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Blinking Lights (and other revelations)
8 juin 2015

ARAB STRAP - Scenes of a Sexual Nature

arabstrap

Here we go, same time same place, my embarrasment versus your damp face…

Je me suis toujours considéré comme un fan d’Arab Strap. C’est étrange, car je n’ai toujours eu qu’un seul album du groupe, Philophobia. Tout est étrange, de toutes manières, avec Arab Strap. Le fait que j’aime ce groupe, et le fait que tant d’autre l’aiment. Leur premier label, leur premier single, leur premier concert, tout ceci est tellement improbable…. Et tout ceci est admirablement décrit dans ce merveilleux coffret, dont le prétexte est la réédition de the Week Never Starts Round Here et Philophobia, leurs deux premiers albums.  Si la BO de Virgin Suicides est le manifeste de l’adolescence symbolique, ces deux albums en sont le versant concret, le premier pour le coté défonce, le deuxième pour la gueule de bois. Après, ce ne sera déjà plus la même chose - toujours empreint de cynisme, d’espoirs, de déception, d’ennui, mais plus adulte. Malcolm Middleton et Aidan Moffat ne seront plus vraiment ce qu’ils chantent.

Car ce qui explique le succès immédiat du groupe, c’est bien la sincérité du propos.  Les premiers titres des deux garçons décrivent leur vie dans une petite ville écossaise nommée Falkirk, semblable à tout patelin d’une quelconque province. La jeunesse s’y emmerde ferme, entre le club de foot local, les soirées bière dans l’un des rares pubs non miteux du centre, et les histoires de cul adolescente qui finissent toujours en embrouilles voire en drames. Bref, Middleton et Moffat font de la musique pour passer le temps, et rien d’autre. Peut être, aussi, pour avoir l’occasion de se barrer de ce lieu étouffant.  Les après midi pluvieuses à enregistrer tout ce qui leur passe par la tête sur un 4-pistes en buvant de la bière se succèdent. Middleton part à la ville gagner un peu de fric comme serveur pour se payer du matos, alors que Moffat reste à fricoter avec l’ex de son camarade et envoie quelques cassettes de demos à des maisons de disque. Tout ceci est raconté en détails par les deux protagonistes sur la pochette intérieure du double vinyle d’inédits de ce coffret. Le chanteur prend plaisir à décrire le contexte du groupe et de chaque titre bonus, tandis que le guitariste reste plus évasif et semble victime d’un exercice imposé. Quoiqu’il en soit, c’est bien lui qui décrit comment il s’est fait virer, après s’être soulé pour fêter le coup de fil de Moffat lui annonçant la signature chez Chemikal Underground. Belle surprise de ce coffret, il intègre la cassette demo envoyée à l’époque aux maisons de disque, artwork compris, ce qui nous permet de nous mettre un instant à leur place (pour ceux qui n’ont ni lecteur cassette, ni lecteur vinyle, l’ensemble est repris en mp3 sur un CD). Ces cinq titres durant en tout 15 mn sont soigneusement enregistrés et portent déjà la marque si particulière du groupe. Quatre d’entre eux (« Coming Down », « the Clearing », « Gourmet », « I Work in a Saloon ») seront d’ailleurs repris sur the Week Never Starts Round Here, en constituant à la fois le début et la meilleure partie. « Drug Song For Paula », représentant le versant moins mélodique du groupe, avec son chant alcoolisé sur rythme bourrin sans d’autre musique que deux notes de mélodica, restera une obscure inédite réservée aux concerts. La deuxième face de la cassette présente d’autres titres enregistrés à l’époque, et restés dans l’ombre, excepté « Soaps » dont on a ici une version reggae bizarroïde. Le reste est constitué de bric et de broc, entre instrumentaux hard rock, et petites mélodies répétitives. Si les professionnels ont du immédiatement identifier le talent et l’originalité d’Arab Strap, il fallait sacrément des couilles pour signer une musique aussi peu consensuelle et à priori vouée à un échec commercial cuisant.  Arab Strap enregistre donc en peu de temps the Week Never Starts Round Here (un an à peine après la création du groupe !), incluant les beaux titres de la cassette demo, ainsi que des standards comme « Kate Moss » et « Blood » et des titres folk plus bruts (« Wasting » et « Little Girls »). Il y a malheureusement aussi quelques moments fort désagréables, comme l’enregistrement de 2mn d’errements éthyliques du chanteur qui gâchent la fin de « the Clearing » et « Kate Moss », ou l’insupportable « General Plea for a Girlfriend » à base de hurlements, d’alcool et de tambour. Gageons que sans le recadrage diplomatique de Chemikal Underground, le premier disque d’Arab Strap eut été nettement moins recommandable. C’est d’ailleurs le label qui, sur un coup de chance ou de flair, repêchera un morceau destiné à finir en b-side, le fera réenregistrer et l’inclura au disque. « the First Big Week end »  sera pour toujours le titre symbole d’Arab Strap, avec ses arpèges sur fond de rythme electro sur lequel Moffat raconte de sa voix désabusée le déroulement d’un premier week end d’été avec sa  bande de potes ados. Ce titre sera aussi le catalyseur du succès du groupe, aussi improbable que cela puisse paraitre. C’est d’abord l’illustre John Peel qui flashe, et commence à le diffuser régulièrement. A tel point qu’il décide d’enregistrer un concert du groupe pour ses fameux Live at BBC. Problème, Middleton et Moffat n’ont jamais eu l’intention de faire des concerts. Les voilà donc pris de cours, tentant un casting pour une paire rythmique qu’ils finissent par recruter parmi des potes de Falkirk. Leur tout premier concert est donc enregistré à Glasgow par John Peel, et nous le retrouvons sur la première moitié du CD Live fournit dans ce coffret. Un Live dont l’artwork reproduit de manière amusante n’importe quel CD gravé, avec ses précautions d’usage dans toutes les langues et schémas explicatifs, les titres marqués au stylo sur la première page et une carte postale du groupe comme glissée sous l’étui transparent. Moi qui ai connu de nombreuses premières prestations de groupes (dont les miens), j’avoue avoir du mal à croire à ce First Ever Gig ! rageusement souligné sur la pochette. Son correct, pas un seul pain, et une foule en délire qui acclame la face b du single, un « Gilded » particulièrement rock avec sa basse à la Joy Division, tout ceci est assez exceptionnel pour un premier concert…

John Peel ou pas, les deux compères sont encore insouciants, envisageant toujours la musique comme un moyen de s’éclater et d’oublier la routine habituelle à leur petite ville. Le hasard va une nouvelle fois frapper, au travers d’une anecdote décrite en long et en large par les journaux locaux. Autre belle surprise du coffret, un poster rassemblant tout les documents d’époque concernant les débuts du groupe, cartes postales promo du label, photos d’époque bien marrante mais surtout coupures de journaux exhumées de la boite à souvenirs de maman Moffat. A la lecture de ces articles, qui ne sont parfois que de simples entrefilets, nous reviennent tous les thèmes abordés par Arab Strap dans leurs chansons (et ravivent quelques souvenirs à ceux qui ont eu le malheur de passer leur adolescence dans un patelin). Quelle est donc cette anecdote qui fait le bonheur des feuilles de choux de Falkirk ? Scruffs are rock banned : Les deux acolytes se sont fait virer de leur propre concert parce qu’ils étaient trop bourrés ! Voilà de quoi assoir une réputation naissante. D’autant que, peu après, Guiness choisi « the First Big Week end » pour illustrer une pub sur leur bière (non sans avoir réenregistré les paroles, pas pour leur contenu mais parce que l’accent écossais de Moffat les rend incompréhensibles). Le hasard a encore bien fait les choses, puisque c’est la fille d’un responsable de Guiness passant en boucle chez elle ce single qui est à l’origine de ce coup de projecteur inespéré. Et les compères de poser fièrement dans les journaux, une Guiness en main, soulignant l’ironie des deux anecdotes qui les ont fait connaitre. Le succès grandissant, les journalistes de Falkirk accordent de plus en plus de lignes à leurs concitoyens, mais parlent très rarement musique. Autre glauque témoin du microcosme adolescent du coin, une Barmaid s’étend dans les colonnes du Sunday Mail : elle n’est autre que la pauvre gamine qui a eu le malheur de coucher avec les deux membres du groupe. Middleton et Moffat, prétendant que c’était à la même époque, ce qu’elle dément, se sont vengés : la totalité des textes de the Week Never Starts Round Here seraient à son sujet. Vu la teneur desdits textes, on comprend que la demoiselle ait tenu à se défendre lorsque cet album a commencé à bien se vendre. Sur cette affaire, on est d’ailleurs plutôt tenté de croire que les gars sont les salauds de l’histoire, d’autant plus qu’ils ne se privent pas pour venir picoler à toute heure dans ce même bar où la cible de leur acharnement est serveuse. En revanche, on sera plutôt de leur coté devant l’avalanche de commentaires patriotiques des autochtones outrés de la description peu flatteuse que le groupe fait de leur ville à chacun de leurs interview (Scotland’s newest pop stars have been disowned by their home town after branding it rundown and boring and depicting locals as violent alcoholics and drug addicts). On pense à Brassens et ses « imbéciles qui sont nés quelque part » en lisant l’interview scandalisé du maire de Falkirk. Ce poster est un formidable miroir de la musique et des textes d’Arab Strap, en même temps qu’il en explique admirablement les origines.

Arab Strap commence à rencontrer d’autres groupes influents de la scène écossaise. Des membres de Belle and Sebastian seront invités sur quelques chansons du groupe, et ils intituleront même un de leurs albums (le meilleur selon moi) the Boy with the Arab Strap. Le morceau du même nom sera à l’origine d’une brouille entre Stuart Murdoch et Aidan Moffat, peu étonnante vu la différence de style qu’il peut exister entre les deux chanteurs. L’amitié avec les membres de Mogwai  perdurera en revanche bien après la participation de Moffat sur l’album Young Team. Arab Strap croisera aussi la route de Stereophonics, avec un épisode marrant sur les Brit Award décrit par Moffat qui n’a pas de mots assez durs pour qualifier la musique de ces « outragesly undeserved winners ».  Le temps des bidouillages alcoolisés est fini, et la sobriété est de mise pour le groupe qui se professionnalise peu à peu.

Deux ans après leur premier album, Arab Strap accouche de leur chef d’œuvre Philophobia. C’est leur seul album où il n’y a rien à jeter, cohérent, parfait de bout en bout excepté, peut être, le dernier titre  « the First Time You’re Unfaithfull » (d’autant plus que « I Would’ve liked me a lot last night » eut fait un final merveilleux).  « Packs of Three », « Soaps », « Here we go », « Piglet », on ne compte plus les classiques sur Philophobia, avec en prime mes deux titres favoris, « Not Quite a Yes » et « Afterwards ».  Une partie de ces morceaux se trouvent sur le faux Cd gravé, avec un savoureux Live qui, comme le méconnu Mad for Sadness dont je reparlerai dans mes Loved Lives, révèle le coté rock d’Arab Strap. Débutant par un « Girls of Summer » de 8mn plein de rebondissements, le set présente des titres retravaillés aux guitares agressives (« New Birds », « Afterwards ») et une belle sélection issue de Philophobia (tout les morceaux durent plus de 5mn). Il ne fait aucun doute que le groupe n’a plus rien à voir avec les amateurs qui donnaient leur premier concert deux ans auparavant… Autres témoignage de la vitalité du groupe sur scène, deux Peel Sessions de quatre titres figurent sur le vinyle Scenes of a Sexual Nature. La première, enregistrée lors de leurs débuts, voit le groupe interpréter d’excellentes raretés, « the Smell of Outdoor Cooking » et « I saw You », et réécrire les paroles de « the First Big Week End » pour l’occasion. La deuxième est dans la continuité des concerts donnés lors de la sortie de Philophobia. Les deux sont une nouvelle démonstration de déluge rock rageur, en opposition avec les versions studio désenchantées. Des versions studio qu’on pourra découvrir sur le double vinyle Scenes of a Sexual Nature, complété avec un CD de 9 raretés,  proposant de nombreux inédits et b-sides de l’époque (mais pas tous, car Arab Strap a toujours été très prolifique en raretés et titres destinés uniquement à la scène). Parmi eux, on notera plus particulièrement l’instrumental « a Cunt’s Trick », le remix reggae gospel de « Hey ! Fever », le très beau « I Still Miss You » et l’incroyable b-side à tiroirs de 13 mn intitulée « Trippy ».

Aidan Mofat a même persuadé Malcolm Middleton de passer une journée en studio pour terminer « Daughters of Darkness », un titre laissé en plan qui s’achève brutalement, comme un symbole du split du groupe en 2006. Une journée de studio agréable, mais malheureusement à priori sans lendemain…

En voilà un long article… Il semblerait que, étrangement, je sois un fan d’Arab Strap.

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