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Blinking Lights (and other revelations)
17 juillet 2015

Yann TIERSEN - (Infinity)

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Ceux qui lisent ce blog savent à quel point j’ai aimé Dust Lane et Skyline, et devaient donc s’attendre à ce que je parle de leur forcément très attendu successeur. Ce n’était pas si évident, car Infinity est dans la continuité et le fond de l’article aurait pu constituer en une simple redite des deux précédents : Yann Tiersen base encore une fois son travail sur le bricolage de pistes acoustiques auxquelles il ajoute des éléments électroniques, puis réenregistre des voix et des instruments sur ce magma expérimental – et le résultat est, encore une fois, magnifique.  Fin de la chronique.

 

Mais si l’œuvre de Yann Tiersen est un éternel recommencement (1), elle est aussi en évolution permanente, poussée par l’exigence artistique de son créateur. Pour son nouveau disque, Tiersen a eu l’idée de travailler sur l’infini, et sur ce qui selon lui symbolisait concrètement ce concept : les pierres. On imagine ce qu’un concept album du genre aurait pu donner comme catastrophe chez un compositeur moins talentueux, mais cela fonctionne étonnamment bien ici. En fait, à la manière d’un peintre impressionniste, Tiersen dessine par touches sonores un ensemble de paysages qui surgissent devant les yeux de l’auditeur au fil des chansons. C’est d’abord le vent soufflant sur de nombreuses pistes (dès l’introduction de « Infinity »), qui donne une impression de grands espaces. On l’entend faire doucement tinter les carillons de « Ar Maen Bihan » avant de se transformer en tourbillons d’instruments, on entend ses bourrasques et ses sifflements sur « In Our Mind ». C’est la pluie qui s’invite sur « Slippery Stones », les roches qui résonnent dans les différents poèmes parsemés sur le disque. Et les langues mystérieuses employées, Breton, Islandais, Ecossais, Féroïen, finissent par emmener notre imagination sur ces landes Celtiques aux buissons ras écrasés par de multiples rochers moussus, et finissant dans une mer agitée aux écueils eux aussi immortels. Ainsi Tiersen relève-t-il son défi, et en profite pour amener encore plus loin sa musique dans l’exigence. Si l’amateur de ses travaux récents se trouvera en terrain connu sur des morceaux comme « A Midsummer Evening » ou « « the Crossing », il s’aventurera dans des contrées plus étranges sur le poème Breton d’« Ar Maen Bihan » dont le dépouillement initial laisse place à un instrumental electro rythmé. Et plus encore sur sa sœur « Steinn », dont les notes comme issues d’une gigantesque pendule sur un sombre lit de cordes et les voix Islandaises bourrées d’échos se révèlent fascinantes. Un travail d’arrangements qui n’occulte pourtant pas la racine belle et simple des chansons, qu’on entend toujours derrière leurs nappes brouillardeuses et leurs cieux changeants (la météo de ce disque est aussi bretonne). Il suffit pour s’en convaincre d’écouter (sur internet)  la version de « In Our Minds » interprétée juste avec un piano et trois voix, qui reste superbe. En cerise sur le gâteau,  nous avons droit à l’apparition inspirée d’Aidan Moffat (2) dans un registre inhabituel, avec ce long poème sur les Météorites, métaphore des relations amoureuses, qui s’adapte idéalement à la musique proposée par Tiersen (3) et offre une conclusion parfaite à Infinity.

 

Pour aller plus loin, je ne peux imaginer que Yann Tiersen ait produit un travail artistique sur l’Infini sans avoir eu envie d’évoquer la Spiritualité à travers sa musique. Partant d’un univers qui lui est familier (musicalement comme géographiquement), il nous invite à un voyage vers l’inconnu, vers l’Autre. Au-delà du titre « the Crossing » qui évoque la Mort et l’au-delà (les paroles ne prêtent guère à confusion), il y a dans tous ces souffles, ces battements et ces cloches comme un appel à la méditation, à la prière (4). Et que dire de cette fantastique idée du Midsummer Cycle Tour, un parcours à vélo en Bretagne en 6 étapes dont le tracé forme le Signe Infini. Tiersen et sa compagne (Emilie Quinquis, qui a participé au disque), faisant environ 200km par jour pour rejoindre un disquaire, à la rencontre des fans, à la rencontre des Autres. Impossible de ne pas penser à une sorte de pèlerinage, genre Chemin de Croix - marche religieuse ponctuée d’autant d’étapes que le Christ en connut lors de sa Passion - ou Pardon, comme on dit en Bretagne. Ce Tour est résumé en 6 vidéos youtube où l’on voit Tiersen, malgré les bornes qu’il a dans les pattes, enchainer tout sourire les signatures et les photos. Moi qui l’imaginais (suite à quelques rumeurs) en ours un peu antipathique… Infinity a en tout cas un ton bien plus lumineux que ces prédécesseurs, ce qui rajoute encore à sa spécificité. Il m’est d’ores et déjà indispensable.

 

 

(1)    Il livre d’ailleurs une anecdote savoureuse à ce propos : « Slippery Stones » est basé volontairement sur des éléments clichés de sa musique (les toy piano par exemple) qu’il s’est ensuite employé à triturer et déformer pour voir où cela menait. C’est aussi le point de départ d’Infinity.

 

(2)    Chanteur inimitable d’un des rares groupes dont je regrette amèrement la disparition, Arab Strap.

 

(3)    Le français a d’ailleurs été le premier surpris qu’en demandant à Moffat un texte sur les Pierres, celui-ci pense aux Météorites.

 

(4)    Et c’est là que je me rappelle qu’il intitulait « Prières » certaines de ses pièces au piano à ses débuts.

 

 

 

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