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Blinking Lights (and other revelations)
5 juillet 2015

WEEPERS CIRCUS + ERWAN PINARD - Jeudi 22 Mars 2012 - Marché Gare - LYON

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Il y a une vingtaine d’années, lorsque j’habitais Marseille, alors désert musical, je lorgnais avec avidité sur Lyon. Une ville qui accueillait de nombreux groupes connus et qui, de loin, semblait bien Rock. Peut être l’était elle d’ailleurs à l’époque, mais maintenant que j’y vis depuis quelques années, je découvre une autre réalité. En fait, Lyon est une ville socialiste, elle se déguise de colifichets de gauche mais dans son for intérieur n’est qu’une bourgeoise n’aspirant qu’à une chose, la tranquillité. Bref, elle « parait ». De loin on voit les Nuits de Fourvière ou les Nuits Sonores, de près on constate que ces événements sont des gros coups de pub (investissements espérant retours financiers) parasitant une vie musicale associative de plus en plus inexistante. Les batteries sont bannies de la ville, l’electro à peine tolérée, le folk peut encore murmurer… Un peu amère cette introduction, il faut dire que ma réalité est la suivante en ce jeudi soir : aspirant simplement à une répétition hebdomadaire et quelques concerts annuels dans des mini salles avec mon groupe, je me retrouve sans rien (plus de salle de répète - un voisin s’est plaint, et aucune réponse des lieux démarchés et relancés où nous souhaitions jouer). C’est donc avec les méga boulasses (en plus de cernes marquant un certain nombre de mois sans sommeil) que j’aborde cette soirée musicale pourtant sympathique sur le papier : l’un des rares moment de liberté en couple programmé depuis bien longtemps, et des retrouvailles avec les Weepers Circus, dont l’amitié avec Mélaine depuis plus de dix ans alors qu’on se voit très peu est vraiment touchante. Eric, le guitariste pitre géant, nous accueille avec un large sourire et quelques allusions salaces, Denis (notre contact clarinettiste)  nous a préparé deux invitations, et le Marché Gare est vraiment une salle agréable, je respire (avec une bière à la main ca va encore mieux).

 

Le programmateur du festival les Chants de Mars introduit à l’ancienne la première partie, un certain Erwan Pinard. Je redoute un chanteur engagé à la mode française seul avec sa gratte en bois, c’est trois lascars qui arrivent et qui rapidement m’en mettent plein la gueule. Un batteur qui sous ses airs lunatiques est un redoutable cogneur fleurant bon le punk épileptique. Son frangin à la guitare, un faux gentil qui m’apprendra à grand coup de décibels qu’un violon électrique peut remplacer à l’occasion une bonne guitare électrique saturée. Et puis le sieur Pinard, grand pince sans rire à la gratte acoustique, à la gueulante et aux pitreries. Dès le premier titre (« je ne dirai plus ») qui moque le politiquement correct, je suis captivé par la qualité des textes, et Dieu sait que je suis difficile avec le chant en français. Mais cette manière de dénoncer la déshumanisation progressive de notre société à l’aide de détails semblant anodins  mais qui sont en fait très révélateurs est extrêmement habile et brillante. Ainsi l’absurdité de la société de consommation est personnifiée par un amateur de « la poésie du dos des boites ». Coté voix, je pense bien sûr à l’inévitable Cantat (dès qu’on associe rock et bon textes en français il est un peu là) mais je capte aussi quelques accents Bashunguiens (« J’ai l’amour »). Erwan Pinard cabotine, interprète, surjoue : attitude irritante chez le tout-venant staracadémicien mais qui en cas rare de talent majeur est la cerise sur la tarte à la crème. Le public est hilare (ah, cette extraordinaire « séance de bien-être ») et gueulera à l’invite du groupe sur l’énorme « j’entends des voix », le titre le plus nerveux du set, fustigeant les voix digitales envahissant notre quotidien. Un autre titre m’aura particulièrement marqué, « Centre-Ville » et ses explosions, au texte qui rencontre un écho particulier chez moi en cette soirée puisqu’il traite  de la bobotisation de nos villes dont je m’estime victime. L’ironie de l’histoire est qu’Erwan m’apprendra l’avoir composée alors qu’il habitait rue Imbert Colones, c’est-à-dire la rue même de mon ex caisson de répète ! Ces bonnes explosions rageuses du trio cassant la routine désabusée des couplets de ce titre me ravissent, j’ai l’impression de m’exprimer par procuration. Après une dernière chanson aussi cyclothymique que nos semaines de citadins, Erwan Pinard quitte la scène emportant sous son bras le batteur tétanisé par une crise de stress malgré les bons conseils de relaxation du professeur guitariste. Rappelé par un public conquis, le chanteur fait un dernier pied de nez très drôle en forme de petit discours de footballeur (c’est vrai que ce bis on est allé le chercher avec nos trippes, bon à un moment Lionel manque de réussite sur un break etc…) avant de nous avouer qu’ils n’ont plus de temps pour jouer !

 

Après une bière, des félicitations sincères et un salut à l’ami Denis, je me place avec Mélaine devant la scène pour attendre les Weepers Circus, les secondes nous séparant du concert défilant sur un écran en fond de scène.  Les voici qui arrivent, dans des uniformes évoquant Jules Verne et son capitaine Nemo, en l’occurrence Alexandre Georges, chanteur et leader du groupe. Ces uniformes s’inscrivent dans leur nouveau spectacle N’importe où hors du monde, une histoire rétro futuriste qui courra tout le long du concert avec dialogues, extraits de films, scénettes et qui (autant le dire tout de suite) ne m’a pas vraiment convaincue. Denis nous diras d’ailleurs par la suite que le groupe se cherche sur ce point et n’a pas encore figé la mise en scène. Pour ce qui est de la musique, de l’ambiance des chansons et des effets comiques (bonjour à l’ami Baudelaire), le concert sera en revanche réussi. On commence doucement par deux morceaux un peu lisses du dernier album, sur lesquels Denis s’est mis au saxophone, puis « Sans vous aimer » lance un show plutôt rock où plusieurs nouvelles chansons nous font forte impression avec Mélaine.  Chaque musicien a une empreinte particulière : Alexandre Georges marche dans les pas de grands interprètes comme Brel  ou Bowie (1) qu’il honorera un peu plus tard ; Alexandre Bertrand à la batterie cogne comme un Bonham, et aura d’ailleurs lui aussi son long moment de solo démentiel ; Christian Houllé aux claviers a un côté rock progressif qui teintera certaines compositions d’un soupçon d’Archive ;  Denis Leonhardt vient de sa clarinette ou sax alto apporter les ambiances yiddish ou orientales si caractéristiques des Weepers (notamment sur la toujours excellente « Ma Dame aux camélias ») ; Frank Georges a la basse de Paul Mc Cartney, inspiration assumée du groupe ; Eric Guerrier, qui sait se faire discret à la guitare, est à l’aise dans le rôle du comique troupier. La force des Weepers Circus est qu’aucun de ses membres ne tire la couverture à lui, ces influences diverses venant enrichir les compositions d’idées multiples, du coup on ne s’ennuie jamais et la surprise est souvent au rendez-vous, comme lors de cette belle reprise du « Heroes » de David Bowie. « L’ombre et la demoiselle », rajoutée en cours de tournée à la setlist, est toujours aussi efficace de même que leur tube (qui étonnamment n’en fus pas un) « Tout le monde Chante » sur lequel le public s’époumonera gaiement. Et je suis très heureux d’entendre en rappel la superbe ballade « la Renarde », une des chansons favorites de Mélaine. Après un très bon « je ne suis plus un homme » extrait de l’album N’importe où, hors du Monde, les six musiciens nous saluent en nous invitant à venir discuter un moment avec eux, ceux que nous ferons avec plaisir.

 

D’Erwan Pinard et ses collègues nous apprendrons qu’en termes de scène, pour des amateurs (et ils le sont beaucoup moins que nous), il faut oublier Lyon. Seules leur accointance avec les assos musicales de la ville et la collaboration avec un tourneur leur a permis de faire quelques dates comme celle de ce soir, sinon ils se déplacent relativement loin, en Auvergne ou dans l’Ain par exemple. Denis nous dira que Strasbourg n’est pas mieux pour les salles de répétition ou les concerts… Les Weepers Circus vivent aujourd’hui énormément de leurs tournées pour enfants, et si les majors se sont battus à la simple évocation d’un deuxième disque pour succéder à A la Récré, ils ont eu les pires difficultés à trouver un éditeur pour leur nouvel album « adulte ». Bref, nous passons le reste de la soirée à parler de nos enfants respectifs. Ma carrière de père de famille à de plus beaux jours devant elle que mon éphémère carrière de batteur…

 

 (1)   Petite devinette : par quoi ces deux artistes à priori bien différents sont ils liés ?

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