Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blinking Lights (and other revelations)
11 mai 2021

Mai 21: ARAB STRAP, Julien BAKER, GODSPEED YOU ! BLACK EMPEROR

R-17703601-1614959935-2737

ARAB STRAP - As Days Get Dark

 

Comment ces deux ados bagarreurs plein de bière et de fantasmes sont-ils devenus de tels songwritters, il y a là un mystère qui ne fit que renforcer la fascination que j’ai toujours eu pour Arab Strap depuis que je tombais sur « Here we go » sur une compilation Matador. Un style et un humour noir unique, un post rock inégal mais inoubliable dans ses sommets, 10 ans d’amours glauques et de gueules de bois qui s’achevèrent sur une dernière Romance en 2005. « There is no Ending », avaient ils malicieusement proclamé sur leur tout dernier titre, et on avait fini par en douter tant leur retour fut annoncé pour autant de déceptions à la clé. Un hiatus pourtant salutaire si on en juge par la qualité de la prolifique carrière solo de Malcolm Middleton, auteur de nombreux albums splendides (surtout dans les 00’s), et de celle d’Aidan Moffat, plus erratique mais conclue par le merveilleux Here Lies the Body en duo avec RM Hubbert. La sortie inespérée du single « the Turning of our Bones » marquait pour les fans non seulement la joie d’une reformation mais aussi celle d’un retour en grande forme, tant ce titre bourré d’ironie intégrait d’emblée le panthéon d’Arab Strap, avec cette allusion à peine voilée à  la résurrection du groupe : « i don’t give a fuck about the past, our glory days gone by » : pas mal comme phrases introductives ! (1) 

Les  compositions de As Days Get Dark réveillent donc le passé brillamment, entre arpèges de guitare répétitifs toujours aussi convaincants, boites à rythme cheap et morne chant alcoolisé, même si on trouve quelques expérimentations comme du saxo en roue libre, des percussions ou des violonades osées, écarts de style que je trouve pour ma part pertinents d’autant que raisonnablement dosés. « the Turning of our Bones » aurait pu être une porte d’entrée mensongère mais il n’en est rien, l’album est réussi de bout en bout à tel point qu’on se demande s’il n’égale pas en qualité notre cher Philophobia, sommet de la première partie de carrière de nos écossais favoris. Si tromperie il y a, ce n’est que sur l’humour, qui disparait quasi totalement par la suite, ne laissant que la noirceur suggérée par le titre. Musicalement l’album se partage entre morceaux aux rythmiques très dansantes (avec des reflets new wave 80’s assez agréables pour une fois) et titres mélancoliques, tandis que les magnifiques  textes sont uniformément sombres. Autrefois spécialisés en histoires de cul post adolescentes bien foireuses, les pitoyables héros d’Arab Strap ont pris 20 ans dans la gueule et viennent en catimini consulter quelques vieilles photos vaguement émoustillantes sur leur ordi en prenant soin de ne pas réveiller madame qui ronfle dans la chambre, quand ils ne se livrent pas à de piteuses tromperies en se demandant, lassés, s’il ne serait pas temps de raccrocher de leur double vie lamentable. Encore s’agit-il ici de virées nocturnes gentillettes, comparées à celles que le Dieu du libertinage incontrôlé impose à l’auditeur sur « Here Comes Comus ! » (2), l’une des meilleures et plus marquantes chansons de l’album. L’âme irrémédiablement bouffée, on traine sa carcasse dans les rues de la nouvelle Babylone, dans des trains de nuit et des gares désaffectées, au milieu de migrants rejetés (inhabituel thème de « Fable of the Urban Fox »), de drogués et de tous les captifs des ténèbres cherchant désespérément à s’en extraire. La violence et la noirceur du propos n’en restent pas moins supportables grâce à la beauté des mélodies ou la pulsation musicale, nous maintenant dans des limbes malsaines entre le monde des vivants et celui des morts. A moins que tout s’arrête et qu’il ne subsiste que la tristesse. C’est « Tears on Tour », à la poésie bouleversante, achevant de placer As Days Get Dark bien au-dessus des espoirs qu’on aurait pu mettre dans la reformation d’Arab Strap.

  

(1)    Et plus loin : The neighbors long to hear our screams, And we can dance again in sin ou The second life is calling 

(2)    Voir le clip volontairement choquant et très représentatif du ton du disque.

 

 

 

R-17444425-1613492950-3158 

Julien BAKER - Little Oblivions

 

Il y a des albums qui n’ont besoin que de quelques minutes pour nous convaincre, même écoutés de loin, à un apéro chez un pote. Pourtant, de cette power pop rock bien arrangée au son dense et aux mélodies cristallines, on pourrait en trouver pas mal dans les hits et sur les vieilles radios, sauf que la voix de Julien Baker nous touche direct aux tripes sans qu’on sache expliquer très précisément pourquoi. Elle rejoint simplement cette liste d’artistes qui, de Chan Marshall à Gemma Hayes, d’Alela Diane à Adrianne Lenker, expriment par leur chant bien plus que les textes qu’elles énoncent : une histoire. Derrière la voix sur le fil, derrière les vagues musicales s’écrasant en ressac émotionnels sur l’auditeur pantois, on sent les failles et on soigne les nôtres. Little Oblivions est d’une beauté et d’une intensité fulgurante, comme soudain touchée par une grâce divine que son autrice pensait inaccessible.  Un album qui représente tout ce que j’aime en musique et qui se place déjà dans en haut du top de l’année. Il parait que les deux précédents sont très bons aussi, j’ai hâte de les découvrir.

 

 

R-18071575-1617484863-4167

GODSPEED YOU ! BLACK EMPEROR - G_d's Pee AT STATE'S END!

 

On ne présente plus le groupe culte Canadien, précurseur du post rock qui signa après 10 ans d’absence un retour très inspiré en 2012 avec Allelujah! Don't Bend Ascend, initiant une deuxième partie de carrière que j’apprécie grandement (plus que la première à vrai dire). Godspeed You Black Emperor ! nous avait laissé sur l’excellent Luciferian Towers en 2017,  et nous livre cette année un album sans surprise bien réussi, dans la continuité de son prédécesseur. G_d's Pee AT STATE'S END! est donc composé de deux longs titres fleuves et deux morceaux de respiration, avec toujours ces montées en tempo et intensité de thèmes musicaux apparaissant après de longues intro en drone ou instrumentaux arythmiques insaisissables. Celles-ci paraissent toujours un peu trop développées, mais qui sait si nous profiterions autant des mélodies suivantes si elles étaient expéditives ? Si Godspeed You Black Emperor ! n’a jamais fait de la musique guillerette, ce G_d's Pee AT STATE'S END!  est particulièrement dur, entre la violence de « Job’s Lament », les fusillades de « where we break how we shine » et la tristesse de « Government Came ». C’est sans doute la plus grande différence avec les albums précédents qui laissaient le violon s’échapper du magma sonore en symbole d’espoir et de liberté. Il n’y a guère ici que sur « First of the last Glaciers » qu’il joue ce contrepoint, préférant se mêler à la lourdeur générale voire très régulièrement laisser sa place à un orgue sombre. Malgré un dernier titre redoutablement plombant, on prend encore une fois un immense plaisir à entendre ces belles mélodies de guitare enfler et creuser un sillon indélébile dans notre cerveau. Godspeed You Black Emperor !, toujours aussi exigeant, n’a pas fini de bouffer la noirceur du monde pour en cracher des fresques musicales salvatrices.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité