Yann TIERSEN - Les Retrouvailles

Le problème, c'est que Yann Tiersen avait pris l'habitude de nous étonner... J'avais découvert sa musique si particulière avec "le phare", album où il nous racontait avec brio une histoire mélancolique sur fond de paysages bretons et de villes aux ardoises trempées de pluie. Depuis, il multipliait les expériences, jouant avec les Married Monks sur la perle méconnue "tout est calme", nous entrainant en fanfare avec les Tetes raides pour "l'absente", rendant presque palpable la nostalgie sur la BO de "Goodbye Lenin" ou s'aventurant sur les chemins du rock indépendant en compagnie de la sombre Shannon Wright. Après tout ça, Yann Tiersen avait surement envie de ces retrouvailles avec lui-meme, avec ses instruments et ses arrangements. Chacun pourra donc trouver dans cet album ce qu'il apprécie particulièrement chez Tiersen. Pour moi, il n'est jamais meilleur que lorsqu'il flirte avec le rock (le morceau "la crise" par exemple). J'apprécie aussi ses "prières" ou "comptines" au piano et sur ce point, "les retrouvailles" m'offrent "la plage" et surtout "le matin", superbe mélodie. au niveau rock, Tiersen reste sage et n'exploite le potentiel de ses chansons que sur scène, excepté pour "la boulange" où il se lache un peu plus. Pour les instrumentaux, il faut attendre "la veillée" pour etre accroché et se sentir au coin du feu. On est aussi séduit par "les enfants", entrainant mais très court, et les amateurs de violon savourerons les quelques minutes de la fameuse technique que Tiersen nous ressert sur "7 pm". Coté morceaux chantés, on est souvent loin de la qualité de ceux des précédents albums. Elizabeth Frazer pose sa belle voix sur "Kala" et "Mary", mais ces morceaux ressemblent à ceux de son ancien groupe Cocteau Twins: très techniques, bien interprétés mais... chiants. Stuart Staples sur "a secret place" ne parvient pas à nous faire oublier Neil Hannon, quant à Jane Birkin, si sa voix convient bien à la belle mélodie de "plus d'hiver", sa prestation est limitée par des paroles un peu tirées par les cheveux. Reste le sommet de l'album, ce "jour de l'ouverture" où Dominique A, Miossec et Yann Tiersen parviennent en croisant leurs voix à dégager une étrange émotion. Cet album, loin d'etre mauvais, a simplement un petit air de déjà vu (peut etre voulu sur le morceau "les retrouvailles"). L'avenir dira si cette impression s'estompant il deviendra une référence dans la discographie de Yann Tiersen. Gageons plutot que nous retournerons réver du coté du phare ou tout est calme...

Comme souvent, Ce DVD accompagnant le CD audio est destiné aux fans de l'artiste ou aux passionnés de la gestation musicale. Il est en effet composé d'un patchwork de scènes nous décrivant la progression de Yann Tiersen dans la création de son dernier album. Les dessins sympathiques du menu nous proposent trois destinations; - Le magnifique film d'animation "Le train", fable poétique nous montrant Yann Tiersen à la peche au mots. Cette petite réverie, proposée aussi en plage suplémentaire sur le CD audio, nous permet en outre de savourer le morceau éponyme prétexte à une longue et étrange impro sur scène. - La dizaine de morceaux interprétés à l'espace VAUBAN dans une sorte de concert intimiste au coeur duquel nous sommes plongés grace au film. Pour ceux qui n'ont pas vu Tiersen sur scène, c'est l'occasion de voir le jeu de Christine Ott aux ondes Martenot ou les trouvailles de Marc Sens à la guitare, comme dans le très beau morceau "l'horloge" (joué aussi sur scène mais absent de l'album) rythmé par la voix de l'horloge parlante. Serrés dans une petite chambre, éparpillés dans diverses pièces ou dans l'escalier (pour le morceau du meme nom), Yann Tiersen et ses musiciens jouent naturellement, complices et concentrés. Quelques chanceux purent meme gouter à cette ambiance particulière, le groupe se produisant sur une petite scène devant des mini films montrant Tiersen faisant des crepes ou une fameuse partie de "Maquereaux boules" (cf menu des options...) - Les plus intéressés choisirons le film, dans lequel les extraits ci dessus sont mélangés avec des scenettes plus ou moins intéressantes. On y voit Tiersen seul, sur l'ile d'Ouessant, trouver les premières notes et enregistrer les premiers instruments. On envie sa liberté, motocycliste ou baigneur dans ces beaux paysages bretons, jouant tranquillement dans une petite chapelle dont il récupère le son des cloches pour la chanson "7 pm". Ailleurs, on envie son talent lorsque cerné par des tas d'instruments divers il les essaye tous pour sélectionner le plus adapté à la chanson "les enfants". La réalisatrice a l'intelligence de montrer quelques instants galères, ou Tiersen cède sa place à grand regrets à un quatuor après avoir peiné sur un violoncelle pour une chanson finallement pas retenue sur l'album ("octobre"). Yann se démystifie aussi en rigolant, mimant la mégalomanie de celui qui veut tout controler mais avoue son impuissance à jouer du moindre cuivre. Mais la création n'est pas que prise de tete, à voir comme il s'éclate sur le morceau "la boulange" ou avec ses potes Dominique A et Miossec pour "Le jour de l'ouverture". Comme sur le CD, ce moment est le meilleur. nous y constatons que c'est bien Dominique A qui mene la troupe. On se souvient alors que ses contributions sur "Monochrome" ou "Les bras de mer" ne doivent pas etre étrangères au succès de Tiersen. La partie sur le chant (de "plus d'hiver" à "Kala") est plus longue et n'a d'intéret que pour ceux voulant mettre un visage sur ces voix (on connait celui de Jane Birkin mais peu Elizabeth Frazer ou Stuart Staples). Le film se termine sur le fou rire des trois compères et une farce marrante, "la chasse au violon". Un film qui nous laisse entrevoir (et apprécier) la personnalité de Yann Tiersen mais nous fait craindre sa disparition prématurée tant il fume cigarette sur cigarette...