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Blinking Lights (and other revelations)
14 juin 2022

BIG THIEF - Mardi 07 Juin 2022 - Le Transbordeur - LYON

01

 

J’avais vraiment été affecté par le report du concert de Big Thief, initialement prévu en Février, attendant avec impatience le réconfort de leur musique après une longue période covidienne dont on désespérait à l’époque de voir le bout. Plutôt que de râler que la nouvelle date tombe juste pendant la semaine déjà surchargée en concerts intéressants à Lyon, je savourais le plaisir de pouvoir revoir ce groupe dont les disques m’ont accompagné depuis que je le découvris au Tinals en 2019, qui plus est avec un excellent ami. Les raisons pour lesquelles j’aime Fred sont évidemment multiples, mais sachez qu’il arborait ce soir un amusant T-Shirt d’un autre groupe dont il est fan, Ultra Vomit (j’ai pas vérifié mais j’ai l’intuition qu’il était le seul en cette soirée plutôt hipster). Nous avions décidé de ne pas nous prendre la tête et d’aller tester le burger-frites du Transbo pendant la première partie, apparemment constituée d’un truc electro solo expérimental façon Sonic. Comme pour Mogwai, j’ai la (bonne) surprise de voir que le concert va se tenir au Club Transbo (1), nous nous faufilons aisément vers le devant de la scène avec nos bières dès que les premiers applaudissements retentissent.

 

02

 

On va pas s’étendre sur le look des quatre musiciens, on dirait les photos de famille de quand j’étais gamin et qu’on passait les vacances dans notre vieille maison dans les Pyrénées. L’hirsute batteur joue avec des chaussures de rando, le bassiste arbore une longue chevelure rose et jaune (il a certainement perdu un pari me dit Fred), bref, tout ceci s’évanouit instantanément dès les premières notes de « Rock & Sing », splendide titre d’ouverture de Two Hands nous mettant les poils en quelques secondes. Expression signalant une émotion puissante qui ne me lâchera pas pendant toute la première moitié du concert, ce qui montre bien son coté exceptionnel tant ces moments sont habituellement rares. Au contraire, l’émotion va aller crescendo au fil des chansons, avec à suivre une belle sélection du dernier album, portée non seulement par le jeu de guitare et le chant poignant d’Adrianne Lenker, mais aussi par les chœurs de ses compagnons, interprétation à 4 voix qui participera à la beauté indescriptible de ces instants. « Cattails », l’une de mes chansons favorites, avec ses arpèges et son balancement rythmique, m’arrache mes premières larmichettes. L’ambiance est au beau fixe en fosse comme sur scène, où je note que le groupe est en confiance et n’est plus en constante recherche du regard de la leadeuse, celle-ci semblant aussi beaucoup moins angoissée que les fois précédentes où je les vis. La phase suivante va s’orienter vers le coté plus électrique de Big Thief, qui prendra une bonne place dans la setlist, l’interprétation flirtant même parfois avec le rock alternatif. C’est d’abord le marquant « Masterpiece » extrait du premier album, puis un enchainement de deux tueries de two Hands qui achève de me transporter. J’ai trop vite utilisé l’adjectif intense dans mon article sur le concert de Nick Cave, et je ne saurais maintenant qualifier ce passage, notamment cette version du meilleur titre de ces dernières années, un « Not » dont le final prolongé n’en finit plus de me remuer les tripes. A ce moment-là, je suis tout simplement en train de vivre l’un des meilleurs concerts de ma vie.

 

03

 

A partir de là, le concert va changer de physionomie, sans qu’on sache l’attribuer à une volonté du groupe de s’aventurer sur des chemins moins tracés (en s’écartant notamment assez significativement de la setlist prévue à l’origine) ou à un grain de sable quelconque ramenant progressivement la fébrilité touchante qu’on lui connaissait. Les chansons restent très jolies mais les poils sont retombés, les trois musiciens s’en remettent à leur Front Woman pour deux titres issus de son dernier album solo sur lesquels ils sont peut-être moins à l’aise que pour le répertoire du groupe, et gardent leur concentration sur « Mary » au chant redoutablement dense. Les secondes voix disparaissent d’ailleurs et ne réapparaitront que très peu sur cette fin de set. S’ensuit un autre morceau démontrant la maitrise technique de Adrianne Lenker, cette fois à la guitare, « Simulation Swarm » (l’un des meilleurs du double Dragon New Warm Mountain I Believe in You) et ses solos bondissants où la main gauche virevolte délicatement sur toute la longueur du manche. Ainsi ambiancé, le public va s’emballer et provoquer un incident diplomatique qui va surement nous faire marrer pendant de longues années avec Fred. A la suite de Saint Luz, Fred a adopté la règle stricte selon laquelle taper dans ses mains à un concert fait « fête à neuneu », et bien que n’étant pas aussi catégorique que lui et m’y adonnant à de rares occasions, il était clair pour moi que ce n’était vraiment pas le concert où exprimer sa joie dans une arythmie toute française, surtout sur une chanson intitulée « Sadness as a Gift ».  Le résultat, c’est qu’après avoir entamé avec le groupe cette nouveauté sous les clappements du public, Adrianne Lenker s’interrompait pour expliquer avec moults détours gênés que ce n’était pas vraiment l’esprit de la chanson, et qu’elle se sentait plutôt mélancolique en l’interprétant. Après 20 ans de prosélytisme Luzien, la vérité explosait subitement sur scène, Fred était refait. C’est en solo que la chanteuse reprenait depuis le début, laissant ses copains tristement désœuvrés, se trompant de position de capot avant une fin de toute beauté. Est-ce les remords envers ses potes, envers le public, ou pour relever une ambiance soudainement refroidie, bref, elle décidait de refaire intégralement « Sadness as a Gift » en groupe, relançant quelques clapeurs forcenés (mais peut être qu’ils nous avaient entendu dauber et que c’était juste pour nous faire chier) (2).

 

04

 

Le concert avait donc basculé dans quelque chose d’assez foutraque au parfum d’amateurisme loin d’être désagréable mais à mille lieues de l’impact émotionnel des débuts, virage à 180° qui se poursuivra sur « Flower of Blood » où le jusqu’à présent impeccable Buck Meek, dont on sent qu’il est toujours à la limite de l’improvisation sur ses solos, fera l’expérimentation de trop en savatant d’un son trop agressif la chanson « Flower of Blood ».  Puis c’est l’intervention d’un invité à la guimbarde (avec solo !) qui donnera à « Spud Infinity » un coté à moitié comique pas forcément opportun. Je n’ai pas vu le temps passer et constate avec surprise que le groupe quitte déjà la scène, avant de revenir pour le réjouissant « Forgotten Eyes », parfaitement équilibré entre folk et rock et donc idéal pour terminer le concert. C’est l’une de mes petites déceptions de la soirée que ce rappel expéditif  avec,  pour chipoter, le fait que UFOF, mon album favori, ait été si peu représenté. Cela dit avec le nombre de bonnes chansons que Big Thief possède aujourd’hui à son compteur, il y a forcément des manques pour le fan (3). Pas question d’en rester là, Fred et moi nous posons donc avec une nouvelle bière au patio en bois du Transbordeur non sans avoir fait un tour au merchandising auparavant, repartant chacun avec du vinyle sous le bras. Nous y croisons Gary, dont la mystérieuse période d’abstinence musicale semble avoir pris fin, qui nous vend le fabuleux concert de Teub (indie pop) au Sonic. C’est pas vraiment la bonne semaine pour découvrir des trucs, et à la frustration de certains concerts ratés, je privilégie le plaisir d’avoir été ce soir à celui qu’il ne fallait surtout pas manquer.

 

(1)    Là où Big Thief remplissait l’Epicerie Moderne en 2020. Bizarre… 

(2)    La version en solo est mieux. 

(3)    La reconstitution de la fin de setlist n’a pas été évidente, car Big Thief la change à chaque date et a interprété plus de 60 chansons différentes sur scène en 2022, tirés de l’ensemble de ses 5 albums et des deux derniers albums solo d’Adrianne Lenker (elle en a sorti 4 pour l’instant)

  

Setlist : Rock and Sing - 12000 Lines - Dried Roses – Certainty – Cattails – Masterpiece – Shoulders – Not - Dragon New Warm Mountain I Believe in You - Ingydar (Adrianne Lenker song) - Not a lot, just forever (Adrianne Lenker song) – Mary - Simulation Swarm - Sadness as a Gift - Flower of Blood - Spud Infinity // Forgotten Eyes 

  

 

 

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Commentaires
P
J'aime beaucoup le Not.
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