Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blinking Lights (and other revelations)
11 juillet 2015

Erwan PINARD - Sauvez les Meubles

3610151765221_600

 

Vous me connaissez, je ne suis pas snob mais quand même, un gars qui s’appelle Erwan Pinard et  qui sort un premier album intitulé Contient des Sulfites à ranger du coté des Têtes Raides - grossièrement, c’est une étiquette pour situer – n’avait que très peu de chances d’être mis à l’honneur sur ce blog patronné par Saint Black Francis. Mais justement, le Pinard en question n’a que faire des étiquettes, et si son second disque s’affiche sous une pochette farceuse c’est peut être bien pour faire fuir les amateurs précieux à l’esprit aussi étroit que leur fondement. Outre toutes les absurdités de notre époque, s’il y a bien une chose sur laquelle crache le lyonnais, c’est le politiquement correct. « Prends soin de ta langue loin des propagandes », clame-t il sur l’excellent « Je ne dirai plus », et de donner l’exemple en soignant l’écriture acerbe de la plupart des titres de Sauvez les Meubles. Pourrait se dessiner alors dans votre tête le portrait d’un chanteur engagé, de celui qui dénonce nerveusement la société de consommation sur un expéditif « Mon voisin de caddie ». Ce serait une autre étiquette, que le chanteur avait d’ores et déjà fait valser sur son disque précédent dans une charge sur ces donneurs de leçons intitulée « Révolté » (« Révolté par devant, résigné là-dessous, révolté la société a bon dos »). Erwan Pinard n’a pas la grosse tête, il éclate celle de son petit bonhomme en mousse, qui est allemand (« Wenn Ich Schneller Gewesen Ware »). Dans sa façon de mêler humour et pamphlet avec nonchalance d’une plume personnelle et affutée, dans sa jubilation à faire un cours de français juste sur « les Gros Mots »,  il évoque parfois Georges Brassens, mais un Brassens à crête sentant la bière. Car s’il ne résiste pas à jouer un peu de trombone et à inviter ses compères de Contient des Sulfites aux arrangements et cuivres (de manière plus grave que guillerette d’ailleurs), la charpente principale de l’album est le nouveau trio très rock qu’il forme avec Jérôme et Lionel Aubernon, tel qu’il m’avait bien retourné lorsque je l’avais découvert sur la scène du Marché Gare. Le « Centre Ville » acoustique, bien grinçant (« ils ont mis de la lumière dans une rue où y a rien, avant y avait rien et maintenant ? hé ben y a rien mais on le voit bien ») est ainsi pulvérisé à plusieurs reprises par la batterie et le violon électrique des frangins.

 

Si Erwan Pinard appuie sur notre société là où elle a mal avec brio, c’est dans l’analyse désabusée de nos vies amoureuses que son écriture est la plus talentueuse, que ce soit dans le registre cynique (le Bashunguien « J’ai l’amour ») ou humoristique (« le Test ») (1). Quant au magnifique titre « S’il ne reste », il est si réaliste qu’il en est cruel, et la plupart des gens en couple depuis plus de deux ans auront certainement une grosse boule dans la gorge en l’écoutant (2). Aussi beau soit « S’il ne reste », ce n’est pas encore le sommet du disque, qui vient peu après : « J’entends des voix » concentre selon moi toutes les qualités d’écriture du chanteur, appuyé par une ambiance musicale sombre, enrobant le nihilisme punk d’une certaine finesse. Harcelé par les voix numériques encombrant notre quotidien, pas sur qu’un Erwan Pinard victime d’un sale burn-out en fin de chanson puisse compter sur son « Coaching bien-être » lui ordonnant de se détendre d’une voix agressive. Nous voici déjà en fin d’album, sur laquelle se trouve sans doute les deux seuls meubles à ne pas sauver (« Encore » et surtout « Que sais-je », bancale). Qu’importe, j’encourage ceux qui savent que le talent peut se cacher sous les patronymes les plus improbables à découvrir le Pinard, si possible sur scène puisque l’humour noir de cet artiste atypique est d’autant plus efficace qu’il a le répondant d’un public captivé.

 

(1)   (« mon cœur bat –a : à ton tempo –b : le fer pendant qu’il est chaud –c : en retraite»)

(2)   («s’il ne reste de l’amour que des petits restos, si ce n’est que remplir agendas et frigos, si ça ne sert qu’à ça pourquoi me sers tu si fort…»)

 

ECOUTER LE DISQUE ICI

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité