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Blinking Lights (and other revelations)
1 avril 2006

CAT POWER

C'est l'hiver, il fait pas beau et seuls les artistes déprimés sortent des disques. Après ARAB STRAP c'est au tour de CAT POWER de nous montrer le versant féminin de la mélancolie avec un nouvel album 'The greatest", encensé par la critique. Mais un retour en arrière s'impose pour comprendre comment cette timide jeune fille est parvenue très progressivement à s'imposer dans le milieu "indé".

 

 

 

 

 

Présentation1

 

 

CAT POWER, alias Chan Marshall, une américaine assez mignonne, commence sa carrière par le EP "Dear Sir",  disque hésitant entre le blues et le rock (à l'image du titre "yesterday is here") où sa voix fait déjà des merveilles sur quelques accords simples et une batterie minimaliste. Que ce soit sur les titres rythmés (l'excellent "Rockets" ou "Itchyhead") ou calmes (l'émouvant "Mr Gallo"),  la voix caressante puis brusquement criante comme un cout de griffe semble expliquer le nom du "groupe". L'album "Myra lee" fait la transition entre le précédent (on y retrouve "Rockets") et le suivant (sur lequel apparaitra aussi "Enough"). On découvre ici l'ambiance particulière des futures chansons de "What would the community Think" créée par  la répétition en boucle de quelques notes de guitares sur lesquelles Chan pose sa voix torturée. ("Great expectations", "Ice water" et le très lent "Wealthy Man").  Ressort aussi la chanson "We all die", qui telle une marche militaire implacable illustre la fatalité contenue dans son titre.

 

 

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Après ces deux essais, CAT POWER sort "What would the community think", disque par lequel je l'ai découverte et qui scotche à la première écoute. Rarement texte et musique se seront autant ligués pour enfanter une atmosphère aussi sombre et opressante. Tout au long de l'écoute on se demande quel terrible secret se cache derrière cette frange et ce timide sourire pour provoquer ce mal etre chuchoté ou hurlé sur ces douzes titres.  "In this hole", un des plus beaux titres, annonce la couleur noire ("one absent truth the one horrible thing i saw").  Amoureuse décue sur "Good clean fun" ("after this there will be no more good clean fun") ou transie sur le poignant  "King rides by"  ("i need your love more than you'd ever know") Cat power expose sa vision de la vie:  Ici, la femme est fragile et l'homme au mieux inaccessible, le plus souvent lache et salaud.  Si on sent la colère poindre derrière la guitare acoustique et le chant de "The fate of human carbine" où un mec se perd en prostituant sa copine par avidité, c'est le découragement et la peur qui domine, comme dans l'histoire finale de l'album "The coat is always on" où un père terrorise sa famille ("Father said he was gonna give me something he gave me hate. What happened to home sweet home?"). Cette violence masculine semble admise par une communauté repliée sur ses traditions et sa morale religieuse stricte. Ainsi le dramatique secret de la jeune fille transparait dans l'unique titre rock de l'album, "Nude as the news" où elle crie "i've got a son in me" et surtout dans le magnifique "What would the community think" où elle expose la solitude extrème d'une jeune fille rejetée par tous, victime d'une grossesse précoce ("all the things that people do in winter they all melt down in summer things a mirror should say"). S'adressant en dernier recours à Dieu pour les faire taire dans le blues "They tell me" mais ne récoltant que silence, c'est auprès d'une rivière ou de la mer qu'elle restera entre désir de suicide ou attente vaine d'un prince charmant ("Water and air", "my lover drifted down the river below the dark water the devil all around"). Mais son reve de vivre à l'écart exposé dans "Batysphère" sur deux accords et des bruits éléctriques se voit brisé une fois de plus par la voix du père la ramenant à la terrible réalité...

Au moment de son passage dans la petite salle/bar le Poste à Gallène à Marseille pour un de mes premier concerts, peu avant la sortie de "Moon Pix", CAT POWER a déjà acquis une réputation catastrophique sur scène, un mélange de trac, timidité, alcool et technique musicale limitée l'obligeant à reprendre ses chansons plusieurs fois, voire à s'enfuir en larmes après quelques titres...  Avec un retard important, se présentait la pire première partie que j'ai jamais vue au nom prédestinée de "FUCK". Après de multiples tentatives gachées par un son lamentable au milieu des rires génés de ses protagonistes, FUCK laissa sa place en n'ayant réussi à jouer qu'une seule chanson complète! Autant dire que la prestation de CAT POWER fut superbe à coté malgré  ou grace à une décontraction fort peu naturelle (la découverte du vin rouge francais pour Chan?). Malgré la déception de n'entendre aucun des titres que je connaissais (excepté le grand "Kings rides by"), restera l'émotion des chansons rendue palpable par la petite taille de la scène et le souvenir de la dernière chanson interprétée recroquevillée au mileu d'une foule respectueuse l'enveloppant de bras consolateurs.

 

 

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Ce "Moon Pix" ne s'imposa pas à moi d'emblée comme le précédent album et ce n'est qu'après de nombreuses écoutes que je commencais à apprécier la plupart des chansons. En effet, à part pour une des chansons fétiches de Chan "Back of your head" où l'on retrouve l'ambiance de "What would the community think" ("Big monster lover, can't you see that we're going to hell?"), l'ensemble est bien plus appaisé dans les paroles comme dans la musique, et la voix est plus douce. On entend de la flute sur "He turns down", et la musique devient un peu plus complexe, en témoigne le sommet de l'album, "Metal heart", titre dans lequel se cache peut etre l'explication de ce changement de ton ("I once was lost but now i found i was blind" "Metal heart you're not worth a thing").  CAT POWER semble libérée du poids des chaines qui pesait sur elle auparavent et propose des arpèges plus légers ("Say") , s'adressant à dieu de manière moins violente ("You may know him", "Cross bones style").  Malgré tout cette prise de conscience n'est pas synonyme d'optimisme et ce nouveau regard libre sur le monde reste noir. Son constat sur l'amour est direct ("No sense" !) et son aveux sur "Moonshiner" semble un appel bien réel tant elle met de force dans son chant ("When the bottle gets empty then life ain't worth the drown"). Reste au final les quelques notes de pianos de "Colors & the kids" et ce terrible aveux: "It must be colors and the kids that keep me alive cause the music is boring me to death".  CAt POWER mettra cinq ans pour réaliser son album suivant...

 

 

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Pour faire patienter ses fans après la sortie de Moon Pix, CAT POWER sort un album de reprises, chansons qu'elle a l'habitude de jouer sur scène ou hommage à ses grands inspirateurs, avec en tete du cortège Bob Dylan et son "Paths of Victory", seul titre avec le traditionnel folk "Salty dog" à etre un peu joyeux. Cet album, extrèmement calme avec juste le chant de Chan accompagnée d'un piano ou d'une guitare débute sur le célebrissime "I can't get no satisfaction" qu'elle réussi à rendre triste! on regrette de ne pas voir figurer sur ce Covers Record le "Wonderwall" d'Oasis qu'elle transforme de la meme manière en concert. Dans le registre sombre CAT POWER nous propose "Wild is the wind" au piano dont les paroles semblent si proche de sa fragile nature ("we are creatures of the wind, wild is the wind") ou une version encore plus glacante de sa propre chanson "In this hole".  Superbe et courte pause dans la nuit que ce "I found a reason" de Lou Reed illuminé par la voix si craquante de Chan qui s'en retourne encore se confier aux "Eaux Troubles"  avant de finir par se noyer dans une "Mer d'amour"....

 

 

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"We all do what we can, so we can do just one more thing, we can all be free, maybe not with words, maybe not with a look but with your mind"....      Assurément ce nouvel album tant attendu est celui de la libération.  Le changement transparait déjà sur la pochette, avec cette foret ensoleillée verdoyante et ce titre coloré comme un hymne:  "YOU ARE FREE".  Les textes sont plus optimistes, comme ces phrases tirées de "Maybe not",  plus poétiques voire philosophiques.  La musique est moins simpliste,  avec comme ajout bénéfique principal des deuxièmes voix prenantes (assurées pour la plupart par Chan assisté sur quelques titres par Eddie Vedder)  ainsi que quelques solos de guitare et la batterie énergique de Dave Grohl.  A l'image de la photo intérieure de la pochette, il est beaucoup question de fuite dans cet album, de "Keep on Runnin" à "He war" en passant par le superbe "Fool" où la chanteuse décrit d'une voix trainante sur des arpèges de guitare une vie d'artiste et de voyage, une vie au temps présent sans attache matérielle.  Qu'elle soit physique ou mentale, c'est dans cette fuite qu'elle semble trouver sa liberté plutot que dans la musique et ses habituelles contraintes décrites dans la petite chanson d'introduction de l'album au piano, "I don't blame you". ("they wanted to hear that song that you didn't wanna play"); La qualité de l'album vient aussi de chansons plus variées que sur les précédents; On retrouve des bons rocks comme "Free" où batterie et guitare électrique viennent accélérer quelques accords rythmiques simples, recette reprise sur "He war" ou "Speak for me". Meme "Good Woman", une très belle ballade avec ses paroles tristes semble moins étouffante que les titres de "What would the community think" avec son violon et ses bons riffs de guitare.  L'ambiance du premier album on la retrouve sur "Babydoll" ("Baby black is all you see") ou la rengaine un peu lassante "Names" ou la voix désabusée de Chan nous décrit sur fond de piano l'enfance sacrifiée par la violence des adultes et du monde de quelques uns de ses amis.  Ainsi l'album est partagé entre rire et larmes, tel le loup garou de "Werewolf" exposant son blues dans une atmosphère bien particulière créée par un violon plaintif. Les derniers titres sont très calmes et l'album s'achève sur la triste contine philosophique "Evolution", allégorie d'un monde qui court à sa perte ("Better call the captain he's been caught stealing, better call the porterman he's been caught leaving better call all the guys on the deck they been caught with no feeling").  Plus abordable et plus varié que "What would the community think", meme s'il est un peu moins émouvant, "You Are Free" se place au sommet de la discographie de la belle australienne.

 

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Peu de temps après sort un curieux objet, "Speaking for trees" présenté dans un beau coffret blanc qui nous plonge dans l'univers de CAT POWER. On y trouve au rayon musique un CD composé d'une seule chanson "Willie Deadwilder" ou Chan chante calmement sur les memes notes de guitare pendant 18 mn. Il y a ensuite un gros livret de photos et de dessins nostalgiques en noirs et blanc, des photos d'enfants, d'arbres et de Chan jouant de la guitare au milieu d'une foret. Ces photos sont tirés du DVD qui accompagne le coffret, DVD constitué de plans fixes sur la chanteuse gratouillant dans une foret des reprises (Time is on my side, Knockin on heaven's door...) ou des compos (Back of your head, i don't blame you..) au gré de son inspiration, s'arretant, melangeant des chansons et revenant souvent sur les meme titres. Les deux ou trois clips sont de la meme facture, on observe la mer en écoutant la musique de CAT POWER.  Un ensemble très mélancolique, sobre, beau, mais à réserver aux ultimes fans. (personellement une seule séance de relaxation dans les bois me suffira...)

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