seul poète qui s’est illustré judicieusement dans la chanson. Aussi commencerais je donc par évoquer les textes de You Want it Darker, comptant parmi les plus beaux écrits par le Canadien. Plus que jamais, le vieil homme s’interroge et imprègne son album de références religieuses. Non pas comme ceux qui, sentant leur heure venue, deviennent subitement bigots, mais comme celui qui aura, tout au long de sa vie et de sa carrière, cherché et douté. Pièce maîtresse du disque, « Treaty » en est le meilleur exemple: i’m so sorry for the ghost i made you be, only one of us was real, and that was me. La profondeur des textes tient aussi dans leur mystère : comme souvent dans l’art en général, et dans le passé du poète particulièrement, l’amour divin et humain se confond, laissant l’auditeur se faire sa propre idée, en particulier sur « if i didn’t have your love », véritable psaume moderne. Surtout, Cohen retrouve son sens de la formule, ces paroles qui coulent de source sans qu’on sache vraiment à quoi elles font référence, si ce n’est qu’elles s’adaptent à la perfection au format musical et imprègnent immédiatement notre mémoire. On pourrait citer des lignes et des lignes du livret, contentons-nous d’évoquer « Steer Your Way », rappelant les meilleures extraits des fabuleux albums I’m your Man ou the Future. Sans le son daté. 

Car l’autre bonne surprise de You Want it Darker, ce sont les arrangements. Est-ce parce qu’ils sont si mesurés, si réfléchis pour mettre en valeur le chant, que les textes on fait mouche si facilement, semblants bien meilleurs que sur les précédentes productions de Leonard Cohen ? Ce qui est sûr, c’est que la sobriété des guitares, pianos et cordes de l’album, perdue depuis si longtemps (concerts compris) qu’on ne se souvient plus trop du point de basculement, fait un bien fou. Excepté sur le refrain de « On the Level » et sur « Travelling Light », où l’on retrouve des chœurs un peu riches et quelques solos moins discrets (passages rares, donc supportables), la musique, de son tempo très lent, s’efface devant la voix du Maitre. Une voix qui nous avait sérieusement inquiétés sur Popular Problems,  et qui retrouve ici une paradoxale force dans sa douceur, dans sa profondeur. Aux paroles spirituelles, aux orgues et chœurs d’église (de synagogue, plus précisément), s’ajoute cette voix aux accents divins pour faire de ce testament un chef d’œuvre introspectif. Et si l’abandon est un thème qui traverse régulièrement You Want it Darker, ce n’est pas le sentiment qui restera dans le cœur des admirateurs de Leonard Cohen après cet ultime album. Jamais il n’aura paru si proche, et si éternel.

 

 

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Commentaires
L
si c'est plus light coté arrangements, va falloir que j'écoutasse alors...
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D
Jolie Chronique, pour un vraiment joli disque !
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